Face aux menaces de Moscou, l'allemand Continental rouvre son usine de pneus en Russie

Moscou a obtenu par la menace que le quatrième manufacturier mondial de pneus relance sa production en Russie, arrêtée après les sanctions de l’UE liées à la guerre menée en Ukraine.
Selon le site Continental, son usine de pneus de Kalouga approvisionne en temps normal les principaux constructeurs automobiles mondiaux, dont Volkswagen, Renault, Ford, Nissan, Toyota, en produits d'équipement d'origine, mais également le marché russe du remplacement.
Selon le site Continental, son usine de pneus de Kalouga approvisionne en temps normal les principaux constructeurs automobiles mondiaux, dont Volkswagen, Renault, Ford, Nissan, Toyota, en produits d'équipement d'origine, mais également le marché russe du remplacement. (Crédits : Continental)

À Kaluga, petite ville industrielle de Russie située à 200 km au sud-ouest de Moscou, les jours se succèdent mais ne se ressemblent pas.

Hier, Stellantis décidait de mettre à l'arrêt son usine de véhicules utilitaires (Opel Vivaro, Citroën Jumpy, Peugeot Expert), pour cause de sanctions européennes et de pénurie de pièces détachées.

Aujourd'hui, c'est un équipementier automobile allemand, Continental, qui annonce, au contraire, qu'il rouvre "temporairement" son usine de production de pneus (dont il est au passage le 4e producteur mondial) dans son usine russe de Kaluga.

Cette annonce, on ne peut plus surprenante, intervient dans un moment où l'Union européenne prépare une sixième vague de sanctions à l'encontre de la Russie depuis son invasion de l'Ukraine le 24 février dernier, et alors que toutes les entreprises occidentales ont été priées de plier bagage pour ne pas alimenter financièrement la machine de guerre russe.

Les collaborateurs locaux de Continental mis sous pression par Moscou

Pour justifier un tel mouvement à contre-courant, la direction de l'entreprise allemande évoque des pressions réelles et sérieuses: relancer la production serait la seule solution trouvée par l'entreprise pour protéger ses collaborateurs locaux qui seraient menacés de poursuites judiciaires par Moscou, avance le groupe allemand.

Continental avait en effet suspendu début mars toute production dans son usine de Kaluga, en raison de l'invasion de l'Ukraine.

Mais "nos employés risquent de lourdes sanctions pénales si nous renonçons à répondre à la demande locale", explique un porte-parole à l'AFP.

Le porte-parole de Continental poursuit:

"Pour protéger nos collaborateurs en Russie de toute poursuite judiciaire, nous reprenons donc temporairement, en cas de besoin, la production de pneus de voitures, destinés au marché local, dans notre usine de Kaluga", poursuit-t-il.

L'équipementier allemand, qui présente sur son site une usine flambant neuve, explique que l'équipe embauchée à Kaluga a plus que doublé au cours des cinq dernières années, passant de 440 employés en 2013 et à quelque 1.300 aujourd'hui.

Sur le site du manufacturier on peut lire également une citation du directeur général de Continental Kaluga, datée d'octobre 2018:

« Nous sommes fiers des réalisations de notre usine sur une si courte période. Nous nous engageons dans nos activités quotidiennes à répondre aux besoins de nos clients, de sorte que l'amélioration constante des produits joue un rôle clé dans le développement de l'usine. Tout en intégrant activement les technologies de pointe en production, nous utilisons des équipements innovants et la haute qualification de nos employés pour nous assurer que tous nos produits sont conformes aux exigences russes et mondiales », déclarait Georgy Rotov, alors DG du site russe de Continental (il a depuis quitté la Russie, en août 2020, pour prendre la direction de l'usine de pneus d'Aix-la-Chapelle, en Allemagne, selon son compte Linkedin).

Cette usine de pneus de Kalouga approvisionne les principaux constructeurs automobiles mondiaux, dont Volkswagen, Renault, Ford, Nissan, Toyota, en produits d'équipement d'origine, mais également le marché russe du remplacement. Et, en temps normal, en dehors de cette période où l'équipementier a stoppé toute importation/exportation de ou vers la Russie, les pneus produits à l'usine sont exportés vers 24 pays d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord, détaille le site web du manufacturier allemand.

Continental dit renoncer à tout bénéfice pendant cette réouverture forcée

Apparemment conscient du poids symbolique de cette réouverture forcée en pleine opération de pilonnage massif de l'est de l'Ukraine, le groupe cherche une posture plus supportable éthiquement en réaffirmant "soutenir et respecter toutes les sanctions en vigueur".

Et, en guise d'argument définitif pour faire taire quiconque prétendrait que c'est l'appât du gain qui dicte le choix de la direction, le groupe affirme qu'il n'a "pas l'intention de réaliser de bénéfices" pendant cette période.

Le groupe a renoué avec les bénéfices en 2021 après deux années noires

Il y a quelques semaines, le 8 mars 2022, le manufacturier de pneumatiques Continental tenait présentait ses résultats annuels indiquant que le groupe avait renoué avec les bénéfices (de 1,46 milliard d'euros en 2021) après deux années de pertes consécutives.

Après une année 2020 difficile marquée par la pandémie avec fermetures d'usines, et chutes record des ventes de voitures dans le monde, l'équipementier automobile et fabricant de pneumatiques Continental basé à Hanovre a de nouveau enregistré une croissance significative en 2021.

Le chiffre d'affaires a augmenté de 6% pour atteindre 33,8 milliards d'euros (37 milliards de dollars) en 2021, mieux qu'attendu par les analystes.

Le bénéfice avant intérêts et impôts, corrigé des effets spéciaux, s'est élevé à 1,9 milliard d'euros l'an dernier, soit environ un tiers de plus que l'année précédente.

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[Photo: Le 9 mars dernier, Nikolai Setzer, président du conseil d'administration de Continental AG, et Katja Duerrfeld, directrice financière de Continental AG, à l'ouverture de la conférence de presse dédiée aux résultats annuels de l'entreprise. Crédit: Reuters]

Ces chiffres n'incluent que les activités actuellement poursuivies et ne prennent pas en compte ceux de la division motopropulseur devenue désormais une société indépendante, Vitesco.

Lire aussi 1 mnContinental pourrait se séparer de ses activités moteurs thermiques

Les entreprises allemandes encore actives en Russie sont rares

En Allemagne, les entreprises ayant gardé leurs activités en Russie sont de plus en plus rares. Les grands groupes automobiles Volkswagen, BMW, Mercedes ont notamment mis fin à leur production locale et à leurs exportations vers ce pays.

Mardi, le fabricant de détergents et colles Henkel a annoncé son retrait de Russie alors qu'il avait défendu il y a moins de deux semaines le maintien de ses activités au nom de la "responsabilité" envers les employés.

Les magasins du grossiste Metro y restent ouverts, le géant de la chimie et de l'agroalimentaire Bayer continue d'approvisionner le pays en semences et produits pharmaceutiques.

(avec AFP et Reuters)

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Commentaires 9
à écrit le 22/04/2022 à 10:34
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La mondialisation a permis à des dictateurs et des monarques de devenir nos patrons. Cette perte de souveraineté nous mène inéluctablement à la destruction de la démocratie qui commence dans nos entreprises. De plus en plus d'actionnaires étrangers i...

à écrit le 22/04/2022 à 9:48
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J'ai peur, que va dire oncle SAM...

à écrit le 21/04/2022 à 15:15
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Produire des pneus représente une contribution très directe à l'agression russe qui a été en partie ralentie par la mauvaise qualité des pneus chinois dont s'était dotée l'armée.

à écrit le 21/04/2022 à 8:29
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......la mentalité égoiste des allemands n'est plus a démontrer ! Comment construire l'UE avec des états aussi peu solidaires : Pologne , Hongrie , Allemagne mème combat : nous d'abord ! ?

à écrit le 21/04/2022 à 8:20
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ces gens n'ont vraiment aucune gêne.

à écrit le 20/04/2022 à 18:20
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"l'allemand Continental rouvre son usine de pneus en Russie" Il ne se dégonfle pas.

à écrit le 20/04/2022 à 17:59
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si vous voulez comprendre il suffit de se rappeler que l'allemagne n'a jamais payer sa dette de guerre 39, 45 et que tout est bon pour penaliser la france meme la usa cautionne ce fait et penalise toute la france avec un president qui avale couleu...

le 20/04/2022 à 21:03
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Elle a payé pour ce que j'ai pu en lire, il y a eu la conférence de Potsdam pour cela, l'argent de la réparation a servi en totalité ou pas, pour construire l'État d'Israël .A l'époque il y a eu, je crois ,polémique sur cette argent, David Ben Gourio...

le 21/04/2022 à 10:17
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@Nexus L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette. Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent...

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