Grippe aviaire : ce que nous prépare le virus H5N1

Alors que la France met au point son plan de vaccination en élevage contre l'épidémie animale H5N1, les autorités sanitaires surveillent de près l'évolution du virus. Un virus qui pourrait s'adapter aux mammifères, dont l'être humain. Quels sont les risques d'une nouvelle pandémie ?
H5N1 ne s'attaque plus seulement aux oiseaux. Avec huit gènes, il produit beaucoup de variants.
H5N1 ne s'attaque plus seulement aux oiseaux. Avec huit gènes, il produit beaucoup de variants. (Crédits : Reuters)

Vingt millions de poulets, dindes et canards abattus l'hiver dernier, 300 foyers détectés depuis le mois d'août : le virus H5N1 fait des ravages. Fin décembre 2022, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a évoqué une épidémie animale ou épizootie « la plus importante jamais observée en Europe ». En France, les autorités sanitaires bouclent les dernières études autour du futur Plan de vaccination.

Depuis qu'elle est apparu il y a 20 ans, cette grippe ou plutôt cette influenza aviaire n'a jamais provoqué autant de foyers en élevage et de cas chez les oiseaux sauvages, comme le souligne Claire Hautefeuille, vétérinaire épidémiologiste et chercheuse au Centre de recherche pour le développement agricole (Cirad) : « Le virus est désormais présent dans le monde entier et depuis peu en Amérique du Sud, une zone plutôt épargnée jusque-là. L'été dernier, la maladie a persisté, ce qui laisse penser qu'elle est devenue endémique chez les oiseaux sauvages en Europe. » Comme elle contamine différentes espèces, elle ne se limite plus seulement aux migrateurs.

Quels vaccins pour quels oiseaux ?

Face à l'augmentation du risque, le ministère de l'Agriculture souhaite lancer un programme de vaccination. En parallèle, la médecine vétérinaire évalue deux vaccins H5N1 : celui du laboratoire Ceva santé animale (Gironde) et celui du laboratoire allemand Boerhinger Ingelheim. Dans cette expérimentation, la France teste ces deux formules sur des canards d'élevage, alors que l'Italie teste les siens sur des dindes et les Pays-Bas sur des poules. Objectif : mesurer l'efficacité et l'innocuité de ces vaccins suivant les espèces.

Si la Commission européenne a longtemps interdit la vaccination au motif des règles d'exportation, elle vient de revoir sa position, comme l'explique Gilles Salvat, directeur général délégué du pôle recherche et référence de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). « Elle autorise leur expérimentation à condition de bien surveiller les troupeaux vaccinés. Il s'agit de vérifier qu'aucun volatile ne porte à bas bruit un virus qu'il pourrait disséminer dans le circuit de l'élevage. Pour l'Europe, il est essentiel de rassurer les clients des pays tiers qui craignent d'importer des animaux en incubation, sans symptôme sous l'effet du vaccin. »

L'expérience des malades asymptomatiques du Covid-19 qui ont dispersé le virus pousse à la prudence. Autre question : quel peut être l'impact économique et sanitaire selon le type de vaccination retenu, quelles espèces vacciner, massivement ou autour des clusters ? « Les résultats de toutes les analyses seront communiquées au ministère début avril, précise Gilles Salvat, afin qu'il choisisse le scénario retenu et commande le nombre de doses nécessaires. »

Comment prévenir les clusters de canards ?

Chez Boerhinger Ingelheim, le vaccin utilisé dans l'expérimentation en cours est le Volvac Best H5. « Ce vaccin a prouvé dans d'autres pays son innocuité et son efficacité protectrice sur les canards, précise Magali Hainaut, directrice innovation de ce labo. Nous participons aux échanges autour du plan de vaccination et avons déjà réservé 48 millions de doses pour la France, dans le cadre d'un futur appel à projet ».

Avant même la vaccination, la veille sanitaire H5N1 s'est aussi renforcée : 100 % des élevages sont sous surveillance vétérinaire accrue, avec des circuits sécurisés et des tests PCR avant tout mouvement de troupeau. Dans la nature, la surveillance du virus est passive, mais réelle. Les oiseaux sauvages décédés sont repérés par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le réseau de surveillance des maladies infectieuses SAGIR avec l'Office français de la biodiversité et la Fédération des chasseurs. Les dépouilles sont testées pour identifier le virus afin de délimiter les zones de contamination. Depuis l'été dernier, cette veille a repéré des goélands et des sternes contaminés, mais aussi plus récemment des mouettes dans la région Île-de-France. Cependant, H5N1 ne s'attaque plus seulement aux oiseaux. Avec huit gènes, il produit beaucoup de variants dont certains s'adaptent à de nouvelles espèces. Encore un mauvais souvenir du coronavirus.

Quels sauts d'espèces H5N1 ?

Depuis son émergence en 2020, H5N1 a en effet infecté différents mammifères : des otaries, des visons en Espagne, des renards en forêt de Seine-et-Marne et même à un chat domestique à côté d'un élevage contaminé. Suivant les mutations ou réassortiments, ces variants adaptent leurs capacités. Par exemple, certains restent actifs à des températures de mammifères (37/38°C) inférieures celles des oiseaux (40/42°C). Ces adaptations en font un virus à « potentiel zoonotique », c'est-à-dire capable de nous infecter.

Pour l'instant, la maladie influenza n'a contaminé « que » 870 personnes depuis vingt ans et elle n'est toujours pas contagieuse entre deux individus. Le Dr Sibylle Bernard-Stoecklin est épidémiologiste à la Direction des maladies infectieuses de Santé publique France : « Depuis un an, le sous type de H5N1et son clade (Un clade est un groupe de plantes, microbes ou animaux génétiquement très proches ayant la même origine NDLR) qui sévit en Europe a contaminé six personnes en Chine, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Équateur notamment. Ces six cas sont peu au regard d'autres virus influenzas aviaires comme par exemple le H7N9. Mais plus ce virus infecte de mammifères et plus il est susceptible d'acquérir des mutations favorisant son adaptation à l'homme et sa capacité à devenir contagieux. » Pour l'instant, les patients ont toujours été contaminés par contact avec des animaux malades. Mais tout virus peut affiner ses compétences.

L'expérience du virus sur des cochons lui donnant des armes pour attaquer les hommes, la veille sanitaire surveille notamment les élevages de porcs proches de ceux de volailles. « Il est essentiel de détecter les cas humains au plus vite pour éviter les chaînes de propagation. Nous sensibilisons les salariés des filières avicoles aux symptômes à surveiller dans quels cas. »

Depuis de nombreuses année des réseaux et des ONG travaillent à surveiller les risques de zoonose dans les zones où les humains côtoient beaucoup d'animaux. Mais cette surveillance s'opère de façon déstructuré et discontinue, dépendant des financements alloués. Lancée par la France, l'initiative internationale PREZODE va promouvoir cette surveillance depuis le niveau local jusqu'au global, afin de détecter les infections chez l'animal et chez l'homme. Objectif : éviter les transferts d'espèces et limiter la propagation.

Vers une pandémie influenza ?

Une chose est claire, l'influenza aviaire a été considérée par l'OMS comme un risque pandémique avant même la « surprise » coronavirus. Transmissible par le souffle - donc contagieux - et attaquant le fond des alvéoles pulmonaires - donc dangereux - cette maladie fait partie des grands risques sanitaires. Déjà, Sanofi-Aventis et GSK travailleraient sur le vaccin H5N1. En cas de pandémie et comme pour la grippe saisonnière, c'est l'OMS qui définira contre quels clades du virus les vaccins doivent être développés.

Virologiste à l'Institut Pasteur, Sylvie van der Werf évalue régulièrement les risques infectieux : « Il faudra s'inquiéter s'il y a plusieurs cas humains sans lien avec un animal malade. Cela suggérerait que la personne a été infectée par son environnement ou par un autre individu contagieux. Nous connaissons déjà certains éléments susceptibles de favoriser le pouvoir d'infecter les mammifères - dont nous faisons partie - et ceux qui favorisent ensuite la contagiosité. Le risque H5N1 varie en fonction de ces éléments ».

En attendant, des scientifiques viennent d'annoncer que des chiens viverrins sont peut-être les hôtes intermédiaires du SARS-CoV-02 entre la chauve-souris et nous. Des virus voyageurs qui ne s'arrêtent pas à une seule espèce tant qu'ils peuvent infecter et se faire reproduire.

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Commentaires 6
à écrit le 27/03/2023 à 12:10
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Je sens venir qu'on va nous pondre (mauvais jeu de mots) prochainement un vaccin ...ARNm bien sûr, pour cette maladie. Il (comprendre : les firmes américaines) faut d'urgence rentabiliser les brevets sur les vaccins ARNm avant qu'ils ne tombent dans...

à écrit le 27/03/2023 à 9:57
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En parlant de virus : Pour cette 10e semaine, la généticienne franco-britannique Alexandra Henrion-Caude, détrône le tome 9 de Solo leveling. Elle se hisse au premier rang avec son essai Les apprentis sorciers : tout ce qu'on vous cache sur l'ARN ...

à écrit le 27/03/2023 à 9:28
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Et la réponse ne sera pas la diminution des élevages intensifs en intérieur qui favorisent les maladies, mais une augmentation des populations et un confinement encore plus strict des volailles qui seront vaccinées et bourrées d'antibiotiques.

le 27/03/2023 à 13:05
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Si, l'Anses a précisé qu'i y a eu des mesure de diminution du nombre de volatiles par élevage et du nombre d'élevage par km2 dans le cadre préventif. Et ça a montré que le taux de contamination baissait.

le 27/03/2023 à 17:17
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@FPinaud "Si, l'Anses a précisé qu'i y a eu des mesure de diminution du nombre de volatiles par élevage et du nombre d'élevage par km2 dans le cadre préventif." Alors que pour nous ,on confinait des familles entières dans de petit espace,pendan...

à écrit le 27/03/2023 à 9:08
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Vu l'état sanitaire de ces élevages ces épidémies sont elles une cause ou une conséquence. N'est ce pas Théodore Monot qui disait: "Lorsqu'on entasse des pommes, elles pourrissent".

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