BTP : Wargon ouverte à des «ajustements» sur la réglementation environnementale

Malgré les engagements ce 5 janvier du secteur du bâtiment et des travaux publics et du gouvernement à recruter 150.000 personnes d'ici à fin 2022, la nouvelle réglementation environnementale du BTP, dite « RE 2020 », annoncée en novembre et opérationnelle le 1er juillet prochain, continue de faire débat. La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, s'est prononcée sur « les contenus et les délais ».
César Armand

C'est une petite phrase qui risque de ne pas passer inaperçue dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Interrogée ce mardi 5 janvier à Bercy par La Tribune sur la réglementation environnementale 2020 dite « RE 2020 », dévoilée fin novembre et aussitôt critiquée, la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, s'est prononcée sur de possibles « ajustements sur les contenus et les délais ».

La RE 2020, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain, impose aux professionnels de la construction neuve de recourir à des matériaux et à des modes constructifs qui peuvent stocker le carbone. Par exemple, les matières biosourcées, d'origine renouvelable (biomasse), végétale (bois) ou animale. La nouvelle réglementation acte également la sortie progressive du gaz dans les bâtiments neufs, alors qu'il alimente les trois quarts des nouveaux bâtis et la majorité des maisons et immeubles anciens. Le biogaz sera de même banni dans le neuf, devant se substituer au gaz d'origine fossile dans l'existant.

« Les discussions sont ouvertes en confiance »

Une concertation est en cours entre les acteurs privés et publics sous la houlette du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE). « Les discussions sont ouvertes en confiance », a insisté Emmanuelle Wargon. Certes, le CSCEE peut se saisir de tout sujet relevant du domaine de la construction, formuler des avis sur la simplification des normes et évaluer les coûts induits.

En réalité, dès le lendemain de la première réunion dédiée du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, l'Union sociale pour l'Habitat, la Fédération des promoteurs immobiliers, la Fédération française du bâtiment ainsi que son pôle Habitat ou encore la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment ont communiqué sur leurs craintes.

« (...) À défaut d'ajustements importants, elle risque de provoquer une rupture majeure et critique pour l'offre de bâtiments, l'activité et les emplois du secteur (...) Il est nécessaire de partager une trajectoire et un calendrier de mise en œuvre progressif et adapté », écrivent les signataires dans une déclaration transmise à la presse le 18 décembre dernier.

Un débat sur la méthode

Aux côtés de l'Union nationale des syndicats français d'architectes, de la Fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du conseil, de l'ingénierie et du numérique et de l'Association des industries de produits de construction, l'USH, la FPI, la FFB et la CAPEB ont en outre fustigé une « méthode retenue unilatéralement [qui] suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes ».

Si la ministre du Logement reprend à son compte les « ajustements » demandés par le secteur, elle reste inflexible sur « la même méthode ». Emmanuelle Wargon considère que la concertation s'opère « en grande proximité » avec « beaucoup de discussions sur beaucoup de points ». Les porte-paroles du BTP et la représentante du gouvernement s'accordent d'ailleurs déjà sur un sujet : la nécessité de la RE 2020 pour atteindre en 2050 l'objectif de neutralité carbone. Encore faudra-t-il que l'activité soit au rendez-vous.

C'est pourquoi d'un côté Emmanuelle Wargon ainsi que ses collègues chargés de l'Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire, du Travail Elisabeth Borne, des PME Alain Griset et de l'autre la Chambre nationale des artisans des travaux publics (CNATP), la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) ont signé des engagements réciproques ce 5 janvier 2021 à Bercy.

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150.000 emplois dans le BTP d'ici à fin 2022

Le gouvernement assure ainsi qu'il apporte au total « près de 10 milliards d'euros pour soutenir » le bâtiment et les travaux publics. Outre les 6,7 milliards d'euros du plan France Relance consacrés à la rénovation dont 2,7 milliards pour les édifices de l'Etat, l'exécutif cite les cofinancements publics et privés, le Ségur de la Santé et les 650 millions dévolus à la construction neuve. Ils se décomposent entre 350 millions d'euros d'aides aux « maires densificateurs » et 300 millions pour « recycler » des friches.

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En face, la FNTP s'est engagée à réaliser 50.000 embauches dans les travaux publics d'ici à 2022. C'est deux fois plus que ses objectifs initiaux. Après avoir créé 10.000 emplois en 2018, la filière des TP avait annoncé, début 2019, le recrutement 20.000 personnes d'ici à 2024. Cet après-midi, son président Bruno Cavagné a parié sur une « accélération » au deuxième semestre 2021 après l'actuel « petit trou d'air ». Ce dernier est dû à la chute de 30% des appels d'offres, elle-même imputable à l'ajournement des élections locales.

Malgré une chute de 15% de l'activité en 2020 - comme dans les travaux publics - le bâtiment entend, lui, faire venir 100.000 jeunes d'ici à fin 2022, dont 15.000 issus des quartiers prioritaires. Après un bond de +12% de l'apprentissage l'an dernier, le président de la FFB Olivier Salleron a paraphé le maintien de ces effectifs en 2021. Dans ce domaine, les TP doivent passer de 8.000 à 12.000 apprentis d'ici à la fin de l'année prochaine.

Reste à savoir désormais si le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance tiendra ses engagements. « Vous avez besoin de simplifications ? Nous vous les accorderons » a lancé en cette rentrée Bruno Le Maire. « Chiche ! » serait-il tentant de lui répondre sans attendre la clause de revoyure de fin mars.

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César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 13/01/2021 à 16:22
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Réforme encore repoussée... Une RT2012 qui a déjà droit à des dérogations. La France encore a la traîne..

à écrit le 06/01/2021 à 19:16
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Pardon, mais qui est cette dame ?

à écrit le 06/01/2021 à 8:53
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Dans notre vieille économie européenne entre les mains de vieux acteurs momifiés, les secteurs moyen ageux tels le BTP et l'agro-industrie pèsent fortement dans la balance, si on avait un GAFA pour contrecarrer cela nous permettrait de mieux respirer...

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