Action Logement va bien, voire même très bien. En 2021, l'organisme paritaire administré par les syndicats et le patronat a délivré plus +23% d'aides et services aux salariés et obtenu +14,5% d'engagements à construire, par rapport à 2020. Déployé en France métropolitaine et dans les Outre-Mer via cinquante-et-une filiales, le premier bailleur et premier producteur d'habitats sociaux et intermédiaires entend bien peser sur le cours du prochain quinquennat.
Depuis 1953, cet objet politico-économique hybride, ni établissement public, ni entreprise privée, articule les besoins des entreprises et les demandes des salariés grâce à la participation des employeurs à l'effort de construction - la PEEC -, un versement dont s'acquittent tous les employeurs. Aussi, sans attendre le 1er tour des législatives, l'ex-1% Logement a déjà commencé à négocier le contenu de sa convention quinquennale 2022-2027 avec la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mais rien n'est encore acté.
« Des élections se profilent... mais nous n'avons pas d'inquiétude car nous avons déjà rencontré Amélie de Montchalin », affirme le président d'Action Logement, Bruno Arcadipane, également président du Medef Grand-Est.
« Le rendez-vous a été très positif. Elle a été très à l'écoute », ajoute-t-il.
Le groupe sort pourtant de cinq ans de relations tumultueuses avec ses partenaires. Il a fait l'objet de deux prélèvements de l'Etat d'un total de 2,4 milliards d'euros, dont 1 milliard pour le plan France Relance. Ainsi que de cinq rapports (Agence nationale de contrôle du logement social, Cour des Comptes, Inspection générale des Finances et Medef). C'est sans doute pourquoi sa liberté de parole est plus forte qu'avant.
Le gel des loyers, « une fausse bonne idée »
Dernier exemple en date: le gel des loyers. Dans le cadre des réunions organisées à Bercy par le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique pour nourrir le futur projet de loi sur le pouvoir d'achat ainsi que le projet de loi de finances rectificatives, les associations de consommateurs et de locataires l'érigent en priorité. « Une fausse bonne idée », balaie, d'emblée, la directrice générale d'Action Logement, Nadia Bouyer, reprenant, à son compte une expression d'Élisabeth Borne.
« Attention aux idées simplistes ! » appuie son président (Medef) Bruno Arcadipane. « Les bailleurs vont devoir financer la rénovation de leur parc social et privé », soutient son vice-président (CFDT) Philippe Lengrand, avant de nuancer aussitôt. « Ne rien faire, ce serait une mauvaise idée. Il faut trouver la moins mauvaise solution ».
En réalité, comme les administrateurs et gestionnaires de biens, tous trois militent en faveur d'une révision de l'indice de référence des loyers (IRL). Ce dernier sert de base pour réviser les loyers des logements vides ou meublés et fixe les plafonds des augmentations annuelles des loyers que peuvent exiger les propriétaires. Publié par l'Insee le 15 avril dernier, le nouvel IRL s'élève à 133,93, soit une hausse de 2,48% après avoir crû de 1,61% au quatrième trimestre 2021. Il est calculé à partir de la moyenne, sur douze mois, de l'évolution des prix à la consommation, hors tabac.
La caution publique élargie à tous les locataires... un échec annoncé ?
Autre casus belli: la proposition du candidat Emmanuel Macron d'élargir une caution publique à tous les locataires pour lutter contre les discriminations. Depuis 2016, Action Logement déploie en effet le dispositif « Visale » (Visa pour le logement et l'emploi, Ndlr) qui garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire. Après avoir été réservée aux salariés de moins de 30 ans ainsi qu'aux employés en CDD ou en mobilité professionnelle, le dispositif a été étendu, début juin 2021, à l'ensemble des travailleurs au salaire inférieur à 1.500 euros nets.
« J'ai peur qu'en cas d'élargissement, cela devienne un échec. Ce système fonctionne, car il discrimine positivement une population. Si le dispositif change, les jeunes risquent de ne plus en bénéficier de la même façon. Cela doit se réfléchir collectivement », estime le vice-président (CFDT) d'Action Logement, Philippe Lengrand.
« Nous avons la chance d'avoir un produit qui fonctionne et qui rassure le bailleur. Pourquoi le modifier ? Aller vers un système universel, ce ne serait pas soutenable financièrement », renchérit son président (Medef) Bruno Arcadipane.
Un avantage fiscal incitatif pour les maires qui construisent ?
Dernier sujet: la construction neuve de logements sociaux et intermédiaires. Malgré l'inflation et la hausse du prix des matériaux, l'opérateur s'affiche « ambitieux » et promet 38.800 mises en chantier et 34.200 livraisons pour 2022. Soit + 15% et + 31% par rapport à 2021. Présomptueux ? « Nous avons constaté un petit peu de décalage temporel (du fait de la conjoncture, Ndlr) mais nous avons lancé énormément de chantiers », rétorque la DG Nadia Bouyer. «Nos opérations sont au long cours et nous les suivons, mois par mois, pour vous donner ces précisions », poursuit-elle.
Le nouveau gouvernement doit « redonner l'envie de construire », martèle le président d'Action Logement. « Aujourd'hui, un maire bâtisseur, c'est un maire battu (aux élections municipales, Ndlr) . Il faut donner un avantage fiscal incitatif pour construire du social comme de l'intermédiaire », insiste Bruno Arcadipane, sans pour autant préciser ses intentions. En cela, il ne fait que répéter le rêve de la fédération des promoteurs immobiliers.
Un vœu pieux qui dépasse d'ailleurs les clivages et qui rassemble le maire (Macron-compatible) de Dijon François Rebsamen jusqu'à l'économiste libéral Robin Rivaton en passant par le patron de la Caisse des Dépôts Eric Lombard. Reste donc au président de la République et à la Première ministre, la responsabilité de nommer un ministre délégué ou un secrétaire d'Etat chargé du Logement après le 19 juin pour y voir plus clair.
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