Bouygues Construction et Suez se rapprochent sur le marché de la ville durable

Les deux grands du BTP et des services à l’environnement vont travailler ensemble à l’élaboration de solutions innovantes répondant aux enjeux de villes toujours plus peuplées et astreintes à plus de sobriété dans leur utilisation des ressources.
Dominique Pialot
Les villes ont de fortes attentes concernant la gestion des chantiers

La ville durable, intelligente, verte, connectée... sous des vocables qui évoluent au fil des modes et surtout des enjeux que rencontrent les métropoles du monde entier, cela fait une bonne dizaine d'années que le sujet est sur toutes les lèvres. Celles des équipes municipales comme celles des chefs d'entreprises de service, dans des secteurs aussi variés que l'énergie, la mobilité, l'habitat, l'eau, les déchets, etc.

Mais le marché demeure difficile à cerner.

« La problématique de la ville durable est devant nous, affirme ainsi Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez ; c'est un marché en devenir, dont le potentiel est difficile à estimer précisément. »

Elle est en outre protéiforme :

« Les priorités en matière de « ville durable » diffèrent d'une ville à une autre : la sécurité à Mexico, la consommation d'eau à Singapour, la mobilité à Paris, la pollution en Chine, etc. », ajoute-t-il.

Des projets urbains toujours plus complexes

Une chose est certaine, elle nécessite plus que jamais d'unir ses compétences pour répondre aux attentes des municipalités.

« Il devient fondamental de nouer des partenariats face à des grands projets urbains de plus en plus complexes, pour lesquels une seule entreprise ne peut posséder toutes les compétences », reconnaît ainsi Marie-Luce Godinot, directrice Innovation et Développement durable de Bouygues Construction.

Les deux entreprises viennent de nouer un partenariat mondial non exclusif d'une durée initiale de trois ans pour co-concevoir et développer des solutions innovantes dans le domaine de la gestion des ressources, de la construction durable et de l'économie circulaire.

Il vient couronner plusieurs projets menés en commun dans le champ de la ville durable et de l'économie circulaire, notamment en matière sécurité sur les chantiers ou encore de gestion des déblais de chantier autour de la gare du Fort d'Issy-Vanves-Clamart dans le cadre du Grand Paris Express. « Travailler ensemble et en amont nous permet d'améliorer le taux de revalorisation et de réduire les rotations de camions », précise Marie-Luce Godinot.

Une compétence qui répond aux attentes des villes en matière de gestion des chantiers, qui se sont beaucoup accrues ces dernières années.

« Un tel partenariat permet d'être efficace et pertinent en évitant de devoir repartir de la feuille blanche à chaque fois », affirme Marie-Luce Godinot.

La sobriété, un objectif compliqué pour les villes

Au-delà de cette problématique, qui englobe la valorisation des déchets et matériaux recyclés et le développement de solutions logistiques sur les chantiers, la collaboration portera également sur le traitement et la gestion de l'eau, des solutions décentralisées sur la ville et les éco-quartiers ou encore la mise en place de boucles de ressources locales.

« Les villes vont devoir modifier leur rapport à la ressource, quelle qu'elle soit, anticipe Jean-Louis Chaussade, dont le groupe se veut le chantre de la « ville-ressource ». Les campagnes n'accepteront  plus d'être de simples fournisseurs des villes qui consomment les ressources produites dans les campagnes. » C'est bien cette voie que  s'efforcent d'emprunter depuis quelques années les grandes métropoles, conscientes que ces enjeux vont aller croissant avec la poursuite d'une urbanisation galopante. En 2030 en effet, on anticipe que 60% des 9 milliards d'habitants de la planète vivront en milieu urbain, notamment dans une quarantaine de mégapoles comptant plus de 10 millions d'habitants.

« Mais c'est très compliqué, comme l'illustrent les débats de mobilité à Paris, observe Jean-Louis Chaussade. Ce sont des opérations de très long terme qui se heurtent au court terme. »

Le partenariat vaut aussi bien pour le marché français qu'à l'international.

« Nous souhaitons remporter un ou deux grands succès en France qui puissent servir de vitrine pour aborder les marchés étrangers de concert », explique Jean-Louis Chaussade.

Ces acteurs historiques de la ville que sont les entreprises de construction et de services à l'environnement - comme celles de l'énergie ou de la mobilité urbaine - ont noué de longues dates des relations privilégiées avec les municipalités. Mais elles voient apparaître depuis peu de nouveaux entrants, bien décidés à prendre leur part de ce gâteau de la ville durable qui ne cesse de gonfler.

Les nouveaux entrants du big data

À l'heure du big data, les spécialistes de la donnée tels que IBM, Cisco ou Google, qui vient d'obtenir l'autorisation de la municipalité de San Jose (Californie) d'y construire un Google City, investissent le créneau. Elles se font fort d'exploiter les quantités gigantesques de données collectées par les villes et leurs délégataires, pour fournir aux équipes municipales des tableaux de bord et des centres de pilotages intégrés. Dans le même temps, conformément à leurs obligations en matière d'open data, les villes mettent désormais ces données anonymisées à disposition de tous, aussi bien leurs administrés que les startups désireuses de les utiliser pour élaborer des solutions - souvent des applications -visant à améliorer le quotidien des citadins.

« Nous savons mieux que personne comment exploiter au mieux nos propres données, réagit Jean-Louis Chaussade. Mais l'intérêt du big data provient également de l'interaction entre nos données et celles d'autres métiers, reconnaît-il. Pour les villes de demain, il sera nécessaire de mettre l'ensemble des données de tous les services sur une plateforme commune. »

Habituées à s'unir ponctuellement au sein de consortiums dans le cadre de projets pilotes tels que les démonstrateurs de la ville durable, les entreprises en sont encore à leurs balbutiements concernant des approches plus systématiques. Veolia a néanmoins conclu fin 2014 un partenariat avec IBM concernant la gestion des énergies en ville.

« C'est la première fois que nous  développons ce type de partenariat avec un constructeur, remarque Jean-Louis Chaussade. C'est pourquoi nous conservons une grande liberté et avons fixé une durée (3 ans). L'idée est de faire preuve à la fois de volonté et de souplesse. »

Dominique Pialot

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