Accusé d'« inaction climatique », TotalEnergies au tribunal face aux ONG

Le géant de l'énergie se retrouve au tribunal de Paris ce mercredi 31 mai. Une coalition d'ONG et de collectivités dont la ville de Paris, demande à la justice de contraindre TotalEnergies d'aligner sa stratégie climatique sur l'accord de Paris. La décision des juges n'est pas attendue avant 2024 ou même 2025.
(Crédits : Reuters)

TotalEnergies est sous pression. Le groupe se retrouve mercredi face aux militants du climat au tribunal de Paris. Une coalition d'ONG et de collectivités, dont les villes de Paris et de New York, demande en effet à la justice de contraindre le géant pétrogazier à aligner sa stratégie climatique sur l'accord de Paris. Dans l'immédiat, la coalition souhaite que le magistrat d'ordonner à TotalEnergies de « suspendre les projets d'exploration et d'exploitation de nouveaux gisements d'hydrocarbures n'ayant pas fait l'objet d'une décision finale d'investissement », et ce jusqu'au jugement de l'affaire sur le fond.

La décision des juges n'est pas attendue avant 2024 ou même 2025. Toutefois, cette audience sera une des premières occasions de voir ferrailler le groupe français contre la coalition de six ONG (Sherpa, France Nature Environnement,...) et seize collectivités (les villes de Grenoble, Bayonne ou Nanterre, notamment) qui l'accusent d'« inaction climatique ».

Pour justifier l'urgence, la coalition invoque, entre autres, les propos du chef de l'ONU : Antonio Guterres pointait du doigt en janvier ces entreprises qui promeuvent un modèle économique « incompatible avec la survie de l'humanité ». La coalition s'appuie aussi sur l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a jugé nécessaire en 2021 de cesser tout nouveau projet d'exploration d'hydrocarbures pour respecter l'accord de Paris.

Une stratégie climatique défendue lors de l'assemblée générale

En face, les avocats de TotalEnergies plaideront pour contester la recevabilité de l'action judiciaire. Celle-ci remonte à janvier 2020 lorsque la coalition a assigné TotalEnergies pour manquement à « son devoir de vigilance » sur l'impact environnemental de ses activités. Un devoir imposé depuis 2017 par une loi française pionnière sur la responsabilité des entreprises. Pour la coalition, la stratégie climat de TotalEnergies, un des 20 plus gros émetteurs de CO2 au monde, était « clairement insuffisante » au regard de l'accord de Paris.

Elle espère obtenir un équivalent français de l'affaire Shell. En 2021, un tribunal des Pays-Bas, saisi par des ONG, avait condamné le géant pétrolier à accélérer son plan de réduction de gaz à effet de serre. Shell a fait appel. Dans une autre procédure menée en France au nom du « devoir de vigilance », les ONG qui attaquaient TotalEnergies pour son mégaprojet pétrolier Tilenga-Eacop en Ouganda et en Tanzanie, ont été déboutées en février par le tribunal de Paris.

Face aux pressions, le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné a défendu pied-à-pied vendredi dernier sa stratégie climatique, pendant l'assemblée générale du groupe. Les actionnaires de TotalEnergies réunis en assemblée générale ont voté à une majorité de 88,76% la stratégie climat du groupe. Le PDG Patrick Pouyanné a salué « un large soutien » et un « débat de qualité », autour de la stratégie climat du groupe. Celle-ci prévoit plus d'investissement dans les renouvelables et le renforcement des objectifs de réduction des émissions de CO2 de ses opérations.

Une saison d'AG houleuses

Une autre résolution, consultative, émanant de l'organisation d'actionnaires activistes Follow This, a été repoussée. Elle a tout de même recueilli 30,4% des votes, presque le double d'une précédente mouture en 2020. En ciblant ses émissions indirectes (« scope 3 »), celles liées au gaz et au pétrole que les clients consomment, la coalition demandait à TotalEnergies d'aligner ses objectifs de réduction d'émissions sur l'Accord de Paris de 2015, pour limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C par rapport au monde pré-industriel. Parmi les 17 investisseurs activistes de Follow This, qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM et La Financière de l'Échiquier.

Longuement, le PDG a défendu pied à pied le plan climat de son groupe, l'une des cinq majors mondiales avec BP, Shell, ExxonMobil et Chevron. « Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l'électricité », via les énergies renouvelables, a-t-il déclaré, ajoutant qu'il ne peut pour autant réduire dans l'immédiat son activité pétrolière, puisque la demande « au niveau mondial » augmente. « Et si ce n'est pas TotalEnergies qui répond à cette demande, d'autres le feront à notre place"», a-t-il encore dit, répondant aux « grincheux qui nous accusent de greenwashing ».

Cette réunion est arrivée à l'issue d'une saison d'AG houleuses, marquées par des actions militantes contre les grands groupes sur fond de profits faramineux : 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre pour les cinq majors, après une année 2022 faste. Les événements ont fait réagir le gouvernement, la Première ministre Elisabeth Borne estimant que « les militants du climat » étaient « dans leur rôle d'alerter ». La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a, elle, appelé TotalEnergies à « aller plus vite » sur les énergies renouvelables. Elle a ajouté que les entreprises pétro-gazières « doivent se réinventer, sortir des énergies fossiles ». « Il y a peut-être un débat sur le rythme, mais pas sur l'objectif », a répondu le PDG.

Le groupe consacrera un tiers de ses investissements aux énergies bas carbone dans la décennie, mais il reste encore associé au pétrole et bientôt encore plus au gaz, sa priorité, à travers des projets en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l'oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatique de la lutte anti-pétrole. Cette polémique s'ajoute à d'autres pour la major, critiquée pour le montant de ses impôts versés en France ou le salaire de son patron. Une hausse globale de 10% de la rémunération du PDG pour 2023 a d'ailleurs été adoptée par l'AG à une écrasante majorité.

(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 31/05/2023 à 14:51
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Pour atteindre les objectifs, je commencerais par couper 100% de la distribution de carburants sur Paris et sa région, Grenoble et sa région etc ( y compris pour laratp et les bus de Grenoble c'est les premiers consommateurs locaux). Ca mettrai ...

le 31/05/2023 à 15:21
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Il faudrait couper l'approvisionnement en carburant des grandes villes dirigées par les écolos et apparentés: Paris Lyon, Bordeaux, Grenoble.....Cela mettrait les écologistes devant les problèmes de la vie réelle et non devant ce que raconte leur pet...

à écrit le 31/05/2023 à 11:21
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A l'impossible, nul n'est tenu

à écrit le 31/05/2023 à 9:12
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Mais pourquoi les ONG ne s'attaquent-elles pas ou pas autant aux autres Majors du secteur ? Parce qu'elles sont protégées par leur gouvernement ? Parce que les journalistes français ne savent pas faire la part des choses et cherchent davantage le buz...

à écrit le 31/05/2023 à 8:36
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C'est une bonne idée, de secouer c'est stalactites financiers est indispensable si on veut enfin qu'ils reprennent vie mais ça oblige par contre l'état français à user du protectionnisme pour la protéger à l'internationale des autres compagnies pétro...

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