Autoroutes : pourquoi des élus locaux reprennent la main sur les routes de l'Etat

Seize départements vont récupérer, en 2023, l'aménagement, l'entretien, l'exploitation et la gestion de près de 1.400 kilomètres d'autoroutes non-concédées et de routes nationales. « Un choix politique » revendiqué en Seine-et-Marne, « une double logique » exprimée dans les Pyrénées-Orientales. A cela s'ajoutent près de 1.600 km mis à disposition de trois régions qui y voient un moyen d'avoir une maîtrise d'ouvrage unifiée sur les enjeux de mobilité. Explications.
(Crédits : Reuters)

C'est la conséquence de la loi de décentralisation, de déconcentration, de différenciation et de simplification de l'action publique (« 3DS »). A l'origine, l'Etat avait prévu de déléguer aux collectivités l'aménagement, l'entretien, l'exploitation et la gestion de 11.000 km de routes et autoroutes. Or, un an après la promulgation de cette loi, ce ne seront finalement qu'à peine 3.000 kilomètres d'autoroutes non-concédées et de routes nationales qui vont être confiés aux élus locaux d'ici au 1er janvier 2024. C'est quatre fois moins que ce que prévoyait la loi, et surtout, cela ne représente que 0,75% du réseau routier national.

Autrement dit, la majeure partie des élus locaux y va à reculons. Sur les 101 départements du territoire, une quarantaine de conseils départementaux s'était d'abord positionnée. Pour finalement finir sur moins d'une vingtaine de départements prêts à reprendre les rennes des axes routiers. « Dans un contexte financier tendu, certains ont pu craindre des coûts cachés ou des conditions de compensation insuffisantes. D'autres ont pu redouter un niveau de services trop lourd, avec un patrimoine vieillissant et sous-entretenu ainsi qu'un transfert de centres d'exploitation et de personnels », comprend François Sauvadet, président (UDI) de l'Assemblée des départements de France (ADF)

L'ADF est favorable au transfert de compétences : « Nous gérons déjà 380.000 km de routes départementales. Avec nos équipes et nos ingénieurs, nous possédons une réelle expertise », justifie François Sauvadet.

Vingt-deux collectivités ont manifesté leur intérêt à cette décentralisation des routes, selon le Journal officiel du 8 janvier. Seize départements et trois métropoles se verront transférer ces pouvoirs d'aménagement en 2023.

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En Seine-et-Marne, « c'est un choix politique »

C'est le cas de la Seine-et-Marne. Le département francilien s'apprête à obtenir les routes nationales 4 et 36, « deux routes très importantes de plus ou moins 100 kilomètres qui ne sont pas dans un état fantastique », souligne son premier vice-président (LR) chargé de l'aménagement du territoire, des routes, des politiques contractuelles et de l'agriculture. Dans les quatre ans, Olivier Lavenka entend engager « de la rénovation lourde des chaussées et des ouvrages d'art [ponts, tunnels, Ndlr]».

Par exemple, la réalisation, sur les deux axes et tous les 10 km en moyenne, de créneaux de dépassements en quinconce sur les tronçons à 2 x 1 voies, sachant que beaucoup de poids lourds circulent sur la RN4. En plus des infrastructures, l'édile devra reprendre les fonctionnaires d'Etat qui accepteraient de devenir des fonctionnaires territoriaux, mais aussi les locaux techniques afférents. Dès lors, il poursuivra sa politique de covoiturage et de développement de transport en site propre dans la zone dense. Et ce sur un territoire où 90% des habitants utilisent leur voiture au quotidien.

« C'est un choix politique : certes, cela représente plus de charges, mais nous sommes en train de négocier avec l'Etat une compensation financière », ajoute le maire de Provins (77).

Une logique, géographique et d'entretien, dans les Pyrénées-Orientales

Le conseil départemental des Pyrénées-Orientales a, lui, approuvé, le 15 décembre dernier et à la quasi-unanimité, la candidature de la collectivité territoriale à la récupération de la gestion de la RN 116, qui relie Perpignan et Bourg-Madame, suivant le cours de la Têt depuis la plaine littorale jusqu'aux hauts plateaux de la Cerdagne, avant rejoindre la RN 20 vers Toulouse, Andorre et l'Espagne.

« Il y a une double logique à récupérer la RN 116 : une logique géographique d'abord car il est pertinent de conserver cet axe intégralement situé sur le territoire départemental reliant la plaine à la montagne. Une logique d'entretien ensuite, dans la mesure où les agences routières départementales entretiennent déjà les routes départementales qui croisent la nationale. Ce transfert permettra au département et aux communes de poursuivre les travaux de modernisation et de sécurisation, conformément au protocole financier voté en avril 2022 de 110 millions d'euros partagés entre l'État, la région et le département », déclare Hermeline Malherbe, la présidente (PS) du département des Pyrénées-Orientales.

Pas d'enthousiasme débordant, en revanche, dans les métropoles

En Côte d'Or, François Sauvadet va, lui, signer une convention avec la métropole de Dijon pour la route nationale 274 et l'autoroute A38. « Je ne voulais pas que cette autoroute, qui constitue un axe structurant pour les trajets domicile-travail, fasse l'objet d'un péage », détaille-t-il. De son côté, François Rebsamen souhaitait reprendre les 19 km de la RN274 correspondant à la rocade de Dijon, mais pas le segment de l'A38 situé sur le territoire métropolitain. Un partage acté entre les deux élus.

Outre la cité de la moutarde, seules les métropoles de Lyon et Toulouse vont récupérer des axes routiers. Entre les conséquences de la Covid-19 et l'inflation, l'offre gouvernementale n'a pas suscité « un enthousiasme débordant », dit-on chez France urbaine. Parmi les risques cités : des compensations financières insuffisantes au regard d'un patrimoine qui exige des investissements coûteux et l'absence de visibilité, à ce jour, sur le nombre et le grade des agents potentiellement transférés.

A cela s'ajoutent des contraintes d'exploitation. « Les niveaux de contraintes techniques et de services liés à la présence d'ouvrages d'art ou à la nature autoroutière de certains axes dissuadent grandement », poursuit-on dans l'association d'élus qui les représente. Une interrogation qui s'est également posée dans les conseils régionaux, déjà autorités organisatrices de mobilité et de transport.

Une maîtrise d'ouvrage unifiée et une vision globale pour les régions

In fine, trois d'entre eux vont se voir mettre à disposition, de manière expérimentale et pour une durée de huit ans, des axes routiers. C'est le cas de l'Auvergne-Rhône-Alpes, du Grand-Est et de l'Occitanie pour un total de 1.638 kilomètres d'autoroutes non-concédées et de routes nationales.

« D'un côté, des régions ont été intéressées pour des raisons transfrontalières - Grand-Est - ou d'éco-redevances - Nouvelle-Aquitaine ou Sud - », décrypte-t-on chez Régions de France.

« De l'autre, certaines y ont vu un moyen d'avoir une maîtrise d'ouvrage unifiée et une vision globale sur les enjeux de mobilité. A savoir, le développement de réseaux de car express, de pôles d'échanges multimodaux ou encore un levier pour rééquilibrer les dessertes [des transports en commun, Ndlr] - Occitanie - », embraye-t-on.

Là encore, la liste des conseils régionaux est moins fournie que prévue. Outre la Nouvelle-Aquitaine et la région Sud, Valérie Pécresse, réélue en Île-de-France, avait fait savoir son appétit pour ces équipements, avant d'y renoncer. « C'est très simple : les régions Aura et Grand-Est ont conditionné ces démarches d'expérimentation à une connaissance du patrimoine, à une compensation et à l'obtention d'éco-redevances », assure cette même source. L'Occitanie a, elle, arbitré à la suite de concertations avec les autres élus locaux.

« 100% des routes mises à disposition représentent 100% de l'expression des besoins. Il n'y a pas eu de transfert sans compensation », insiste-t-on chez Régions de France. Et pour cause : « dans un contexte d'incertitude budgétaire », aucune collectivité territoriale n'allait se lancer sans retour sur investissement...

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Commentaire 1
à écrit le 13/01/2023 à 8:59
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avez compris que ceux qui dirige le pays depuis un demi siecle non jamais tenu leur parole et surtout les promesses sur les contrat d'auroroute initialement limite a 20ans non renouvenable il y a longtemps que paris marseille devrait etre gratuite...

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