"Le centre de gravité de la gamme Renault doit être plus haut", a résumé Luca de Meo, le nouveau patron du groupe automobile français. Avec sa numéro deux, Clotilde Delbos, ils partagent une même analyse, la stratégie produit doit être la pierre angulaire du redressement du groupe en allant chercher des ventes à plus forte valeur. "La course aux volumes était une erreur", avait déjà déclaré Clotilde Delbos en mai dernier lors de la présentation d'un plan de restructuration visant à faire économiser 2 milliards d'euros de coûts fixes par an, à terme.
Le pricing power, concept emprunté à PSA
En ce jour funeste où Renault enregistre une perte nette de plus de 7 milliards d'euros, il était urgent de donner aux analystes et à la presse, des gages sur les actions engagées pour redresser la situation. C'est pourquoi ils se sont attardés sur la nécessité de revoir totalement "l'approche" et "l'image de marque" de Renault, afin de mieux valoriser les ventes en sommes sonnantes et trébuchantes. Une stratégie théorisée chez PSA par Carlos Tavares sous le concept de pricing power (capacité à défendre les prix) : recréer un univers de marque qui donne envie non pas d'acheter une voiture mais d'acheter tous les attributs de la marque et qui se traduisent souvent sur des niveaux de finition élevés ou sur la structure de segment (plus de grosses voitures).
Jusqu'ici, Renault souffrait de ventes très focalisées sur les petits véhicules de moins de 20.000 euros, au-delà, il n'a essuyé que des échecs (Koleos, Scenic, Talisman, Espace...). En outre, Renault a largement usé des ventes dites "tactiques" (ventes aux loueurs, voitures de démonstration...) et très peu rentables voire à perte. En 2019, Renault avait déjà affiché une marge opérationnelle deux fois inférieure à celle de PSA (8,5%).
Pour Luca de Meo, l'affaire est entendue: "Renault doit reconquérir le segment C où il était historiquement fort". De fait, la marque au losange a perdu du terrain sur ce segment très lucratif. Les ventes de sa Mégane, mais également du Scénic ou encore du Kadjar, sont très loin des attentes.
Plusieurs leviers de reconquête
Mais pour reconquérir ce territoire, Renault doit retrouver une légitimité à travers une nouvelle stratégie produit. D'après Luca de Meo, il a été nécessaire de revoir totalement l'approche de la gamme. Bien entendu, il n'en a pas dit plus, mais cette action peut se traduire à travers plusieurs leviers. Il peut s'agir d'abord des codes stylistiques des futures Renault. En 2010, la marque française avait déjà opéré un revirement de son langage de style lorsque Laurens van den Acker avait pris la suite de Patrick Le Quément, à la tête du pôle design du groupe. L'arrivée des stars du design annoncée en début de semaine, Gilles Vidal et l'espagnol Alejandro Mesonero-Romanos, respectivement débauchés de Peugeot et Seat, pourrait être le premier signe fondateur de ce virage.
Mais Renault pourrait également interroger les choix de typologie de carrosserie à l'avenir et totalement abandonner celui des monospaces par exemple. Les flops de l'Espace et du Scénic sont éloquents... Et ils coûtent très chers en termes de sous-production industrielle. L'échec du Talisman interroge également sur la légitimité de Renault sur le segment des grandes berlines, ou du moins sur la nécessité à reconceptualiser son approche.
Le meilleur hybride du marché ?
Mais Luca de Meo se veut confiant. Il estime que Renault dispose de tous les atouts pour se redresser. Avec son historique notamment sur le fameux segment C, mais également grâce à sa technologie.
"La chose qui m'a le plus positivement frappé en arrivant chez Renault, c'est la technologie e-Tech, c'est à mon sens, le meilleur hybride du marché, nous devons capitaliser dessus, et nous le ferons", a-t-il déclaré lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes.
Pour autant, la refonte de la gamme Renault prendra du temps... D'après Luca de Meo, les premiers effets de ce travail n'arriveront pas sur le marché avant fin 2022 voire 2023. "Il faut nous laisser le temps de travailler sur cette nouvelle philosophie", a-t-il conclu.
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