Renault : Luca de Meo, le remède anti-Ghosn, prend ses fonctions

L'ancien patron de Seat a pris mercredi son poste de directeur général du constructeur automobile français, à un moment extrêmement critique... Au-delà de la restructuration nécessaire de Renault, Luca de Meo devra réinventer une entreprise traumatisée par le départ de Carlos Ghosn, après 15 ans de règne sans partage, et imposer un nouveau leadership.
Nabil Bourassi
(Crédits : ALBERT GEA)

L'homme providentiel ? Le moins que l'on puisse dire est que Luca de Meo est attendu de pied ferme par les 180.000 salariés de Renault. Car la tâche qui attend l'ancien patron de Seat est herculéenne. Elle va bien au-delà de la réalité catastrophique des chiffres de vente et de rentabilité, largement amplifiée par la crise du coronavirus. Il s'agit de redonner au groupe automobile français une nouvelle impulsion stratégique qui puisse remobiliser des troupes démoralisées après un an et demi de crise managériale, et qui payent près de quinze années d'errements stratégiques sous le règne de Carlos Ghosn.

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Situation critique

Il faut dire que la situation financière de Renault est particulièrement critique: des ventes en baisse, et une trésorerie en danger au point que le groupe a dû recourir à un prêt garanti par l'État de 5 milliards d'euros. "Le chemin du redressement est déjà en partie balisé avec le plan d'économies présenté il y a un mois, il y a peu de chances que Luca de Meo s'écarte de cette trajectoire", rappelle Frédéric Rozier, gérant actions chez Mirabaud. En mai, Clotilde Delbos, directrice générale par interim de Renault, avait effectivement annoncé un plan d'économies d'environ deux milliards d'euros.

"Là où Luca de Meo sera attendu, ce sera davantage sur le positionnement des modèles, sur une nouvelle impulsion à donner à l'image de la marque Renault. Il s'agit de remonter en gamme en apportant davantage de valeur ajoutée afin de retrouver des marges", souligne Frédéric Rosier. Car si la crise du coronavirus a fait flancher les ventes de Renault, en réalité, les indicateurs de performance de Renault ont commencé à se détériorer bien avant....

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Déjà en 2019, la marge opérationnelle avait chuté, ne pesant que 4,8% du chiffre d'affaires, soit quasiment moitié moins que celle de PSA. La cause de cet effondrement est la détérioration de la qualité des ventes de la marque Renault. Le losange a cumulé les flops sur les segments supérieurs (Espace, Scénic, Talisman...), soit les plus profitables. Avec Clio et Captur, pourtant, Renault est leader en Europe, mais la marque n'est pas parvenue à capitaliser suffisamment sur son image de marque pour enregistrer de bons niveaux de finitions, et trop souvent, les clients achetaient des versions au mieux entrées de gamme, au pire, bradées...

"On parle d'une baisse de 20% du chiffre d'affaires en 2020, et on n'attend pas de retour au niveau de 2019 avant 3 ou 4 ans, il est donc urgent de prendre des mesures d'efficacité opérationnelle très rapidement, notamment en France où les sur-capacités sont criantes", s'alarme Frédéric Rozier de Mirabaud.

Ainsi, l'usine de Douai tourne à 37% de ses capacités... Très très loin des standards du secteur, et encore plus éloignés de ceux de son compatriote PSA...

Fin de la course aux volumes

L'arrivée de Luca de Meo pourrait ainsi signifier la fin de cette course aux volumes, véritable mantra des années Ghosn... Mais il faudra plusieurs années pour que Renault se rebatisse autour d'une nouvelle stratégie produit. Luca de Meo devra d'abord la redéfinir avant de donner son feu vert au développement d'une nouvelle gamme. Autrement dit, il ne faut rien attendre avant quatre voire cinq ans.

Mais l'Italien n'avait pas attendu la nouvelle Leone, première voiture entièrement pensée sous son règne (et tout juste lancée en mars dernier), pour repositionner la communication de Seat. Il a remobilisé toute l'entreprise autour d'une nouvelle culture de marque, de valeurs, ainsi que la communication extérieure vers un public plus jeune, avec de nombreuses initiatives autour de la connectivité, prenant parfois de l'avance sur d'autres marques du groupe Volkswagen.

Gilles le Borgne, un atout maître pour la R&D

Mais chez Renault, Luca de Meo ne part pas qu'avec des boulets aux pieds. D'abord, le travail de restructuration industrielle est déjà lancé. Il vise à faire économiser près de 2 milliards d'euros sur les coûts d'ici 2022. En outre, l'ancien patron de la R&D de PSA, Gilles Le Borgne, a rejoint le groupe au losange et il aurait d'ores et déjà commencé à faire le ménage. "La R&D de Renault est connue pour être l'une des moins efficaces du secteur alors qu'elle pèse près de 7% du chiffre d'affaires", constate Frédéric Rozier. Ainsi, avec 800 millions d'euros d'économies, la R&D représente le premier poste d'économies. Mais Renault doit apprendre à faire mieux avec moins, d'autant que les investissements doivent s'accélérer. Pour Frédéric Rozier, "Renault doit absolument capitaliser sur l'électrification sur laquelle il est bien positionné". Et d'ajouter: "Toute la difficulté sera de piloter ce développement dans un contexte de forte baisse des coûts R&D".

Mais Luca de Meo pourra compter sur - et c'est l'autre bonne nouvelle - la relance de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Jean-Dominique Senard, après d'importants soubresauts, est parvenu à trouver un projet qui semble avoir tu les dissensions entre les partenaires, et un nouveau plan stratégique va créer de nouveaux gisements de compétitivité. Mais pour Frédéric Rozier, ce volet sera également un défi pour le nouveau directeur général: "Luca de Meo aura la lourde tâche de mettre en oeuvre les nouvelles synergies avec l'Alliance, c'est un immense enjeu pour Renault".

Lire aussi : Renault-Nissan: l'ambitieux plan Senard pour relancer l'Alliance

Efficience opérationnelle, nouveau projet de marque, nouvelles gammes, nouveau partenariat... Il y a également une dimension psychologique incontournable: Renault cherche un nouveau leadership plus horizontal, et en finir avec la verticalité vertigineuse des années Ghosn. Cette nouvelle culture managériale pourrait être le socle sur lequel reposera tous les chantiers urgentissimes qui attend Luca de Meo. Probablement l'un des meilleurs atouts de ce latin au contact facile...

Lire aussi : Qui est Luca de Meo, le patron qui voit Seat en grand

Nabil Bourassi

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Commentaires 8
à écrit le 03/07/2020 à 9:14
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"Il faudrait ne jamais devenir grand." Antigone

à écrit le 02/07/2020 à 21:43
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Renault a des ingénieurs de grand talent. On l'a vu en F1. Ghosn était un manager financier spécialiste des économies d'échelle , mais sans vision , paradoxalement , et pas un ingénieur au sens propre malgré son diplôme ronflant. L'Europe joue mai...

à écrit le 02/07/2020 à 14:18
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Va-t-il fonder avec son président le duo capable de museler l'actionnaire encombrant qu'est l'Etat français, surtout avec le PGE?

à écrit le 02/07/2020 à 10:48
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Comme si Ghosn était un virus. Titre très choquant, émotionnel, qui n'a rien à voir avec le business. Hommage à Ghosn qui a donné à Renault une dimension globale.

le 02/07/2020 à 11:36
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Ghosn ne fut qu'un cost killer sans vision autre que l'avenir c'est l'électrique, idée qu'il pompa d'ailleurs integralement sur l'americain Tesla qui est d'une toute autre envergure et fut bien en avance sur renault contrairement à ce que l'on dit, a...

le 03/07/2020 à 5:41
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@ Boule. Du 2nd degre ?......Vous avez oublie de dire qu'en plus c'etait un bienfaiteur de l'humanite. Savez-vous qu'un mandat international interpol a ete active pour ses deux comparses aux USA ? Un hasard sans nul doute.

à écrit le 02/07/2020 à 9:55
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Le marché de la voiture va se réduire de façon drastique. La génération de nos parents, une voiture par unité familiale, notre génération (50 et plus), deux voitures par couple, la génération de nos enfants (30 ans cadres sup, sur 5 jeunes 3+2 pièces...

à écrit le 02/07/2020 à 8:44
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Drôle que Volkswagen l'ai laissé partir aussi vite pour aller à la concurrence

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