« Nous avons tourné la page Carlos Ghosn. » Cette terrible sentence n'a pas été prononcée par n'importe qui. Elle vient de Thierry Bolloré, qui réunissait, mardi 5 mars, la presse à l'occasion du Mondial de l'automobile de Genève. Celui qui est devenu le nouveau directeur général de Renault, n'avait pourtant jamais eu un mot de travers à l'encontre de son mentor, arrêté le 19 novembre dernier à Tokyo pour fraude fiscale et malversations financières.
Et alors que, hasard du calendrier, la justice japonaise venait d'accéder à la demande de libération sous caution de Carlos Ghosn, Thierry Bolloré a tenté de prendre de la hauteur. Mais tout le sang froid et la naturelle pudeur face à l'adversité de ce Breton réputé affable n'ont pu dissimuler une certaine émotion.
« Le pic de la crise est passé »
Cependant, le calendrier judiciaire de Carlos Ghosn n'est désormais plus le problème de Renault, depuis sa démission de la présidence, remplacé par Jean-Dominique Senard le 24 janvier dernier.
« Le pic de la crise est passé », a asséné Thierry Bolloré. Et de rappeler que, pendant ces cent jours de crise, la continuité opérationnelle a été assurée. « Nous y avons évidemment passé beaucoup d'énergie, mais les résultats financiers 2018 parlent d'eux-mêmes, et l'année 2019 a démarré conformément à ce que nous avions prévu », a-t-il insisté.
Voilà une cinglante réponse aux Cassandre qui promettaient le pire à Renault s'il arrivait quoi que ce soit à Carlos Ghosn, le patron tout-puissant du groupe français. Il faut néanmoins rappeler que Thierry Bolloré avait été nommé COO, autrement dit numéro deux du groupe, seulement quelques mois auparavant, ce qui a probablement permis de faciliter la continuité managériale.
D'immenses gisements de synergies à découvrir
Sur l'Alliance avec Nissan, Thierry Bolloré s'est montré plus « prudent ». S'il n'a montré aucun doute sur la solidité de celle-ci, il a néanmoins reconnu qu'il fallait lui donner une nouvelle impulsion. « Il faut plus d'Alliance et mieux d'Alliance », a-t-il déclaré, en précisant que celle-ci devait être « plus souple et plus agile ».
« Je ne suis pas du tout inquiet sur notre capacité à poursuivre l'œuvre de l'Alliance », a-t-il ajouté.
Selon lui, les gisements de synergies entre Renault et Nissan sont encore immenses. « Les synergies sont devant et pas derrière nous », a-t-il même osé après vingt ans d'Alliance et près de 5,5 milliards d'euros de synergies par an.
Les plaies de l'affaire Ghosn sont encore vives
Mais l'affaire Carlos Ghosn a laissé des traces. Côté Renault, le sentiment d'une trahison du partenaire historique, de la marque qui a été sauvée par la grâce de Ghosn, est vive. Et Thierry Bolloré en a conscience. Selon lui, les équipes vont devoir réapprendre à travailler ensemble, mais la confiance n'est plus au même niveau. « Il y a des doutes, une frilosité à transmettre des informations... » constate-t-il.
La spectaculaire chute de Carlos Ghosn avait menacé l'édifice qu'il avait contribué à bâtir il y a vingt ans, aux côtés de Louis Schweitzer, ancien patron de Renault. Les Français se sont émus de savoir que le dossier monté par la justice japonaise à son encontre avait été directement constitué par Nissan. Carlos Ghosn, qui vient donc de quitter sa prison, doit désormais préparer sa défense avant son procès. Il a d'ores et déjà clamé son innocence. Pour lui, la page n'est pas encore tournée...
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