Biogaz : comment la filière française veut décupler la production d’ici à 2030

Alors que la France traverse, comme de nombreux pays, une crise de l'énergie sans précédent, la filière gazière veut tirer son épingle du jeu en misant davantage sur le biogaz. France gaz entend ainsi faire passer la production issue des gaz renouvelables d'environ 9 térawattheures (TWh) actuellement à 80 à l'horizon 2030. Reste à surmonter les questions d'acceptabilité quant au déploiement des méthaniseurs dans les campagnes.
Juliette Raynal
(Crédits : Noxmox - Fotolia.com)

En France, la filière gazière veut profiter de la crise énergétique pour faire un pas de géant dans les gaz renouvelables. A l'horizon 2030, l'Association française du gaz (désormais rebaptisée France gaz) vise 80 térawattheures (TWh) issus de la production de biogaz, contre un peu plus de 9 TWh aujourd'hui. C'est ce qu'a dévoilé jeudi 12 janvier son président Jean-Marc Leroy.

A la lumière du nouveau contexte énergétique, le biogaz présente, en effet, trois grands avantages : sa production locale contribue à l'indépendance énergétique du pays, son prix (environ 100 euros le mégawattheure) tend à devenir compétitif face au gaz naturel dont le cours demeure élevé malgré la chute récente sur les marchés, et sa stabilité offre une visibilité précieuse pour les entreprises. Signe que le marché est porteur, TotalEnergies vient d'annoncer la mise en service dans les Pyrénées-Atlantiques de la plus grande unité de biogaz de France« Le gaz de demain ne sera plus importé ni fossile, mais local et vert », a promis Jean-Marc Leroy.

20% de la consommation de gaz en 2030

Dans le détails, en 2030, la production de biométhane fabriqué à partir de matières agricoles devrait représenter 50 TWh. La filière table également sur 10 TWh de biogaz fabriqué à partir de déchets solides ou liquides. Ces 60 TWh de gaz renouvelables seraient alors injectés dans les réseaux de gaz. A cette production, s'ajoutent les gaz renouvelables dits hors réseaux : le biométhane dédié à la production électrique ou de chaleur, l'hydrogène vert et bas carbone mais aussi le biobutane et le biopropane, principalement utilisés dans les campagnes. « C'est un potentiel qui dépasse les 80 TWh », a calculé grossièrement Jean-Marc Leroy.

Dès l'année prochaine, la filière entend ajouter 5 TWh de plus, soit environ 250 méthaniseurs supplémentaires pour atteindre une production de 15 TWh. « Aujourd'hui, un nouveau méthaniseur est mis en service tous les deux jours en France », fait valoir Thierry Chapuis, directeur général de l'association de professionnels.

Alors que l'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie fixe à 10% la part des gaz renouvelables dans la consommation totale de gaz en 2030, les professionnels du secteur souhaitent porter cette part à 20%, alors même que ces gaz verts ne représentent que 2% de la consommation aujourd'hui. « Nous sommes extrêmement confiants sur le fait que cette ambition est atteignable et réaliste », a affirmé Jean-Marc Leroy.

De nouveaux leviers réglementaires

Pour accélérer, la filière du biogaz, qui s'est longtemps sentie oubliée, table sur plusieurs leviers : d'abord sur la revalorisation des tarifs garantis d'achat et leur indexation sur l'inflation pour les petites unités de production prévues dans la loi d'accélération des énergies renouvelables. Le texte législatif, qui doit bientôt passer en Commission mixte paritaire, vise également à simplifier les démarches administratives afin de réduire les délais de mise en œuvre.

Il prévoit aussi la possibilité pour les grands consommateurs de nouer des contrats d'approvisionnement directement auprès des producteurs de biométhane à l'image des PPA (Power purchase agreement) dans les énergies renouvelables électriques. Le premier contrat de ce genre n'a pas encore été signé, mais les industriels manifestent un intérêt grandissant pour ce type d'outil, affirme l'association. La filière mise enfin sur les certificats de production de biogaz qui obligeront les fournisseurs à intégrer une certaine dose de biogaz dans leur offre. Un décret en ce sens est attendu très prochainement.

Un modèle de proximité plus propice à l'acceptabilité ?

Reste à surmonter les questions d'acceptabilité. Une forte croissance de production de biométhane se traduira nécessairement par le déploiement d'une multitude de méthaniseurs dans les campagnes. En effet, contrairement au Danemark, la France a fait le choix de privilégier des unités de production de taille modeste qui s'intègrent aux activités agricoles existantes.« Il ne s'agit pas de créer des usines à la campagne, pointe le président de l'association. Le modèle qu'on revendique est un complément d'activité pour les agriculteurs et non une activité à part entière. Il ne peut pas y avoir des cultures dédiées. »

Cette approche doit favoriser l'acceptabilité des méthaniseurs. L'objectif est d'éviter l'opposition à laquelle doivent faire face les énergies renouvelables électriques, et particulièrement les éoliennes. Sur ce point, l'association France gaz se montre aussi très confiante. Elle s'appuie sur un sondage réalisé par l'institut Ifop en décembre dernier : 85% des Français interrogés ont répondu qu'ils seraient favorables au développement d'installation de production de gaz renouvelables dans leur région. Reste que la région demeure une échelle très large. Le pourcentage aurait-il été aussi élevé si la zone de référence était la commune ?

Juliette Raynal

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Commentaires 8
à écrit le 13/01/2023 à 23:52
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La FRANCE est devenue le pays du comment on va.... A défaut de faire réellement quelque chose.

à écrit le 13/01/2023 à 16:14
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Faire et produire pour des centrales biogaz est un non sens économique et écologique. Le bio gaz ou la métanisation fonctionne mais elle doit rester limité, il ne faut surtout pas produire pour alimenter ces installations. Sinon le remède sera pir...

le 14/01/2023 à 10:47
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Pire les digestats (résidus) sont épandus et de nature à polluer les nappes phréatiques par des bactéries pathogènes. Cette production pourrait devenir acceptable en adoptant comme principe le zéro rejet dans l'environnement.

à écrit le 13/01/2023 à 14:53
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Une fois de plus, la France est en retard par rapport à nos voisins. Par exemple, les 9500 installations de biogaz en Allemagne, principalement situées dans les fermes,produisent aujourd’hui l’équivalent de 10 milliards de mètres cubes de biométhane,...

à écrit le 13/01/2023 à 13:48
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C'est le moment, les pays voisins le font depuis 30-40 ans.

à écrit le 13/01/2023 à 13:42
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Rassurez vous, ce n est qu un souhait. De la , a le realiser, ça va pas etre facile. Le lobby nucleaire veille au grain.

le 15/01/2023 à 15:10
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Si le nucléaire pouvait éviter au monde paysan de tomber dans les mains de l'industrie du méthane, on aura gagné quelque chose et je vote des deux mains. On est déjà dans une situation où les méthaniseurs ont mis la main sur des cultures entièrement ...

à écrit le 13/01/2023 à 13:38
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J'avais trouvé 2 références de biogaz sur le web, mais la production étant limitée on ne peut pas être client (comme un producteur éolien ne peut vendre plus qu'il ne produit, il lui faut augmenter le nombre de machines pour produire plus), le kWh ét...

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