Efficacité énergétique : le bâtiment sur la piste de l’aviation

Comme les compagnies aériennes, qui font tout pour maximiser le remplissage des avions et minimiser le temps passé au sol, les « bâtiments hybrides à économie positive » imaginés par Bouygues doivent permettre de transformer ceux-ci de centres de coûts en centres de profits.
Dominique Pialot
Maximiser l'occupation des bâtiments pour en améliorer la rentabilité.

La rénovation énergétique des bâtiments est le chantier de la transition énergétique sur lequel le candidat Macron s'est montré le plus ambitieux. Concernant le bâtiment (qui engloutit plus de 40% de l'énergie consommée en France), son programme prévoit en effet un plan de rénovation d'un million de logements d'ici à 2022, soutenu par des audits énergétiques gratuits pour les ménages en précarité énergétique et un crédit d'impôt révisé évitant aux ménages les plus modestes d'avancer le montant des travaux. A son programme également : un plan de rénovation des bâtiments publics assorti d'une enveloppe de 4 milliards d'euros.

« Sur le plan technologique, on sait parfaitement faire des bâtiments à énergie positive (BEPOS) », rappelle Fabrice Bonnifet, directeur du développement durable du groupe Bouygues. D'ailleurs, la loi exige que tous les bâtiments neufs le soient à compter de 2020. Le modèle économique de tous les BEPOS aujourd'hui repose sur l'autoconsommation de l'électricité produite par les panneaux solaires installés sur leur toit et la revente à leurs voisins. Mais cela ne représente encore que 200 chantiers sur les quelque 30.000 menés par Bouygues. Le décret « autoconsommation », qui vient d'être publié au Journal officiel, était attendu depuis 2014... En dépit d'améliorations significatives des performances, les temps de retour sur investissements demeurent trop longs aux yeux des investisseurs individuels, surtout en période d'énergie peu chère.

Bâtiments tertiaires occupés à 30% de leurs capacités

« La vraie rupture se situe dans un changement de comportements et de modèle économique », affirme Fabrice Bonnifet.

Avec la numérisation de la société et les nouvelles possibilités de travail à distance qu'elle permet, les bâtiments tertiaires ne sont plus utilisés qu'à 30 ou 40% de leurs capacités. Certaines catégories de bâtiments sont encore plus sous-utilisées ; c'est le cas des structures « saisonnières » telles que les écoles, mais aussi des bâtiments publics à horaires fixes tels que les mairies, les musées, les théâtres...

Or, de la même façon qu'un avion rentable est un avion rempli et en vol, un bâtiment rentable est un bâtiment utilisé quasiment sans interruption. Ce qui implique qu'il puisse être occupé par différentes populations à différents moments de la journée ou de l'année. Précurseurs de cette mutualisation, les parkings de bureaux qui se vident en fin de journée et sont mis à disposition des riverains. La startup spécialisée  Zenpark a noué un partenariat avec l'UMIH (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie) pour promouvoir le parking partagé automatisé auprès des hôtels. Elle pourrait faire de même avec les restaurants situés à proximité des immeubles tertiaires.

Mutualiser les infrastructures et les flux physiques

L'idée du « bâtiment hybride à économie positive » (BHEP) est d'élargir cette mutualisation à l'ensemble du bâtiment, ses mètres carrés, mais aussi l'énergie qu'il produit à partir des panneaux solaires installés sur son toit ou encore la chaleur qu'il dégage (notamment dans le cas des data centers).

L'occupation des mêmes espaces par différentes populations dans le temps est facilitée si elle a été prévue dès la conception du bâtiment. Dans le neuf, la multiplicité des usages est autorisée à condition que le bâtiment soit aux normes, par exemple pour accueillir du public dans le cadre de spectacles. Dans tous les cas, elle requiert l'animation d'une communauté d'utilisateurs, parmi lesquels des utilisateurs principaux et des utilisateurs secondaires. Surtout, grâce à ces mutualisations, le bâtiment devient un centre de profits.

Les revenus peuvent provenir de trois sources principales : la location d'infrastructures (à des tarifs variables selon les horaires en fonction de l'offre et la demande conformément à la méthode  du « yield management »), les économies réalisées par la mutualisation de flux physiques tels que l'eau, l'énergie ou la chaleur, et enfin la mise à disposition d'espaces destinés à des commerces éphémères (location de véhicules, coiffeurs ou autres services) assurés d'être exposés à des flux de clients potentiels plus importants que dans un bâtiment aux horaires d'occupation limités.

« La réticence aux changements d'habitudes constitue le frein principal, reconnaît Fabrice Bonnifet. Mais la rentabilité du concept est un argument important. » Surtout, il mise sur la génération des millennials, nés entre 1980 et 2000, nettement moins attachés à la propriété et aux signes statutaires de pouvoir, et plus nomades que leurs aînés, pour faire sortir les BHEP des cartons.

Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 16/05/2017 à 11:57
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L'autoconsommation est soutenue par l'État, en attestent les derniers textes adoptés ; il s'agit d'un pas concret vers l'avant. Pour soutenir la transition énergétique, il faudrait encourager les particuliers à renover leur habitat... Passage à l'act...

à écrit le 15/05/2017 à 22:07
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ZenPark propose de partager les parkings... ce qui serait inutile, si l'on cessait de différentier zones d'habitation et zones d'activités tertiaire !!! Si les gens pouvaient habiter près de leur travail, il y aurait beaucoup moins de trajet, et don...

à écrit le 15/05/2017 à 22:07
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ZenPark propose de partager les parkings... ce qui serait inutile, si l'on cessait de différentier zones d'habitation et zones d'activités tertiaire !!! Si les gens pouvaient habiter près de leur travail, il y aurait beaucoup moins de trajet, et don...

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