ZOOM. Le Covid-19 bouscule-t-il le marché pharmaceutique mondial ?

FACE À LA CRISE - ÉPISODE 6. Pfizer, Moderna, AstraZeneca... le monde entier est tourné vers ces grands noms de l'industrie pharmaceutique, à la manoeuvre pour fournir les pays en vaccins, clés de la reprise économique. Parmi ces « Big Pharma », le Français Sanofi manque à l'appel. Que pèse la course aux vaccins dans les bilans des laboratoires, sur un marché pharmaceutique estimé à près de 1.000 milliards d'euros ? Les chiffres du secteur et l'état des lieux en quatre graphiques.
Sur un marché pharmaceutique mondial à 1.106 milliards de dollars USD en 2019, les vaccins représentent 46 milliards de dollars (d'après un rapport de Fortune business Insights).
Sur un marché pharmaceutique mondial à 1.106 milliards de dollars USD en 2019, les vaccins représentent 46 milliards de dollars (d'après un rapport de Fortune business Insights). (Crédits : LT)

>> EPISODE 5 : La grande distribution a-t-elle si bien profité de la crise du Covid ?

A l'origine de milliards de dollars de commandes dépensés par les États pour vacciner leur population, que pèse réellement la vente de vaccins ? Certainement pas autant que leur renommée. De fait, sur un marché pharmaceutique estimé à 1.106 milliards de dollars (977 milliards d'euros) en 2019 au niveau mondial (chiffres de la société de conseil IQVIA), les vaccins représentent 46 milliards de dollars en 2019, d'après un rapport de Fortune business Insights. Avec moins de 5% du marché global, la course aux vaccins ne bouleversera donc pas l'ordre pharmaceutique mondial.

L'industrie pharmaceutique est-elle pour autant un marché concentré ?

Pfizer, Sanofi, Novartis, Merck & Co et l'ensemble des grands noms du secteurs, communément appelés les « Big Pharma », centenaires pour certains, sont en effet indéboulonnables. Néanmoins, la concentration de l'industrie pharmaceutique est moins forte que dans d'autres secteurs. En effet, les dix premières entreprises pharmaceutiques mondiales détiennent moins de la moitié des parts du marché global. En comparaison, les cinq plus grands groupes automobiles mondiaux regroupent eux plus de la moitié du marché automobile mondial en 2019.

De plus, le chiffre d'affaires annuel des plus grands laboratoires oscille entre 30 et 50 milliards d'euros, soit quatre fois moins que les géants d'autres secteurs comme Total qui comptabilise à lui seul 200 milliards d'euros.

(Passez votre souris pour avoir accès aux chiffres)

Hors temps de Covid, les ventes des laboratoires se concentrent principalement sur le traitement des cancers (oncologie), du diabète, des maladies auto-immunes ou respiratoires. A elles quatre, ces aires thérapeutiques concentrent plus de 30% des parts de marché dans le monde.

« Même si on fait les hypothèses les plus optimistes, AstraZeneca augmentera son chiffre d'affaires de 5 ou 6 milliards de dollars (sur 25 milliards actuellement), c'est important mais le top 20 restera le top 20. Sanofi peut se faire prendre des parts de marché mais le Covid ne va pas changer complètement la donne. Il devrait essentiellement se produire un phénomène de bascule avec par exemple AstraZeneca qui va peut-être gagner quelques places dans le classement », affirme Patrick Biecheler, Senior Partner au sein du cabinet Roland Berger à La Tribune.

Preuve en est, le revers de Sanofi sur son vaccin anti-Covid n'a, selon le groupe, pas entamé les résultats du laboratoire. Dopé notamment par la vente de ses actions de la biotech américaine Regeneron, Sanofi revendique en effet avoir gagné 12,3 milliards d'euros de bénéfice net en 2020, en progression de près de 340%. De plus, AbbVie - sixième laboratoire mondial et aujourd'hui presque hors-course pour le vaccin anti-Covid - a réussi de son côté à faire flamber le cours de son action en 2020 de plus de 25% grâce notamment au rachat d'Allergan (fabricant du Botox).

Toutefois, en Bourse, la belle performance d'AbbVie fait figure d'exception. Les laboratoires en retard sur le vaccin comme Sanofi et Merck & Co, accusent une baisse d'intérêt de la part des investisseurs avec une chute de plus de 10% du cours de l'action depuis février 2020. Au contraire, Pfizer - dont le vaccin a été déployé dès le mois de décembre - et Johnson & Johnson - dont le vaccin vient d'être sélectionné par l'Afrique du Sud - voient leurs cours grimper avec une hausse de +5% du prix de leur action sur une année.

Made with Flourish

Les biotech risquent-elles de se faire dévorer par les géants ?

Pour rester compétitives, ces « Big Pharma » comptent depuis plusieurs années sur l'innovation des « Small Pharma », autrement appelées les biotech.

« Avant la fin des années 2010, il y avait une production d'innovation qui se faisait par les académiques, depuis, les start-ups apportent de plus en plus d'innovation. Elles produisent environ deux tiers des médicaments qui sont ensuite commercialisés par les grands groupes », souligne Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques du syndicat pharmaceutique Leem.

« Ces unions ont débuté au moment où les grands laboratoires pharmaceutiques ne pouvaient plus s'appuyer uniquement sur les éléments issus de la chimie (les petites molécules), et devaient s'ouvrir sur le travail des molécules fondées sur le vivant (les grandes molécules) sur lesquelles les biotech travaillent pour développer de nouveaux médicaments », explique de son côté Patrick Biecheler, pour qui « la tentation de rachat est grande mais ce n'est pas un modèle définitif. De nombreuses biotech continuent d'exister et deviennent même plus importantes (BioNTech reste d'ailleurs indépendante) ».

La crise du Covid a mis en exergue les alliances des grands laboratoires avec les start-ups et les universités, à l'image de Pfizer/BioNTech ou encore Oxford/AstraZeneca.

Parmi les géants, seul le Français Sanofi manque à l'appel dans cette course au vaccin.

Le retard français est-il lié à une perte de compétitivité de l'Hexagone ?

Leader entre 1995 et 2004, la France perd en effet de sa superbe en se positionnant quatrième producteur pharmaceutique européen en 2017, selon les derniers chiffres du syndicat Leem. L'Hexagone produit ainsi pour 21,9 milliards d'euros de médicaments sur son territoire, soit moitié moins que la Suisse qui atteint 44,9 milliards. Hors Europe, les Etats-Unis restent largement leader et concentrent à eux seuls près de la moitié du marché pharmaceutique mondial, précise le Leem.

Comment expliquer une telle chute ? Selon Eric Baseilhac, la régulation du marché du médicament a été particulièrement sévère en France. « On perd des parts de marché en recherche à cause de mécanismes bureaucratiques lourds. Il faut plus de temps pour avoir des autorisations en France qu'ailleurs », explique-t-il à La Tribune.

Ce déclassement de l'industrie pharmaceutique française n'explique cependant pas le retard du géant français. « Sanofi est arrivé tard sur le vaccin génétique (l'ARN messager) puisqu'il s'est d'abord concentré sur ce qu'il savait faire, c'est-à-dire un vaccin classique. Est-ce que les Français vont arriver après la bataille pour autant ? Aujourd'hui, il reste encore une place malgré le retard puisque les vaccins existants ne sont pas suffisants. De plus, il est fort probable que de nouveaux virus fassent leur apparition, et c'est impensable que Sanofi - s'il considère avoir loupé le coche la première fois - passe à côté de l'opportunité des vaccins génétiques une deuxième fois », conclut Roland Berger.

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Commentaires 3
à écrit le 15/02/2021 à 15:05
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Comme la monnaie n'est qu'un moyen, ce qui est intéressant, c'est la contrepartie! C'est la fonction "rente" qui domine!

à écrit le 15/02/2021 à 13:01
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sanofi ne fabrique pas le meme type de vaccin, de memoire apres faut comparer ce qui est comparable pour la concentration des voitures c'est encore plus inevitables vu les lois normes contraintes et impots qui leur tombent dessus

à écrit le 15/02/2021 à 11:02
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Le business du déclin par excellence.

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