Le président de Saint-Gobain résiste aux assauts du fonds activiste qui a fait tomber Faber

Malgré les coups de butoir du fonds d'investissement britannique Bluebell Capital Partners, Pierre-André de Chalendar vient d'être confirmé à son poste de président du conseil d'administration de Saint-Gobain. Un choix contesté par le fonds activiste qui estime que le directeur général du groupe, Benoît Bazin, n'a pas besoin de transition. Explications d'une passe d'armes.
César Armand
Pierre-André de Chalendar est simple président du conseil d'administration depuis juillet 2021.
Pierre-André de Chalendar est simple président du conseil d'administration depuis juillet 2021. (Crédits : BENOIT TESSIER)

Après avoir obtenu, en mars 2021, la tête d'Emmanuel Faber chez Danone, le fonds d'investissement britannique Bluebell Capital Partners souhaite le départ de Pierre-André de Chalendar. Sans succès pour l'heure. Réunis en assemblée générale dans l'après-midi du 2 juin 2022, 94,75% des actionnaires de Saint-Gobain ont accepté de renouveler, pour une durée de quatre ans, son mandat d'administrateur et de président du conseil d'administration.

« Benoît Bazin n'a pas besoin de transition »

« Nous n'avons absolument rien de personnel envers Pierre-André de Chalendar, mais nous pensons que Saint-Gobain doit nommer un président indépendant, quelqu'un du conseil d'administration ou quelqu'un de l'extérieur », explique, à La Tribune, Marco Taricco, co-fondateur de Bluebell Capital Partners.

« La performance opérationnelle et boursière de la société a été pauvre sous Chalendar. Il a aussi raté l'opportunité d'acquérir Sika (en 2020, son principal concurrent suisse, Ndlr) et la chance de devenir un leader mondial », ajoute le porte-parole du fonds détenant moins de 0,5% du capital.

Nommé PDG de Saint-Gobain en 2010, le patron a lâché les rênes en juillet 2021, cédant les manettes à son dauphin Benoît Bazin, promu directeur général. « Toutes les initiatives et les décisions stratégiques sont proposées par le DG, et toutes les opérations supérieures à 150 millions d'euros nécessitent l'accord du conseil d'administration », a répondu Pierre-André de Chalendar à un actionnaire qui l'interrogeait sur la dissociation président/directeur général.

« J'ai consacré 33 ans de ma vie à Saint-Gobain et je ne cherche pas à m'accrocher ou à me maintenir »

Plus tôt, au cours de l'assemblée générale, l'administrateur référent Jean-Dominique Senard a témoigné « d'un couple président/DG qui fonctionne merveilleusement bien où le directeur général est chargé de déployer la stratégie ». « L'un s'appuie sur l'autre et vice-versa. C'est la meilleure garantie pour l'avenir », a poursuivi le président du conseil d'administration du groupe Renault.

Un argument qui fait « sourire » l'investisseur Marco Taricco. « Benoît Bazin est directeur général depuis un an, dans le groupe depuis 23 ans et n'a pas besoin de transition », estime le co-fondateur de Bluebell Capital Partners. « Si nous avons beaucoup de respect pour Benoît Bazin qui apporte une nouvelle culture à la société, nous voulons éviter qu'il soit influencé dans sa stratégie par Pierre-André Chalendar », enchaîne-t-il.

« J'ai consacré 33 ans de ma vie à Saint-Gobain et je ne cherche pas à m'accrocher ou à me maintenir », a d'ailleurs répondu à un internaute Pierre-André de Chalendar. « J'ai d'autres passions dans la vie et, si j'ai accepté d'être candidat à un nouveau mandat, c'est à la demande du conseil d'administration et de Benoît Bazin », s'est défendu le président qui a déjà indiqué qu'il n'exercerait cette fonction que pour une durée maximale de deux ans, soit jusqu'à l'AG de juin 2024.

« Il faut simplifier le business »

En 2021, Saint-Gobain a réalisé 44,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ce qui fait dire à Pierre-André de Chalendar que « le groupe est plus fort que jamais et résolument tourné vers l'avenir ». « Cette performance historique (+18%, Ndlr) est la preuve de notre capacité à nous renouveler et à nous réinventer », a-t-il égrené. Sous son impulsion, le fabricant et distributeur de matériaux de construction et de verre s'est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050, promettant d'« être le leader mondial de la construction durable ».

Une stratégie qui ne convainc pas le fonds d'investissement britannique Bluebell Capital Partners. « Il faut simplifier le business », plaide son co-fondateur Marco Taricco. « Nous demandons la séparation des activités de distribution et de production de matériaux, car nous sommes convaincus qu'il n'y a pas de synergie entre la distribution et la production », insiste-t-il.

Une proposition balayée par le directeur général de Saint-Gobain. « La distribution comme la production apporte énormément au groupe. Sur toutes les lignes de métier, nous avons une approche agile et pragmatique pour renforcer le groupe et créer de la valeur », a répliqué, là encore, à un internaute Benoît Bazin. « Votre groupe est plus fort que jamais et résolument tourné vers l'avenir », a appuyé Pierre-André de Chalendar.

Dépasser 10 Mds de dollars de chiffre d'affaires en 2022 aux Etats-Unis

Dès 2019, ce dernier a lancé une feuille de route « Transform & Grow » rebaptisée « Impact & Grow » consistant à donner plus de pouvoirs aux dirigeants locaux. En 2021, le groupe coté a ainsi procédé à 6 milliards d'euros de cessions et à 3,5 milliards d'acquisitions. Dernière en date : « un acteur majeur des matériaux de rénovation », le nord-américain Kaycan, pour 928 millions de dollars (860 millions d'euros).

Après avoir acheté, en février 2020, le plâtrier Continental Building Products pour 1,3 milliard d'euros, puis, en décembre 2021, la plateforme de solutions d'imperméabilisation GCP Applied Technologies pour 2 milliards d'euros, Saint-Gobain mise sur le bardage, ce revêtement de façade en aluminium, bois, composite ou vinyle. Et pour cause : en s'offrant cette entreprise étrangère, la multinationale française espère « dépasser 10 milliards de dollars » de chiffre d'affaires en 2022 aux Etats-Unis.

Pierre-André de Chalendar, un patron emblématique du CAC 40

Né à Vichy (Allier) en 1958, Pierre-André de Chalendar est Inspecteur des Finances de père en fils. Après l'ESSEC et l'ENA, il commence sa carrière de haut-fonctionnaire comme directeur général adjoint chargé de l'Energie et des Matières premières au ministère de l'Industrie. Entré à la Compagnie de Saint-Gobain en 1989, Pierre-André de Chalendar y occupe différents postes, entre la branche Abrasifs, la délégation du Royaume-Uni et de l'Irlande et le pôle Distribution Bâtiment. C'est en 2006 qu'il devient administrateur pour la première fois avant d'être nommé président-directeur général de Saint-Gobain en juin 2010. Depuis juillet 2021, il est président du conseil d'administration. Un mandat qu'il quittera au plus tard dans deux ans d'ici à l'assemblée générale de juin 2024.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2022 à 14:49
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Coquille : "les coups de butoir" voire coups de boutoir

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