Plan de transformation Renault : un remède de cheval encore incomplet

Jean-Dominique Senard et Clotilde Delbos ont dévoilé un ambitieux plan de transformation qui doit permettre à Renault d'économiser jusqu'à 2 milliards d'euros de coûts fixes par an. Ce plan, qui enterre la méthode Carlos Ghosn, ne résout pas pour autant les problèmes de positionnement de marques et de rentabilité des produits à long terme. Un second plan devrait suivre au second semestre avec l'arrivée de Luca de Meo...
Nabil Bourassi
Jean-Dominique Senard (président du conseil d'administration) et Clotilde Delbos (directrice générale adjointe) de Renault ont annoncé un plan de transformation du constructeur automobile.
Jean-Dominique Senard (président du conseil d'administration) et Clotilde Delbos (directrice générale adjointe) de Renault ont annoncé un plan de transformation du constructeur automobile. (Crédits : Renault)

C'est donc Renault qui ferme la marche de ce round d'annonces. Après l'Alliance (qui réunit Renault, Nissan et Mitsubishi) mercredi, Nissan jeudi, c'est donc le constructeur automobile français qui s'est collé à l'exercice du plan de transformation qui a néanmoins des allures de plan de redressement. Cette série d'annonces, mises au point et coordonnées sous la houlette de Jean-Dominique Senard, doit permettre à l'Alliance de retrouver en trois ans de nouveaux fondamentaux de performances industrielles et une nouvelle culture de coopération, après un an et demi de profonde crise de confiance entre les deux principaux groupes. La règle du "leader-follower" présidera désormais le partenariat qui liera Renault, Nissan et Mitsubishi.

"La fin justifiait les moyens"

Renault prend donc à son tour sa part de la réforme qui procède du même esprit que celle engagée chez Nissan et qui durera également trois ans. Le groupe automobile français accepte l'idée que la méthode Ghosn a depuis longtemps montré ses limites, notamment dans sa logique de course aux volumes. Clotilde Delbos, directrice générale adjointe, l'a répété à plusieurs reprises:

"La fin justifiait les moyens (...), nous avons investi dans des capacités en anticipant une croissance qui n'a pas eu lieu, nous devons changer d'état d'esprit (...) Nous avons trop grossi (...) Renault a pris une direction qui n'était pas la bonne", a-t-elle successivement déclaré lors du point presse de présentation du plan de transformation de Renault.

Ainsi, Renault va réajuster ses capacités de production industrielle en passant à 3,3 millions de voitures par an contre 4 millions actuellement. Il s'agit des capacités selon la norme Harbour, elle ne prend pas en compte les capacités intégrant les 3X8 et les vendredi samedi dimanche. Avec 3,3 millions d'unités sur cette norme, Renault pourra en réalité aller jusqu'à 5 millions de voitures par an. Autrement dit, en sous-dimensionnant et en intensifiant son outil industriel, Renault va maximiser la rentabilité de ses sites de production.

Pour rappel, avec ses 4 millions de capacités en 2019 pour 3,7 millions de voitures vendues, Renault était largement en-dessous de cette logique d'optimisation industrielle. Un chiffre d'autant plus insuffisant que Renault a dû "pousser" ses ventes (c'est-à-dire à travers des remises) pour faire du volume. C'est contre cette logique que Clotilde Delbos veut désormais tourner le dos. "Nous ne vendrons pas 5 millions de voitures par an", a-t-elle convenu, en référence au plan Drive the Future lancé en octobre 2017 par Carlos Ghosn et qui avait assigné cet objectif (et une hausse de 40% des volumes pour toute l'Alliance).

Une usine fermée, d'autres en sursis...

Jean-Dominique Senard a voulu rassurer après les rumeurs de presse évoquant la fermeture de 4 usines en France. Le président du conseil d'administration a indiqué que seul un site sera fermé, celui de Choisy-le-Roi en région parisienne, mais que ses compétences seraient redéployées sur d'autres sites, notamment à Flins.

Les 4.600 suppressions de poste en France, et 10.000 dans le monde se feraient sans licenciements secs. L'ancien patron de Michelin a promis qu'il serait le garant d'un processus social sans drames. Pour autant, il n'a pas rassuré sur l'avenir de l'usine de Dieppe qui fabrique actuellement l'Alpine. Avec sept A110 par jour, ce site est très en-dessous des standards de rentabilité qui permettrait de justifier sa pérennité. Il semblerait que Renault ne souhaite pas encore statuer sur l'avenir de la marque sportive de luxe avant l'arrivée de Luca de Meo, le directeur général attendu le 1er juillet et qui aura la responsabilité de définir une nouvelle stratégie de marque.

Les sites de Maubeuge et Douai vont être soumis à un passage en revue afin de créer un pôle d'excellence tourné autour des utilitaires de l'électromobilité. L'usine de Douai est probablement le site qui a le plus souffert des errements stratégiques de l'ère précédente et qui a conduit à l'échec les modèles supérieurs de Renault. Aucun des modèles construits dans cette usine du Nord de la France n'a rencontré le succès escompté: Espace, Talisman, Scénic. L'usine de Douai était régulièrement inquiétée par des volumes de production très en-dessous de ses capacités. En outre, la Fonderie de Bretagne fera l'objet d'une "revue stratégique", sitôt interprétée comme une opération de cession. Enfin, l'usine de Flins, où est actuellement fabriquée la Zoé, sera reconvertie dans l'économie circulaire.

Lire aussi : Renault-Nissan: l'ambitieux plan Senard pour relancer l'Alliance

Économiser 2 milliards d'euros par an à horizon 2023

Autre point de rationalisation, le développement de plateformes: Renault va drastiquement réduire le nombre de plateformes passant de 13 à 4 d'ici à 2023. En revanche, cela n'affectera pas le nombre de nouveautés.

Quant aux équipes d'ingénierie, elles suivront la nouvelle logique de leader-followers, ce qui affectera plusieurs domaines à Nissan comme la voiture autonome, tandis que Renault se spécialisera sur la connectivité. Le site de Guyancourt, le technopôle, le quartier général de la R&D de Renault, sera aussi soumis à la cure d'amaigrissement.

Enfin, Renault espère économiser 700 millions d'euros sur les fonctions supports, le marketing et les frais généraux. En tout et pour tout, Renault doit économiser 2 milliards d'euros par an à horizon 2023.

Cette réduction des coûts fixes doit être en partie compensée par les synergies engagées avec Nissan puisque, grâce aux coopérations avec Nissan et Mitsubishi, Renault aura accès à des technologies ou services dont il n'a pas eu à financer le développement.

L'impatience de Luca de Meo

Le plan de transformation de Renault doit parer au plus pressé au moment où la crise du Covid, qui n'a fait qu'accélérer des difficultés déjà présentes, a reconnu Jean-Dominique Senard. Le groupe est même contraint d'emprunter près de 5 milliards d'euros de dettes supplémentaires (garanties par l'État).

Pour autant, ce plan ne répond qu'en partie seulement aux problèmes structurels de Renault. Jean-Dominique Senard et Clotilde Delbos n'ont pas caché qu'il fallait effectivement engager un autre volet stratégique portant sur les marques du groupe (Renault, Dacia, Alpine, Renault Samsung Motors, Lada) et l'urgente nécessité de restaurer le pricing power notamment de Renault dont la détérioration a largement contribué à abaisser la rentabilité du groupe.

Mais cette partie sera confiée à Luca de Meo, qui pourrait présenter un projet avant la fin de l'année. D'après Jean-Dominique Senard, l'ancien patron de Seat serait "déjà impatient" de prendre ses fonctions...

Lire aussi : Luca de Meo peut-il sauver Renault ?

Nabil Bourassi

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Commentaires 19
à écrit le 02/06/2020 à 16:30
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Voici l'effet de la décroissance tant souhaitée. Le numéro 1 de la CGT demandait lui-même un nouveau monde économique sur la décroissance il y a quelques jours. Et bien le voila ce monde de la décroissance : nous avons besoin de moins en moins d'auto...

à écrit le 02/06/2020 à 16:14
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Sans rentrer dans les details, Mme Hidalgo n'a t elle pas une responsabilité dans les difficultés rencontrées par la filière Auto. Sa politique de fermeture des rues, avenues etc.. un véritable calvaire pour les automobilistes et de ce fait ils n'i...

à écrit le 02/06/2020 à 7:35
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au vue de la dernière phrase du p d g de Renault concernant les fonderie de bretagne cela vaut aussi pour toute les unités de production l'entreprise( n'a pas vocation a rester au seins du groupe) message envoyer a tout autre entreprise qui se por...

à écrit le 31/05/2020 à 23:49
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Mais avec un titre pareil, vous cherchez à chauffer à blanc les leaders syndicaux de ce pays. Car le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ss entend un véritable séisme en terme d'organisation en dehors de la fermeture de sites. Il n'a pourtant pas ...

le 01/06/2020 à 9:21
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Aux échecs commerciaux cités, j'ajoute ceux de Laguna 3, Koleos, Velsatis, Avantime, Wind, Latitude, Fluence. Il est incompréhensible que ces échecs qui remontent à plusieurs années n'aient pas alertés les dirigeants. Aveuglement, incompétence ou quo...

le 01/06/2020 à 12:38
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avant vel satis il y eu un modèle qui se vendez bien la r14 jusqu'au jour ou un demeuré a créer une pub la comparant a une poire et bien les clients ont pensé que Renault se moqué d'eux et les ventes ont chuté et aucune leçon n'a été retiré ap...

à écrit le 31/05/2020 à 11:55
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Etonnant comme on parle de Renault sans Nissan ni Mitsubishi alors que le coeur du problème est aussi cette alliance néfaste. Ce doit être un oubli, si chaque composante de "l'alliance" n'en fait qu'à sa tête, il n'y a plus d'alliance. Renault doit ...

le 01/06/2020 à 10:50
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je pense au contraire que cette alliance est un atout....tant en terme d implantation géographique que des technologies développées l alliance, sur le principe, a l air de se "recaler" vers du bien mieux...reste les aspects marketing et cohérence de...

à écrit le 30/05/2020 à 14:16
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Tout ça ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge.

à écrit le 30/05/2020 à 8:14
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Jean-Dominique Senard ,63 ans encore un de cette génération qui va liquider des gens de 30,40 ou 50 ans avant de se barrer en retraite avec ses stock- options quand à l'autre à part faire des audits dans des sociétés ,elle ne sait même pas ce qu'est ...

le 30/05/2020 à 18:48
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L'industrie allemande vous etouffe petite a petite. xD

à écrit le 30/05/2020 à 6:57
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l'etat Français et une grande partie de la direction sont complice de la gestion de l'ancien pdg et c'est a eux de partir en 1er et pas aux salaries ni aux site de production de fermer et maintenant le cas du gouvernement combien de fois m mac...

à écrit le 30/05/2020 à 0:17
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Et l'état actionnaire qui incite à la relocalisation va fermer combien d'usines en Chines ? Les actes seront-ils à la hauteur des paroles ?

à écrit le 29/05/2020 à 21:44
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Depuis l'histoire de Carlos Ghons , cette entreprise vas dè mal et pire... D'ailleurs l'alliance Renault Nissan a beaucoup souffert ... Maintenant avec l'excuse de coranivirus l'ons vas faire payer les ouvrièr pour des probleme dè gastion... Tous va...

à écrit le 29/05/2020 à 21:09
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Dans une économie libérale, l'adaptation à la demande se traduirait par des fermetures d'usines et des licenciements immédiats; je ne suis pas sur que la méthode française qualifiée de sociale soit une bonne solution: l'entreprise mettra plus de temp...

le 30/05/2020 à 9:11
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Continuez votre admirable raisonnement, que fait on des licenciés? On transfère leur charge à la collectivité, le payeur payera, ou on les laisse disparaître discrètement? Ah oui, bien sûr, dans une magnifique économie libérale ils vont retrouver un ...

le 31/05/2020 à 10:18
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Dans tous les pays on a dopé la consommation d'automobiles:aux usa les prets étaient sur 10 ans ,souvent non remboursés et rachetés par la FEd.Le déclencheur,c'est la chute des loueurs de voiture touchés par l'implosion du tourisme.Ces loueurs assura...

le 31/05/2020 à 19:42
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Ben ouais ! On n'est pas aux US où il n'y a pas de PSE ou équivalent et les salariés st foutus dehors du jour au lendemain ss aucune indemnité pour maintenir le train de vie des actionnaires et de la caste des officines opportunistes + ou - parasites...

le 02/06/2020 à 16:26
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@leon. Si en effet la majorité des salariés US peuvent être mis à la porte du jour au lendemain, les employés des industries syndiquées bénéficient de conditions sociales parfois importantes. le modèle syndical anglo-saxon est totalement différent du...

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