Logement : le gel des loyers en débat à Bercy pour soutenir le pouvoir d'achat

Depuis la campagne présidentielle, l'association Consommation logement cadre de vie (CLCV) et la Confédération nationale du logement (CNL) demandent le blocage des loyers. Une réunion sur le sujet se tient ce 1er juin à 14 heures à Bercy. L'indice de référence des loyers sera au cœur du débat. Les propriétaires privés et les bailleurs sociaux s'opposent à un gel et défendent une revalorisation des APL.
César Armand
(Crédits : Unsplash/Hernan Lucio)

C'est un signe supplémentaire que le pouvoir d'achat des Français se dégrade. L'indice des prix à la consommation a atteint 5,2% sur un an, a dévoilé l'Insee ce 31 mai 2022. Autrement dit, l'inflation continue sa folle échappée. En réaction, dès l'installation d'Elisabeth Borne à Matignon, le gouvernement a promis, pour le 29 juin au lendemain des élections législatives, un projet de loi sur le pouvoir d'achat ainsi qu'un projet de loi de finances rectificative.

Une demande des associations de consommateurs

Au programme : la prolongation du bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité, et, peut-être, le gel des loyers. Depuis la campagne présidentielle, l'association Consommation logement cadre de vie (CLCV) et la Confédération nationale du logement (CNL) l'érigent en priorité au regard de l'explosion du coût de la vie. Une porte déjà fermée, qualifiée de « fausse bonne idée » par la Première ministre deux jours après sa nomination.

« Des retraités louent un bien dont ils sont propriétaires et les loyers qu'ils perçoivent composent une partie de leurs revenus. Les geler, comme des associations le suggèrent, risque de les mettre en difficulté », estime Elisabeth Borne dans le JDD du 22 mai. « Nous avons aussi besoin de construire des logements, et il ne faut pas assécher les sources de financement des bailleurs sociaux », ajoute-t-elle.

Une réunion à Bercy ce 1er juin à 14 heures

Changement de ton cette semaine. Dès le 30 mai, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ainsi que la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ont annoncé, pour ce 1er juin à 14 heures, une réunion de travail avec les bailleurs immobiliers. « L'enjeu de la réunion sera surtout d'écouter les parties prenantes dans le contexte de l'inflation », explique-t-on à La Tribune au cabinet d'Amélie de Montchalin.

« Réunion de concertation sur les mesures de soutien aux locataires face à l'inflation », est-il, en revanche, écrit dans l'objet du courriel adressé aux participants. « Cette réunion s'inscrit dans le cadre des consultations menées par le gouvernement sur la lutte contre l'inflation et aura pour objectif d'engager des réflexions sur les meilleures modalités d'adaptation à ce contexte », fait désormais savoir, ce 31 mai, Bercy, dans une invitation presse intitulée « Réunion de travail avec les acteurs économiques de la location immobilière ».

Autour de la table : « représentants du logement social, du logement privé, des agents immobiliers, des entreprises de gestion de transaction et des promoteurs », est-il énuméré, mais il n'y aura « pas de communication à l'issue », précise Bercy. Les associations de consommateurs n'ont pas été invitées non plus. « Nous demandons le blocage immédiat des loyers dans le parc privé ainsi qu'une compensation de l'Etat pour le parc social », s'impatiente, auprès de La Tribune, le président de la Confédération nationale du Logement (CNL), Eddie Jacquemart.

L'indice de référence des loyers (IRL) au cœur du débat

Quoiqu'il en soit, il sera sûrement question de l'indice de référence des loyers (IRL) qui, selon la définition officielle, sert de base pour réviser les loyers des logements vides ou meublés et fixe les plafonds des augmentations annuelles des loyers que peuvent exiger les propriétaires. Publié par l'Insee le 15 avril dernier, le nouvel indice s'élève à 133, 93, soit une hausse de 2,48%, après avoir crû de 1,61% au quatrième trimestre 2021. L'IRL est calculé à partir de la moyenne, sur douze mois, de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.

« Avec 2,48% contre 5,2%, l'indice de référence des loyers n'accélère pas l'inflation mais, au contraire, la freine. Il a cette vertu de bouclier tarifaire. C'est pourquoi le blocage de l'IRL et des loyers serait contreproductif », prévient, d'ores et déjà, Jean-Michel Camizon, président du directoire de Dauchez, président de l'observatoire du marché locatif privé Clameur et président de l'association des grandes entreprises de la gestion et de la transaction immobilière Plurience.

Même discours ou presque du côté de l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis). Auprès de La Tribune, sa présidente Danielle Dubrac s'interroge : « Va-t-on vers une remise à plat de l'indice de référence des loyers ? Un gel de l'IRL ? Un bouclier tarifaire ? Tout est ouvert ». Et de mettre en garde le gouvernement : « Tout comme les locataires, les propriétaires particuliers subissent l'inflation à laquelle s'ajoutent des dépenses d'entretien et des taxes à payer. Attention à ne pas diminuer leurs revenus ! » poursuit-elle.

Un message relayé par les propriétaires privés et... les bailleurs sociaux

Elle ne croit pas si bien dire. C'est le message que fait aussi passer l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). « La taxe foncière représente en moyenne 3 mois de loyers ! », s'époumone son président Christophe Demerson. « S'il fallait une mesure claire, efficace et qui soutient le pouvoir d'achat, ce serait la hausse des aides personnalisées au logement (APL) ou leur indexation sur l'inflation », plaide son directeur général Pierre Hautus.

Une piste que défend également la confédération des bailleurs sociaux, l'Union sociale pour l'habitat (USH), depuis... le début du précédent quinquennat. 10 millions de personnes vivent dans près de 4,7 millions de logements sociaux et au moins un Français sur deux vit ou a vécu en HLM. Sauf que dès l'examen du budget 2018 à l'automne 2017, les APL ont baissé de 5 euros, suivi d'un regroupement des bailleurs sociaux et d'une réduction de leur loyer de solidarité.

« Nous sommes soit pour l'augmentation des APL, soit pour l'indexation, soit pour la valorisation des APL forfait charges », explique, à La Tribune, Marianne Louis, directrice générale de l'USH. « A terme, il faudra des démarches en faveur du pouvoir d'achat. Nous ne pouvons plus traiter les sujets en silo », enchaîne la porte-parole des bailleurs sociaux.

Le calendrier d'interdiction à la location des logements fait débat

D'autant qu'en parallèle, le calendrier d'interdiction à la location des logements classés G, F et E aux horizons 2023, 2025, 2028 et 2034 fait débat. Faute d'être rénovés, ces habitats qui consomment beaucoup trop d'énergie et dont les factures affectent le pouvoir d'achat de ses occupants ne pourront plus figurer sur le marché. L'Union sociale pour l'habitat (USH) se projette, elle, déjà en 2050 avec l'interdiction des logements classés D, considérant que les bailleurs sociaux amortissent leur patrimoine en 50 ans, et non en 15-20 ans comme les propriétaires privés.

Ces derniers redoutent les obligations de travaux liées à ces échéances qui coûteraient, selon eux, 30 à 40% plus chers aujourd'hui. « Si nous voulons faire imploser le parc locatif, on ne peut pas faire mieux », s'exclame ainsi Pierre Hautus de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). « Le gouvernement pousse à la rénovation pour décarboner et réduire les consommations des bâtiments, mais les coûts ont explosé », abonde Jean-Michel Camizon, président de l'association Plurience, premier à monter au créneau avec la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) et l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS) contre une « accélération brutale, non anticipée et insuffisamment accompagnée ».

En réalité, tous pointent une inadéquation entre la volonté politique et les moyens économiques et financiers. Depuis le lancement du plan France Relance en septembre 2020, 4 milliards d'euros ont certes été fléchés vers le logement privé au travers de la Prime Rénov et 500 millions vers le parc social. Mais ces espèces sonnantes et trébuchantes visent à éradiquer les 4,8 millions de passoires thermiques, une quantité sujette à controverse. La Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) évalue leur nombre à 7 voire 8 millions.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2022 à 17:37
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c est sur que l inflation impacte les retraités bailleurs: le prix des croisieres a augmenté. impossible d avoir un rabais chez mercedes pour changer la voiture. Il faut que ces feignants de jeunes se mettent au travail afin de payer nos retraites et...

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