Déchets ménagers : l'intelligence artificielle à la rescousse du recyclage

Depuis juin, Veolia teste à Amiens le potentiel de l'intelligence artificielle dans le tri des déchets ménagers. Encore inexplorée à l'échelle européenne, cette application pourrait permettre aux recycleurs de relever plusieurs défis : quantité, qualité et prix.
Giulietta Gamberini
Veolia, dont quelque 200 chercheurs sont mobilisés sur l'intelligence artificielle depuis cinq ans, travaille sur la reconnaissance et sur la courbe d'apprentissage du robot, afin de lui transmettre ses connaissances techniques.
Veolia, dont quelque 200 chercheurs sont mobilisés sur l'intelligence artificielle depuis cinq ans, travaille "sur la reconnaissance et sur la courbe d'apprentissage du robot, afin de lui transmettre ses connaissances techniques". (Crédits : DR)

Présentée par certains comme le futur incontournable de l'industrie, redoutée par d'autres pour ses effets potentiels sur les emplois, l'intelligence artificielle connaît depuis juin une nouvelle application en France. Dans un centre de tri situé à quelques kilomètres d'Amiens, où transitent chaque année 22.000 tonnes de matières valorisables provenant de la métropole comme d'autres collectivités de la Somme, Veolia en teste le potentiel dans le recyclage des déchets ménagers, jusqu'à présent inexploré à l'échelle européenne.

Le groupe y a notamment installé Max-AI, un robot intelligent construit par la société américaine BHS, auquel il a confié la mission d'éliminer les déchets indésirables dans un flux de papiers et cartons. Doté d'une camera lui permettant de "voir" les produits qui transitent sur le tapis roulant, et d'un "cerveau" transmettant des consignes à un bras articulé, Max est capable de faire le travail des opérateurs de tri, mais plus vite (36.000 pics par heure, contre 22.000 par des humains), mieux et de surcroît sans aucun risque pour sa "santé". Or, dans le secteur du tri des déchets ménagers, de telles performances peuvent permettre à Veolia de mieux faire face à des défis très particuliers, explique Bernard Harambillet, directeur général du recyclage et de la valorisation des déchets en France.

Plus de qualité et de quantités

Le premier est celui du durcissement par la Chine des exigences concernant les matières premières secondaires importées dans le pays qui, depuis janvier, a bousculé le marché mondial et imposé aux recycleurs occidentaux de hausser leurs standards de qualité. Une amélioration qui doit néanmoins être réalisée sans augmenter les prix, non seulement parce que les collectivités clientes sont aujourd'hui plutôt en recherche d'économies, mais aussi car la décision chinoise a déclenché une baisse des cours des matières premières recyclées, précise Bernard Harambillet.

L'autre défi que l'intelligence artificielle permet de relever est l'augmentation sensible des déchets à trier imposée par la réglementation française dans les années à venir. La loi de transition énergétique vise, en effet, à réduire de 50% la quantité de déchets mis en décharge en 2025 par rapport aux quantités de 2010. Elle prévoit également l'extension des consignes de tri à l'ensemble des emballages en plastique sur le territoire national d'ici 2022. Sans compter que l'objectif affiché par Emmanuel Macron depuis sa campagne présidentielle est d'atteindre 100% de plastique recyclé en 2025 (à partir du 25% d'aujourd'hui). C'est d'ailleurs en raison de ces flux croissants que Max-AI, bien que plus productifs que les humains, ne devrait pas leur voler d'emplois selon Veolia :

"Au contraire, il sécurise nos marchés", plaide Bernard Harambillet, tout en reconnaissant un changement de la nature du travail. "Moins d'employés trieront et plus de salariés seront affectés au contrôle de qualité".

La modernisation des centres de tri, entreprise par celui d'Amiens depuis 2013 - de propriété de Veolia -, va d'ailleurs de pair avec cette augmentation des quantités, notamment de plastique.

Apprentissage permanent

Non encore réceptionné, Max est toutefois toujours en train d'apprendre. Aux États-Unis, son travail était en effet différent de celui qui lui est confié en France, puisqu'il travaillait sur un flux de déchets industriels. Et de toute façon, les emballages français et américains ne sont pas pareils. Il commet donc encore 10% d'erreurs qu'un opérateur doit corriger, et il n'est pas aussi rapide qu'il le pourrait.

Veolia, dont quelque 200 chercheurs sont mobilisés sur l'intelligence artificielle depuis cinq ans, travaille donc "sur la reconnaissance et sur la courbe d'apprentissage du robot afin de lui transmettre ses connaissances techniques", explique Anne Thevenot, directrice tri et performance pour le recyclage en France. Il s'agit tout d'abord d'optimiser le système de vision du robot afin de rendre les images qu'il enregistre plus faciles à interpréter, puis d'enrichir (tout en en simplifiant les modes d'alimentation) la base de données nourrissant l'algorithme, où un label est associé à chaque type de déchet.

Mais il est également question de développer un outil permettant une caractérisation en continu des flux entrants et sortants de produits, indispensable afin d'évaluer (et monétariser) les performances du centre de tri - aujourd'hui réalisée par échantillons -, ainsi que d'explorer des options mécaniques alternatives au bras articulé, précise Dorothée Lenes, directrice recherche et innovation dans le recyclage. Un deuxième Max-AI a d'ailleurs été acheté par Veolia pour son centre de recherche à Mantes-la-Ville.

"Cette adaptation coûte plus que l'achat du robot", souligne l'entreprise, sans pour autant fournir de chiffres.

Des limites propres aux machines

L'horizon de cette recherche appliquée est notamment 2020, lorsque deux nouveaux robots devront être opérationnels dans la séparation des diverses résines de plastique à Nantes, où cette innovation a aidé Veolia à remporter un appel d'offres incluant la construction d'un nouveau centre de tri. Mais comme pour les humains, face à l'évolution perpétuelle des déchets, l'apprentissage de Max sera sans doute permanent. Aussi, il sera inévitablement confronté à une limite propre aux seules machines : la reconnaissance du nombre infini objets qui dans une poubelle réservée aux emballages n'ont rien à faire. À terme, un homme ou une femme à son côté resteront donc indispensables.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 11/10/2018 à 11:43
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bonne nouvelle pour la prévention des risques professionnels de tri des déchets qui sont nombreux et le tonnage de déchets à traiter est en constante augmentation ! : http://www.officiel-prevention.com/environnement-pollution/gestion-des-dechets-stoc...

à écrit le 11/10/2018 à 10:54
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Quelle intelligence artificielle svp ? Vous allez pas tomber vous aussi dans la déformation sémantique ? Vous validez le langage marchand alors que "le commerce est l'école de la tromperie." Nicolas Machiavel. Ce n'est pas raisonnable.

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