
En France plutôt qu'ailleurs. Le Taïwanais ProLogium va confirmer ce vendredi 12 mai la création de sa gigafactory de batteries électriques à Dunkerque. La quatrième dans la région après celles de la startup Verkor, dans la même ville, d'ACC à Douvrin initiée par Stellantis et d'Envision à Douai pour le groupe Renault. Cette nouvelle usine devrait commencer la production de batteries électriques en 2026 pour atteindre une capacité de 48 gigawattheures (GWh) en 2027, environ la même puissance que son concurrent ACC. L'investissement a été chiffré à 5,2 milliards d'euros.
Jusqu'au 28 avril dernier, deux marchés étaient encore en compétition pour accueillir ce projet colossal : l'Europe et les Etats-Unis. Or, malgré les subventions de l'IRA (Inflation Reduction Act) dans les projets d'industrialisation, force est de constater que l'Europe et la France offrent de sérieux avantages à l'implantation de ces gigafactories, même pour de grands acteurs étrangers.
« Le marché européen de l'électrique est plus mature »
Si l'Europe a été retenue, c'est d'abord pour son penchant pour l'électrique, par rapport au marché américain. « Le marché européen est plus mature », confirme Gilles Normand, responsable du développement international chez ProLogium. Sur le Vieux continent, 12% des parts de marché sont attribuées à l'électrique. Et les intentions d'achats de voitures électriques sont, elles aussi, deux fois plus élevées en Europe, à hauteur de 50%.
Autre aspect majeur : l'Union européenne a acté la fin des moteurs thermiques à horizon 2035, soit une réglementation supranationale qui ne dépend pas des fluctuations de présidence dans le pays. Elle permet ainsi de sécuriser les décisions industrielles sur plusieurs années. ProLogium a néanmoins précisé que ce projet ne serait que le début d'autres, tout aussi importants, qui pourraient voir le jour aux Etats-Unis dans deux ou trois années.
L'Europe soutient également la recherche et le développement, un secteur majeur chez ProLogium, contrairement aux aides de l'IRA américain qui ne servent qu'au moment de la production. La Chine, de son côté, n'a pas été envisagée pour un tel projet, le marché automobile chinois étant déjà très compétitif et développé.
Enfin, les dix principales marques européennes ont toutes misé sur l'électrique en Europe d'ici à 2035 avec certains constructeurs, comme Renault, qui devancent le calendrier en proposant une flotte 100% électrique d'ici à 2030. Sur le seul marché français, les immatriculations devraient être multipliés par dix d'ici à 7 ans avec 13 millions de voitures électriques en circulation.
Dunkerque, le choix de la main d'œuvre et de l'énergie
La France justement, a été le territoire de choix de l'industriel taïwanais en Europe.
« Nous avions visité plusieurs sites, près de 90 dans 13 pays différents. A la fin, il restait 3 choix possibles : le site de Dunkerque, un aux Pays-Bas et un en Allemagne. Le choix a été difficile, car tous avaient leur lot d'attractivité », a détaillé Gilles Normand.
Finalement, c'est Dunkerque qui sera choisi, aux côtés d'une autre gigafactory française : Verkor. L'énergie constitue la raison principale de cette décision. La France dispose en effet d'une énergie bas-carbone ayant un coût très compétitif. Dans le Nord, la centrale nucléaire de Gravelines et les vastes parcs éoliens alimenteront ainsi les gigafactories. En outre, les constructeurs automobiles demandent de plus en plus de produire des batteries à faible impact carbone pour répondre à leurs ambitions de neutralité, d'autant que, désormais, le bonus écologique intègre cette condition.
En outre, la France a un taux de chômage deux fois plus élevé qu'en Allemagne, soit une disponibilité de main-d'œuvre plus importante, pour une usine qui devrait générer 3.000 emplois directs et 20.000 emplois indirects. Un avantage qui a fini de convaincre l'entrepreneur taïwanais pour le choix de Dunkerque.
La gigafactory devrait s'étendre sur 130 hectares, découpés en deux sites distincts de 88 hectares et 42 hectares, faute de disponibilité de terrain. L'objectif est de développer une batterie nouvelle génération par rapport aux autres usines dans la même région, mais aussi de mutualiser les matériaux, ainsi que les formations pour la main d'œuvre.
Des batteries avec une autonomie de 1.000 km
ProLogium produira normalement une batterie avec un électrolyte à l'état solide, contrairement aux batteries liquides lithium-ion actuelles. Cette technologie permet une meilleure robustesse en cas de défaillance du système. Elles seront aussi plus résistantes au froid, fonctionnant à des températures de - 40 degrés et se déchargeront moins vite lors de variations de températures.
Ces nouvelles technologies permettront, selon le géant taïwanais, une autonomie de 1.000 kilomètres pour les futurs véhicules électriques ainsi qu'un temps de charge de 12 minutes pour passer de 20% à 80% de la batterie, soit seulement quelques minutes de plus qu'un plein d'essence.« L'objectif est de convaincre 100% des utilisateurs, y compris un gros rouleur au diesel », a assuré ProLogium. En outre, l'entreprise a assuré produire des batteries 30% à 50% plus légères que leurs homologues actuelles et comportant 90% de matériaux pouvant être recyclés.
Encore du flou dans le projet
Mais si ces avancées sont spectaculaires et pourraient répondre à de nombreux freins au passage vers l'électrique, le prix, quant à lui, n'a pas été mentionné. Selon ProLogium, le coût technique de ces batteries serait équivalent à celui de la concurrence lorsque la production atteindra 30 GWh. Pour rappel, la gigafactory ACC produira ses premières batteries à la fin du mois de mai, les autres suivront en 2024, 2025 et 2026 pour ProLogium.
Ces nombreuses gigafactories dans le Nord posent également la question de la main d'œuvre. Si ProLogium assure que cet agglomérat permettra de créer des structures de formation, force est de constater que cette implantation va entraîner des flux importants vers ces territoires qui devront pouvoir accueillir ces salariés. On estime que ces projets devraient générer autour de 10.000 emplois directs et des milliers d'emplois indirects.
La part des investissements de l'Etat et de la région dans la gigafactory de ProLogium reste également à éclaircir, ainsi que celle de l'Europe qui devrait être connue dans les prochains mois. Actuellement, 700 millions d'euros ont été levés, en grande partie par la participation dans l'entreprise de Mercedes et de VinFast, le constructeur vietnamien.
Enfin, il reste un flou autour des constructeurs qui feront affaire avec l'entreprise taïwanaise. Pour l'heure, 6 constructeurs sont dans le processus de signature selon nos informations, dont plusieurs groupes asiatiques notamment. Plusieurs rumeurs avancent également des discussions avancées entre ProLogium et Renault.
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