
S'il est bon de se fixer des objectifs, encore faut-il les tenir. En matière d'énergies renouvelables (ENR), l'État n'y est pas selon l'association « Énergies renouvelables pour tous ». C'est la raison pour laquelle ce collectif composé d'experts, scientifiques et juristes a annoncé le dépôt d'un recours au Conseil d'État pour contraindre le gouvernement et les pouvoirs publics à respecter les objectifs fixés dans leur développement.
Le recours a été déposé mercredi soir, a indiqué à la presse Corinne Lepage, avocate de l'association. Il vise le gouvernement, mais tout « autant » les parlementaires. En termes de calendrier, l'avocate escompte un mémoire de l'État dans les six mois, avant une audience d'ici la fin 2024.
Manque de moyens
Cette association a été créée au printemps 2023 pour « défendre les énergies vertes comme moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre » et répondre aux besoins électriques, avec la volonté aussi « de démonter la désinformation » qui les entourent, a expliqué ce jeudi Stéphane His, consultant passé par l'IFPEN et Technip.
Dénonçant un manque de moyens déployés par l'État pour permettre un essor massif de ces énergies, l'association lui enjoint à « prendre toutes mesures utiles permettant à la France d'assurer la compatibilité de la trajectoire du développement des énergies renouvelables ».
Elle lui demande en particulier d'atteindre « l'objectif de 42,5% d'ENR dans la consommation énergétique globale, conformément à l'accord du conseil de l'Union européenne du 30 mars ». Cet accord inclut d'ailleurs l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire dans l'atteinte des objectifs de décarbonation de l'Europe, une mesure réclamée notamment par la France et qui faisaient divergence au sein des membres de l'UE.
« Il faut que le gouvernement ait l'épée dans les reins pour tenir les objectifs », a estimé l'ancienne ministre de l'Environnement, qui représente aussi la commune de Grande-Synthe (Nord) dans sa procédure contre l'État pour « inaction climatique ».
La France, mauvaise élève des renouvelables
La France a été en 2020 le seul pays de l'UE à manquer ses objectifs dans les renouvelables : 19% de sa consommation d'énergie finale provient des ENR au lieu des 23% prévus. Cela devrait lui coûter quelque 500 millions d'euros. Elle en était à 20,7% en 2022. Loin des 63% de la Suède, mais mieux que les 13% des pays comme le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas ou encore l'Irlande.
Pour la suite, « les projections actuelles sont unanimement éloignées des objectifs », que ce soit des 33% prévus pour 2030, ou a fortiori de ceux qui devront être révisés pour s'aligner sur les ambitions européennes (42,5%, voire 45% pour les plus volontaires), souligne l'association.
Au moment où la stratégie énergétique du pays doit être révisée, le recours veut faire « pression pour que les copies soient revues à la hausse tant que c'est possible », souligne Corinne Lepage. Le collectif juge d'ailleurs insuffisante la récente « loi d'accélération des renouvelables ». Ce texte doit permettre à la France de rattraper son retard dans l'installation d'infrastructures d'énergies renouvelables sur son territoire, en simplifiant les procédures de lancement des chantiers. Et ainsi, se rapprocher des objectifs fixés par Emmanuel Macron pour 2050 : multiplier par dix la capacité de production d'énergie solaire pour dépasser les 100 GW et déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW.
L'Europe, la région du monde qui se réchauffe le plus vite
Preuve de l'urgence, le gouvernement s'attend à un réchauffement de +4°C en France d'ici à la fin du siècle, contre environ +2°C maximum prévus jusqu'ici. Un scénario catastrophe, mais « réaliste ». L'État a ainsi lancé une consultation publique afin de définir une trajectoire nationale d'adaptation au réchauffement climatique.
L'année 2022 a d'ailleurs été la plus chaude jamais enregistrée pour la France, mais aussi pour la Belgique, l'Allemagne, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal, l'Espagne, la Suisse et le Royaume-Uni. Au total, l'Europe a connu une année 2022 plus chaude de 2,3 degrés que le climat de la fin du XIXe siècle, ce qui en fait « la région du monde qui se réchauffe le plus rapidement », d'après le professeur Petteri Taalas, secrétaire général de l'Organisation météorologique mondiale (OMM).
(Avec AFP)
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