Bertrand Camus (Suez) : "Il n'y a pas de dialogue avec Veolia"

"Aucune des questions fondamentales posées par Suez n'a trouvé de réponse concrète", estime son DG. Conforté par des résultats meilleurs qu'attendu malgré la crise au troisième trimestre 2020, le groupe poursuit sa stratégie, et nomme deux nouveaux membres dans son conseil d'administration.
Giulietta Gamberini
Veolia, qui est devenu le premier actionnaire de Suez, reste en effet aussi et avant tout son principal concurrent, rappelle le DG.
Veolia, qui est devenu le premier actionnaire de Suez, reste en effet aussi et avant tout son principal concurrent, rappelle le DG. (Crédits : Reuters)

Les appels à la recherche d'un accord amiable, répétés par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire même après la cession des parts d'Engie à Veolia, et la confiance exprimée par le PDG de l'acquéreur Antoine Frérot sur ses capacités de persuasion une fois devenu le premier actionnaire de Suez, n'ont rien changé. Plus de trois semaines après la réunion du conseil d'administration d'Engie qui a approuvé l'opération, l'hostilité entre Suez et Veolia reste intacte.

"Il n'y a pas de dialogue sous quelque forme que ce soit avec Veolia, car aucune des conditions normales à un dialogue est aujourd'hui réunie", a en effet déclaré mercredi, lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes, le directeur général de Suez, Bertrand Camus.

"Aucune des questions fondamentales que nous avons inlassablement posées depuis le lancement de cette opération (le 30 août, lorsque Veolia a annoncé son intention d'acquérir Suez, NDLR) n'a trouvé de réponse concrète", a-t-il expliqué.

Des intentions toujours "floues" aux yeux de Suez

"Aujourd'hui il n'y a pas d'offre précise, structurée, engageante pour nos actionnaires (...). La pertinence du projet industriel n'est pas démontrée (...). Le maintien de la concurrence en France, dans l'eau mais aussi dans les déchets, n'est pas assuré. L'impact sur les activités à l'international n'est pas évalué. (...) Les conséquences sur l'emploi ont été balayées d'un revers de la main, sans qu'aucun engagement concret ait été pris sur ce sujet", estime en effet le DG de Suez.

Lire: "On assiste à une inquiétante accélération du démantèlement de Suez par lui-même" (Estelle Brachlianoff, Veolia)

Suez se retrouve donc "dans la même posture qu'au début septembre face au flou des intentions de Veolia", analyse Bertrand Camus, qui justifie ainsi au nom de la nécessité de protéger ses parties prenantes les actions défensives adoptées par le groupe, notamment la création d'une fondation de droit néerlandais garantissant l'inaliénabilité de sa branche Suez Eau France. Veolia, qui est devenu le premier actionnaire de Suez, reste en effet aussi et avant tout son principal concurrent, rappelle le DG. Et alors que la crise sanitaire s'aggrave en France, sans d'ailleurs avoir jamais cessé dans l'ensemble de pays où le groupe est présent, Bertrand Camus insiste sur "le moment très surprenant choisi par Veolia pour mener cette opération", aucunement prioritaire à son sens par rapport aux défis auxquels sont confrontés les services essentiels et l'économie.

Lire: Pourquoi la fondation créée par Suez reste le casse-tête principal de Veolia

Une dynamique commerciale confortante

Suez reste alors déterminé à "assurer son leadership et à offrir à la France deux champions", notamment en créant de la valeur et en poursuivant sa stratégie Shaping Suez 2030, affirme Bertrand Camus. Un "devoir en période de crise sanitaire et économique", et un objectif conforté à son sens par les résultats financiers du troisième trimestre, présentés lors de la même conférence.

Malgré la conjoncture, le chiffre d'affaires de Suez s'est en effet maintenu stable par rapport au troisième trimestre 2019, à +0,4% en organique, et l'endettement net a reculé de près 3%. Le bénéfice opérationnel (Ebit) a pour sa part baissé de 9,4%, mais le groupe a confirmé ses objectifs pour le second semestre. Ces chiffres, meilleurs qu'attendu, témoignent "non seulement de la dynamique commerciale du groupe et de l'exécution efficace de son plan stratégique, mais aussi de la formidable mobilisation des équipes", estime le DG. Plus d'un milliard d'euros de contrats ont été enregistrés depuis le début de l'année, en misant sur l'innovation technologique et contractuelle, a-t-il détaillé.

Des acquisitions bientôt lancées

Suez, qui a déjà réalisé la moitié des 4 milliards de cessions annoncées depuis l'automne 2019, "avec des niveaux de valorisation significativement supérieurs aux objectifs", compte donc poursuivre dans la mise en oeuvre de la rotation d'actifs prévue dans son plan stratégique. Le groupe affirme notamment rentrer dans la phase suivante, celle des acquisitions poursuivant son renforcement dans les secteurs à forte valeur ajoutée identifiés comme prioritaires, notamment à fort contenu technologique. Ces acquisitions seront lancées avant la fin du premier trimestre 2021, a précisé Bertrand Camus.

Suez affirme également être sur la bonne voie pour réaliser 1,2 milliard d'euros d'économies en 2023, dont 900 millions dès 2022. Le groupe promet également d'amplifier la part de son actionnariat salarié dans les deux prochaines années, de 4% du capital à 8-9%.

Un conseil d'administration renouvelé

Pour mener à bien cette stratégie, mais aussi pour "garantir le traitement équitable de tous les actionnaires" et pour défendre les "intérêts de la société et de sa stratégie" dans le contexte du projet de fusion de Veolia, Suez a également annoncé mercredi l'arrivée de deux nouveaux administrateurs dans son conseil d'administration: Bertrand Meunier, président du conseil d'administration d'Atos, et Jacques Richier, PDG d'Allianz France. Ils viennent remplacer deux administrateurs sortants: Francesco Caltagirone, à la tête du groupe italien Caltagirone, qui a vendu sa participation dans Suez à la fin de la période d'incessibilité, et -"pour des raisons personnelles"- Isidro Fainé Casas, président de Criteria Caixa, laquelle reste néanmoins actionnaire majoritaire de Suez.

Quant aux actionnaires ayant manifesté leur mécontentement face à l'opposition de Suez à l'offre de Veolia, Bertrand Camus assure en revanche maintenir le dialogue, le conseil d'administration répondant de manière détaillée à leurs courriers. Les échanges devraient même s'intensifier dans les prochains jours, à l'occasion des discussions autour des résultats trimestriels. Mais si ces actionnaires devaient demander une assemblée générale extraordinaire, avant celle ordinaire prévue au printemps, la question serait évaluée "au cas par cas".

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