Caution logement : Odealim s'offre Cautioneo et devance l'élargissement de la garantie Visale

Le courtier en assurance et en crédit immobilier Odealim annonce entrer au capital de la jeune pousse Cautioneo spécialisée dans la garantie loyer impayé. Parallèlement, le président Macron veut "élargir" une caution publique à tous les locataires pour "lutter contre les discriminations" liées au logement. Il en oublierait presque que la loi de l'ex-député (LREM) Mickael Nogal proposant de créer une "garantie totale" n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour lors du dernier quinquennat.
César Armand

C'était l'une des grandes causes du précédent quinquennat : réconcilier les locataires et les propriétaires. C'est devenu l'une des grandes promesses du président-candidat Emmanuel Macron : une caution publique élargie à tous les locataires "qui aiderait à lutter contre les discriminations et faciliterait l'accès au logement" et, en même temps, "tout en sanctionnant les mauvais payeurs".

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Sans attendre la mise en œuvre de ce dispositif, le courtier en assurance et en crédit immobilier Odealim annonce, pour un montant confidentiel, l'acquisition de 65% du capital de la jeune pousse Cautioneo spécialisée dans la garantie loyer impayé. Le premier en vend aux administrateurs de biens, type agents immobiliers, et aux propriétaires, tandis que la seconde en propose aux locataires. Son coût : 2,3 à 2,5% du loyer pour l'administrateur du bien, 2,75% pour la propriétaire et 2,9% pour le locataire.

82% des propriétaires connaissent la garantie loyer impayé

Avant de signer le bail, le locataire se connecte à la plateforme de la proptech lilloise et renseigne une trentaine d'informations qualitatives et quantitatives (épargne disponible, salaire, type de contrat de travail...) passant au filtre d'un algorithme qui calcule s'il est éligible à la garantie. Le propriétaire est, lui, couvert par une garantie loyer impayé, qui couvre aussi bien la détérioration du bien que la protection juridique, dans la limite de 96.000 euros, soit 4.000 euros par mois pendant deux ans.

D'autant que selon une étude d'Harris Interactive commandée par Odealim, publiée en juin 2021, si 79% des Français, et même 82% des propriétaires, affirment connaître la garantie loyer impayé et 88% la jugent utile, seuls 20% des bailleurs pensent disposer de ladite assurance contre le risque d'impayés de loyer. 67% du même panel estime alors que le nombre d'impayés va augmenter au cours des prochains mois.

Une caution publique qui existe depuis 2016

C'est sans doute ce qui pousse le chef de l'Etat à défendre ce projet de caution publique élargie à tous les locataires. La caution en question existe depuis 2016 et est pilotée par l'organisme paritaire Action Logement. Il s'agit de « Visale » (Visa pour le logement et l'emploi, Ndlr) qui garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire.

Après avoir été réservé aux salariés de moins de 30 ans ainsi qu'aux employés en CDD ou en mobilité professionnelle, le dispositif a été étendu, début juin 2021, à l'ensemble des travailleurs au salaire inférieur à 1.500 euros nets, soit près de 6 millions de Français toutes sources confondues.

"L'élargissement de Visale n'aurait pas beaucoup de sens, car les autres solutions fonctionnent", juge le co-fondateur de Cautioneo Julien Chenet.

"Rien ne sert d'inventer avec les deniers de l'État des choses qui existent déjà", renchérit Xavier Saubestre, président d'Odealim.

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L'obligation de garantie loyer impayé aurait pu voir le jour dès 2019

En réalité, cette obligation de garantie loyer impayé qui ne dit pas son nom aurait pu voir le jour dès 2019. En décembre 2018, le Premier ministre Edouard Philippe confie au député (LREM) de la 4ème circonscription de la Haute-Garonne Mickael Nogal la mission d'analyser et de proposer des solutions pour "favoriser la mise en location de logements et améliorer les relations entre locataires et propriétaires".

Trois mois plus tard, le 18 juin 2019, le député Nogal remet au locataire de Matignon son rapport intitulé "Louer en confiance" mais rien ne bouge, tant est si bien qu'il dépose, en février 2020, une proposition de loi "visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l'accès au logement des locataires".

"Alors que les impayés de loyers représentent seulement 1% à 2% du marché, les craintes des impayés de loyers, mais aussi des dégradations locatives, dominent le marché et ont pour conséquence la demande de garanties disproportionnées aux locataires rendant plus difficile leur accès au logement", pointe le député (LREM) de Haute-Garonne.

Il n'est plus rare, ajoute Mickaël Nogal, de voir des propriétaires demander plusieurs personnes cautions physiques à leurs locataires, à tel point que cela engendre des phénomènes de discriminations de toute nature et même d'antisélection. Parallèlement, les acteurs du marché observent un phénomène de falsification des pièces justificatives dans les dossiers des candidats à la location. D'autant que par peur de ne pas récupérer leur dépôt de garantie, les locataires "négligent de plus en plus fréquemment de payer le dernier mois de loyer, privant les propriétaires de toute garantie".

Dans ces conditions et pour "mettre fin aux abus" des deux parties, le député (LREM) de la 4ème circonscription de Haute-Garonne propose de créer un nouveau mandat de "garantie totale" plutôt que de cumuler les garanties comme les assurances de loyers impayés, la garantie "Visale" ou la caution personne physique. "Ce système de garantie est le moins fiable juridiquement et le plus injuste socialement", écrit-il dans sa proposition de loi.

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"Un manque de volonté politique"

Sauf que ce texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les administrateurs de biens, à commencer par les agents immobiliers, auraient interprété la "garantie totale" comme un risque d'empiétement sur leurs compétences, car leur métier consiste justement à choisir les locataires pour les propriétaires.

"Le travail a déjà été fait avec les acteurs privés. Nous ne pouvons que regretter le manque de volonté politique d'aller au bout de la démarche", relève Xavier Saubestre, président d'Odealim.

"L'argent public pourrait être fléché vers la construction de logements, notamment sociaux", considère Julien Chenet de Cautioneo.

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Toujours est-il que les deux nouveaux associés comptent bien déployer leur caution privée sur l'ensemble du marché français. Outre l'achat de 2/3 des parts de Cautioneo, Odealim, qui assure déjà 150.000 lots, s'apprête à injecter des fonds supplémentaires dans la startup. Cette dernière a en effet de grandes ambitions : elle veut quadrupler ses équipes et décupler le nombre de ses clients d'ici à fin 2023.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 03/05/2022 à 7:58
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L'économie des zombis, spéculations sur les dettes et autres, il n'y a plus rien pour ceux qui en ont besoin, qu'importe on va leur prélever leurs reins. A pleurer.

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