À quelques semaines de Noël et des fêtes de fin d'année, la filière agro-alimentaire numérote ses abattis car un second foyer de grippe aviaire a été repéré ce week-end dans une exploitation de volailles du Nord, à Winnezeele, a annoncé la préfecture ce lundi. Il y a dix jours à peine, un premier foyer de contamination au virus H5N1, depuis la dramatique épizootie de l'hiver dernier, avait été repéré à 20 km de là.
Le protocole sanitaire habituel s'appliquera, a précisé la préfecture : afin de prévenir toute diffusion du virus au-delà de ce foyer, tous les animaux de l'élevage seront abattus, les opérations débutant ce lundi même, avant une désinfection du site. Une zone de protection (3 km autour du foyer) et une zone de surveillance (10 km) ont également été instituées.
C'est un coup dur pour la filière avicole française. Pour rappel, la filière française des volailles compte un total de 14.000 élevages et emploie environ 100 000 professionnels, dont environ 34.000 au sein des élevages eux-mêmes. La France, 12e mondial pour la volaille, est dans l'UE, le leader des pays producteurs d'œufs (environ 14 % de la production en 2020), suivie de l'Allemagne (13 %) et de l'Espagne (13 %).
La France perd son statut de pays indemne de grippe aviaire
"Deux autres suspicions d'influenza aviaire, dans des élevages situés dans les zones de surveillance et de protection instaurées, sont en cours d'investigation", indique le communiqué.
Après avoir été repérée parmi les oiseaux sauvages et dans quelques basses-cours françaises, la grippe aviaire avait été identifiée le 26 novembre dernier dans un élevage de poules pondeuses de la commune de Warhem (Nord) - "un foyer d'influenza aviaire hautement pathogène", précise le ministre de l'Agriculture.
C'était le premier cas détecté dans un élevage commercial français depuis l'épizootie de l'hiver dernier qui avait duré jusqu'au printemps 2021. Un cas qui a fait perdre à la France son statut "indemne" d'influenza aviaire, qu'elle venait de retrouver le 2 septembre.
Contactée par l'AFP, la préfecture n'a pas fourni de précisions sur le nouvel élevage touché et le type de virus identifié. Sur l'élevage de Warhem, il s'agissait du virus H5N1, avait précisé le ministère.
Pour rappel, une personne peut être contaminée en cas de contact étroit avec des oiseaux infectés. En revanche, "rien n'indique que la consommation de volaille ou d'oeufs propres à la consommation humaine pourrait transmettre ce virus aux humains", précise l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) sur son site.
Dindes, poulets, oeufs... en Europe des centaines d'élevages touchés
Déjà, le 10 septembre, face à la progression de l'infection en Europe, le ministère de l'Agriculture avait substitué le niveau de risque de « négligeable » à « modéré » sur l'ensemble du territoire métropolitain.
La situation européenne est effectivement critique : 26 pays européens (de l'Europe géographique) étaient touchés à la date du 26 novembre (quand le premier cas a été détecté en Flandre), cumulant quelque 412 foyers en élevage (H5N1) et 600 cas dans la faune sauvage (H5N8).
Depuis début août, "de nombreux foyers d'influenza aviaire ont été détectés dans la faune sauvage ou dans des élevages en Europe notamment au bord de la mer du Nord et de la mer Baltique. Ces derniers mois, les autorités sanitaires de nombreux États membres (Pays-Bas, Allemagne, Italie, ...) ont notifié des foyers dans les élevages de volailles (dindes et poulets de chair, poules pondeuses)", résume le ministère de l'Agriculture sur son site internet.
Pour mémoire, lors de l'épizootie de l'hiver dernier, environ 3,5 millions de volailles (essentiellement des canards) avaient été abattues dans le Sud-Ouest.
Confinement difficile pour des animaux qui doivent vivre à l'air libre
Dans les Landes, justement, qui concentrent le quart de la production française de foie gras, la grande majorité des éleveurs ont temporairement confiné leurs canards face au risque hivernal de grippe aviaire. L'arrêté officiel de mise sous abri des volailles et palmipèdes est en vigueur depuis le 5 novembre, du fait d'un risque "élevé".
Mais cette obligation nationale a du mal à passer auprès de certains petits producteurs qui ne jurent que par le plein air pour garantir la qualité.
Un "canard, ça vit dehors !", s'exclame une éleveuse en Chalosse (Landes) qui ne veut pas entendre parler du confinement des volailles, imposé par le risque de grippe aviaire.
L'autre pandémie mondiale
La grippe aviaire est présente en Europe, en Asie et en Afrique : des foyers de grippe aviaire ont été détectés dans plus de 40 pays chez des volailles et des oiseaux sauvages depuis mai et les foyers "se multiplient", alerte l'OIE.
Depuis quelques années, de nombreux sous-types des virus de l'influenza aviaire circulent dans diverses populations d'oiseaux sur une large étendue géographique. En 2021, une variabilité génétique sans précédent de sous-types de virus de l'influenza aviaire a été signalée chez les oiseaux, "créant une situation difficile du point de vue épidémiologique", souligne l'OIE.
Les sous-types actuellement en circulation à l'échelle mondiale chez les volailles et les oiseaux sauvages sont H5N1, H5N3, H5N4, H5N5, H5N6 et H5N8.
La grippe aviaire a un caractère saisonnier, la plupart des foyers apparaissant pendant l'hiver de l'hémisphère nord. Près de 16.000 cas de grippe aviaire chez les oiseaux domestiques et sauvages ont déjà été signalés cette année en octobre, "ce qui laisse entrevoir un risque accru de circulation du virus", s'inquiètait l'OIE fin novembre.
À l'heure actuelle, la transmission du virus ne se fait que de l'animal à l'homme, mais les autorités sanitaires redoutent une évolution du virus vers une forme transmissible d'homme à homme, porte ouverte à une pandémie, explique l'Institut Pasteur.
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ANNEXES
Qu'est-ce que l'influenza aviaire?
L'influenza aviaire est une maladie animale infectieuse, virale, très contagieuse, transmissible à toutes les espèces d'oiseaux, domestiques ou sauvages, explique le ministère de l'Agriculture sur son site. Elle est généralement asymptomatique chez les oiseaux sauvages, explique l'Institut Pasteur, mais peut devenir fortement contagieuse et entraîner une mortalité extrêmement élevée dans les élevages industriels de poulets et de dindes, d'où son nom de « peste aviaire » ou d' « Ebola du poulet ».
L'influenza aviaire fait partie des dangers sanitaires dont la déclaration à l'administration est obligatoire.
Est-elle transmissible à l'homme?
Pour les souches détectées en 2015/16 et 2016/17, H5N1 et H5N8, aucun cas humain n'a été identifié à ce jour. La consommation de viande, foie gras et œufs ne présente aucun risque.
Ce que dit l'Institut Pasteur :
La grippe aviaire est une maladie virale qui sévit chez les oiseaux, et dont le taux de mortalité est très élevé chez les oiseaux d'élevage (poulet, oies, etc.). Si la plupart des virus aviaires n'infectent pas l'homme, certains sous-types parviennent parfois à franchir la barrière des espèces: c'est le cas du virus H5N1, pathogène pour l'homme et présent en Asie. À l'heure actuelle, la transmission du virus ne se fait que de l'animal à l'homme, mais les autorités sanitaires redoutent une évolution du virus vers une forme transmissible d'homme à homme, porte ouverte à une pandémie, explique l'Institut Pasteur.
Existe-t-il un vaccin ?
À ce jour, aucun vaccin n'est autorisé par la Commission européenne.
Application des mesures de prévention suivantes sur l'ensemble du territoire métropolitain, du fait du passage en risque « élevé » :
- mise à l'abri des volailles des élevages commerciaux et la claustration ou mise sous filet des basses-cours ;
- interdiction de l'organisation de rassemblements et de la participation des volailles originaires des territoires concernés ;
- conditions renforcées pour le transport, l'introduction dans le milieu naturel de gibiers à plumes et l'utilisation d'appelants ;
- interdiction des compétitions de pigeons voyageurs au départ ou à l'arrivée de la France jusqu'au 31 mars ;
- vaccination obligatoire dans les zoos pour les oiseaux ne pouvant être confinés ou protégés sous filet. (Source: ministère de l'Agriculture)
(avec AFP)
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