
La question climatique a largement occupé les débats lors de l'assemblée générale d'Engie, qui se tenait, ce mercredi 26 avril, à la Cité de la science et de l'industrie, à Paris. Seize actionnaires minoritaires représentant 1,9% du capital de l'énergéticien avaient déposé une résolution réclamant à Engie de pouvoir mieux évaluer sa stratégie climat. Mais le groupe, qui compte l'Etat français à son capital (23,64%) avait appelé à voter contre. Sans surprise, la résolution n'a pas été approuvée (66% de votes étaient nécessaires). Néanmoins, elle a recueilli près d'un quart des votes (24,38%), et 75,62% contre.
« C'est un bon score », reconnaît-on en interne. Si plusieurs membres du conseil d'administration s'attendaient à un tel résultat, ce n'était pas le cas de tous. Devant les quelque 500 actionnaires ayant fait le déplacement, Jean-Pierre Clamadieu, le président du conseil d'administration, a, pour sa part, constaté que cette résolution avait « obtenu le soutien d'un certain nombre de nos actionnaires ». « Nous allons donc devoir en tenir compte pour améliorer le dialogue actionnarial », a-t-il ajouté.
« Seulement 15,12 % des actionnaires - hors Etat français - s'y sont opposés », souligne, de son côté, l'ONG Reclaim Finance. « Engie doit s'engager à consulter ses actionnaires chaque année et renforcer la crédibilité et l'ambition de son plan climat. La balle est maintenant du côté du gouvernement qui doit répondre à ce plébiscite en généralisant le Say on Climate à toutes les grandes entreprises, comme il l'a fait pour le Say on Pay », a réagit Antoine Laurent, responsable plaidoyer France chez Reclaim Finance, dans un communiqué de presse
Une résolution non agressive
Selon certains observateurs, ce résultat élevé s'explique notamment par le caractère « non agressif » de la résolution. « Nous souhaitons davantage de transparence, nous ne remettons pas en cause la stratégie climat du groupe », a d'ailleurs clarifié une représentante de Sycomore Asset Management, un des investisseurs membres de la coalition, devant l'assemblée.
Dans le détail, la résolution demandait une modification des statuts de l'entreprise, afin d'organiser un vote tous les trois ans sur sa stratégie climat, et tous les ans sur l'avancement de sa mise en œuvre.
C'est ce deuxième point qui a poussé Engie à appeler à voter contre. « Organiser un vote sur la mise en œuvre du 'Say on Climate' chaque année n'est pas adapté, car nous manquons aujourd'hui d'un cadre de reporting chiffré assez solide pour que cela ait du sens », avait expliqué, à La Tribune, Jean-Pierre Clamadieu lors d'une interview publiée la veille de l'assemblée générale.
Les actionnaires regroupés en coalition exigeaient également qu'Engie partage davantage de données nécessaires à l'analyse de sa trajectoire climatique. Ils souhaitent notamment avoir accès aux différents scénarios de mix énergétique envisagés par l'entreprise et connaître les raisons précises conduisant Engie à ne pas inscrire sa trajectoire climatique en dessous de 1,5 degré.
Plus de transparence
Le géant gazier s'inscrit, en effet, seulement dans une trajectoire, « bien en-dessous de 2 degrés ». « Aujourd'hui, nous sommes en dessous de ces deux trajectoires [1,5 degré et 2 degrés, ndlr]. Mais, à l'horizon 2030, notre trajectoire repasse au-dessus du 1,5 degré» a pointé la directrice RSE du groupe Julia Maris, slide à l'appui.
S'inscrire dans une trajectoire de 1,5 degré signifierait pour Engie de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 78%. « Ce qui n'est pas atteignable à l'horizon 2030 », sauf de se séparer « d'un certain nombre de nos centrales » à gaz, a indiqué Julia Maris, mettant ainsi en lumière une forme de « tension » entre « la nécessité de contribuer à la résilience énergétique » et les besoins de « décarbonation. »
Interrogée par un actionnaire individuel sur les quantités importantes de gaz de schiste américain importées sous la forme de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis les Etats-Unis, la directrice RSE a également évoqué les impératifs liés à la sécurité d'approvisionnement depuis que les livraisons de gaz russe par pipeline se sont interrompues. Elle a, par ailleurs, affirmé que « les objectifs de décarbonation à l'horizon 2030 prennent en compte ces volumes de gaz [de schiste, ndlr] ». Il n'y a « pas de risque du fait de ces approvisionnements », a-t-elle assuré.
Pour rappel, le groupe vise la neutralité carbone en 2045 et assure qu'à cet horizon le rôle des énergies fossiles y sera « marginal ». L'objectif de neutralité carbone en 2045 « veut dire, pour un énergéticien, de refondre son business model », a estimé Catherine MacGregor, la directrice générale d'Engie.
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