Jusqu'à fin 2022, le BTP craint des années « compliquées » en Ile-de-France

Après une année 2020 marquée par la Covid-19 et le report des échéances électorales, les représentants franciliens du bâtiment et des travaux publics se disent « prudents voire inquiets » pour les deux prochaines années.
César Armand
Le BTP de la région parisienne a réussi à conserver tous ses emplois l'an dernier grâce aux dispositifs d'aide type PGE ou chômage partiel.
Le BTP de la région parisienne a réussi à conserver tous ses emplois l'an dernier grâce aux dispositifs d'aide type PGE ou chômage partiel.

L'année 2020 vient à peine de se terminer que les professionnels du BTP se sont engagés le 5 janvier auprès du gouvernement à recruter 150.000 personnes d'ici à fin 2022. L'an dernier, tout s'est pourtant arrêté net lors du premier confinement, avant une reprise en demi-teinte marquée par l'ajournement des élections locales et les vacances estivales. Tant est si bien que dans ce secteur qui pèse 15% du PIB et qui emploie 2 millions de salariés, l'activité a chuté de 15% dans le bâtiment comme dans les travaux publics.

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-13% d'activité globale en 2020

Logiquement, en tant que premier pôle économique de France et d'Europe, la région Ile-de-France reste impactée par l'actuelle crise sanitaire. Si les acteurs franciliens pèsent toujours pour un tiers du chiffre d'affaires national - 10 sur 36-37 milliards d'euros dans les travaux publics, 40 sur 140 milliards dans le bâtiment -, tous leurs indicateurs sont à la baisse. Quelle que soit la filière, l'activité globale y a ainsi chuté de 13%. Soit 2 points de moins par rapport au niveau national.

Dans le détail, la fédération régionale des Travaux Publics avance une baisse de 20% sur les travaux du quotidien, comme l'entretien des infrastructures. « A l'exception de Paris, où les dernières commandes sont passées en décembre, nous espérions une reprise au dernier quadrimestre 2020, mais entre le manque de recettes et les surcoûts, nous serons forcément impactés, au moins autant que les autres régions », précise le président de la FRTP-IDF José Ramos.

La fédération du bâtiment d'IDF accuse, elle, une baisse des mises en chantier de 13,7% pour le logement et de 19,6% pour les locaux tertiaires. Entre le décalage de trois mois du second tour des élections municipales et la généralisation du télétravail dans les mairies, la délivrance des permis de construire a même reculé de 26%. « Tous les interlocuteurs ne répondent plus, tout se passe désormais par mail », lâche le patron de la FB-IDF Jean-Luc Tuffier.

Un secteur très dépendant de la commande locale

Le BTP reste effectivement très dépendant de la commande publique locale. Dans les travaux publics, les communes et intercommunalités représentent 40% de leur chiffre d'affaires, mais leur demande a diminué de 35%. Dans le bâtiment, « à moins d'un miracle », la filière ne sera pas en mesure de répondre à l'obligation annuelle de produire 70.000 logements neufs, anticipant des baisses de 13% en 2021 et de 25% en 2022.

« Le chiffre d'affaires de 2021 sur douze mois sera le même qu'en 2020 qui a subi cinq-six semaines d'arrêt. Nous avons l'équivalent de moins de 3 mois dans nos carnets de commande », résume José Ramos de la FRTP-IDF.

« Les majors ont les carnets de commande pleins jusqu'à fin 2021, les ETI pour six mois et les TPE-PME ont plus ou moins de boulot selon avec qui elles travaillent », abonde Jean-Luc Tuffier de la FB-IDF.

L'un et l'autre ne sont à pas la fête, considérant que l'année qui s'ouvre sera « compliquée » du fait de la Covid-19 qui se prolonge. Côté travaux publics, José Ramos ne juge pas la situation « catastrophique » mais s'avoue « prudent voire inquiet ». Côté bâtiment, Jean-Luc Tuffier se déclare tantôt « inquiet pour 2021-2022 » tantôt « incapable » de dire quand le rebond interviendra. Et ce même si le BTP francilien a réussi à conserver tous ses emplois l'an dernier grâce aux dispositifs d'aide type PGE ou chômage partiel.

150.000 embauches d'ici à fin 2022

Le gouvernement parie, lui, sur une reprise rapide du secteur, assurant qu'il apporte au total « près de 10 milliards d'euros pour soutenir » le bâtiment et les travaux publics. Outre les 6,7 milliards d'euros du plan France Relance consacrés à la rénovation dont 2,7 milliards pour les édifices de l'Etat, l'exécutif cite les cofinancements publics et privés, le Ségur de la Santé et les 650 millions dévolus à la construction neuve. Ces derniers se décomposent entre 350 millions d'euros d'aides aux « maires densificateurs » et 300 millions pour « recycler » des friches.

En contrepartie de ces espèces sonnantes et trébuchantes, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) s'est engagée, auprès des ministres concernés à Bercy, à 50.000 embauches dans les deux prochaines années. « Nous ne pourrons toutefois qu'y participer à hauteur de quelques pour cents », tempère le représentant en Ile-de-France José Ramos.

De son côté, la Fédération française du bâtiment a promis de maintenir ses effectifs de l'apprentissage après un bond record de 12% en 2020. Ou encore de recruter 100.000 jeunes dans les vingt-quatre prochains mois, dont « 15.000 bâtisseurs » dans les quartiers prioritaires de la ville. Soit 10.000 embauches et 10.000 apprentis en région parisienne.

« Après avoir recruté 9.400 demandeurs d'emplois en 2018-2019, nous souhaitons garder ce même niveau mais nous ne sommes pas devins », nuance Jean-Luc Tuffier. « Je suis incapable de vous dire ce qui va se passer. Bien malin celui qui peut prédire jusqu'à quand la pandémie va continuer », poursuit le patron de la FB-IDF.

Empreinte carbone et plan d'investissement

Parallèlement, les ministres de l'Economie, des Finances, de la Relance, des PME, de la Transition écologique et du Travail attendent des travaux publics qu'ils quantifient leur empreinte carbone. En réalité, depuis novembre, la commission développement durable de la FNTP s'est déjà auto-saisie. « La décarbonation est sur la table depuis dix ans. Nous ne pouvons pas nous exclure de cet effort collectif », estime le président de la FRTP-IDF.

De même qu'il est attendu de la filière qu'elle présente un plan d'investissement dans les infrastructures.

« Serait-ce la réanimation du Comité d'orientation des infrastructures ? » s'interroge tout haut José Ramos. « Quoiqu'il en soit, c'est la preuve qu'il servait à quelque chose. Servons-nous en pour donner des directives », complète-t-il.

En attendant la clause de revoyure fin mars entre le BTP et le gouvernement, les deux porte-paroles franciliens s'accordent sur un ultime point. Malgré le lancement du plan France Relance, le chantier du Grand Paris Express jusqu'en 2030 ou la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, l'activité ne sera vraiment au rendez-vous que, si et seulement si, les ménages, les collectivités locales et les pouvoirs publics décident d'y consacrer une part de leur budget. « C'est ce qui tire la machine et qui la maintient à flot », affirme ainsi Jean-Luc Tuffier de la FB-IDF.

Lire aussi : Dans le Grand Paris, le secteur du BTP sceptique sur la reprise des travaux

César Armand

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