La stratégie sophistiquée d’Engie dans les énergies renouvelables

C’est grâce à des technologies, des contrats et des modes de financement sophistiqués qu’Engie veut faire la différence sur les énergies renouvelables, un secteur dans lequel le groupe affiche de grandes ambitions.
Dominique Pialot
Envie prévoit de développer 9 GW d'énergies renouvelables dans les trois prochaines années.

Les ambitions sont affichées. Lors de la présentation de son nouveau plan stratégique à Londres le 28 février, Engie a annoncé le développement de 3 GW de nouveaux projets par an, soit 9 GW de capacités supplémentaires d'ici à 2021, dont 6 GW d'éolien, 2 GW de solaire et 1 GW composé de biomasse et d'éolien offshore. Le groupe anticipe une croissance annuelle moyenne de cette activité située entre 8% et 11%, portée par l'éolien (plus de 10%) et l'hydroélectricité (environ 10%), le solaire connaissant une croissance légèrement inférieure. La contribution financière des renouvelables devrait ainsi passer de 1,15 milliard d'euros en 2018 à 1,5 ou 1,6 milliard d'euros en 2021. Ces nouvelles capacités seraient implantées en Europe (+3,5 GW), en Amérique du Nord (+2,5 GW) et du Sud (+ 1,5 GW). Le groupe possède déjà 24 GW de capacités installées, majoritairement de l'hydraulique en France et au Brésil (16,4 GW) mais aussi de l'éolien terrestre (5,4 GW) et du solaire (2 GW).

Quant aux 6 GW actuellement en construction, auxquels s'ajoutent de 9 à 12 GW en développement avancé, il s'agit essentiellement d'éolien terrestre. Mais cette proportion va diminuer à mesure que les projets d'éolien offshore, d'abord posé puis flottant, vont sortir de l'eau. Demain, Engie complètera son portefeuille avec des technologies plus sophistiquées encore, qui deviendront matures grâce aux quelque 250 milliards de dollars investis chaque année à l'échelle mondiale : biométhane, géothermie, microgrids, stockage de réseau, et, à plus long terme, hydrogène vert, fabriqué à partir d'électricité d'origine renouvelable.

Entreprises et collectivités remplacent peu à peu les Etats

« Le positionnement d'Engie sur la chaîne de valeur de l'éolien et du solaire est unique », affirme Gwenaelle Huet, qui dirige l'activité énergies renouvelables en France. Ce positionnement couvre en effet le développement, l'ingéniérie et la construction, la vente partielle des actifs, l'opération et la maintenance, le management de l'énergie et les relations clients (dont quelque 30.000 entreprises et 1.000 grandes villes). Grâce à la maîtrise de ces différentes étapes, Engie vise le passage à l'échelle et l'industrialisation de son modèle.

De façon encore balbutiante en Europe, mais plus marquée que dans d'autres métiers du groupe, la bascule se fait entre un marché dominé par les États et un marché où les entreprises et les collectivités dominent. En parallèle, les systèmes de tarifs de rachat, ou d'autres formes de subventions publiques, sont peu à peu remplacés par des contrats directement passés entre des clients, entreprises ou collectivités soucieuses de verdir leur approvisionnement, et des producteurs d'énergie renouvelable.

Bientôt 50% de l'activité réalisée via des PPA

Ces PPA (power purchase agreements) eux-mêmes sont amenés à se sophistiquer. Aujourd'hui encore essentiellement mis en place aux Etats-Unis (où des prix de marché élevés les rendent plus rapidement compétitifs qu'en Europe, même si cela est évolue), ce sont en majorité des « PPA as produced ». Autrement dit, le client achète la production d'une ferme solaire ou éolienne développée à cet effet. Mais demain, ces clients exigeront une fourniture d'énergie verte 24/24 et 7/7. Pour ce faire, ils devront faire appel à des prestataires tels qu'Engie, capables d'agréger plusieurs types de productions complémentaires et de stockage permettant d'assurer une sécurité d'approvisionnement en continu.

Engie prévoit que d'ici 2021, 50% de ses nouveaux projets d'énergie renouvelable se fassent dans le cadre de PPA, au détriment des appels d'offres, auxquels le groupe continuera néanmoins de répondre. A terme, ces contrats pourraient même représenter les deux-tiers de son activité.

Un modèle de financement original

Mais c'est surtout son modèle de financement qu'Engie prévoit d'industrialiser. Objectif affiché : diminuer l'intensité capitalistique des projets et accélérer la rotation du capital tout en conservant la maîtrise industrielle des actifs développés. Baptisé de l'acronyme un rien barbare DBpSO (Develop, build, partially sell, and operate), ce modèle consiste, dès la construction d'un parc solaire ou éolien achevée, à revendre une participation (de 50 à 80%) dans les projets développés, tout en en conservant la propriété industrielle. Cela lui permet d'en engranger les revenus d'exploitation (en l'espèce, la vente de l'électricité verte produite), y compris le cas échéant de son repowering.

« De plus en plus de fonds - qui peuvent faire bénéficier le projet de leurs conditions préférentielles d'accès au capital - sont intéressés par ce type de placement sûrs et de long terme », témoigne Gwenaelle Huet. Pour Engie, ce mécanisme permet de développer plus de projets avec un investissement moindre. Ainsi, alors que les 2,8 GW solaires et éoliens développés entre 2016 et 2018 avaient nécessité 3,7 Mds€ de CAPEX, les 8 GW supplémentaires prévus de 2019 à 2021 ne devraient pas coûter plus de 1,7 milliard d'euros d'investissement. A la clef : un CAPEX plus faible mais une meilleure création de valeur.

Dominique Pialot

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Commentaires 16
à écrit le 20/03/2019 à 0:17
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Le secteur nucléaire n'est plus compétitif et ne se vend quasiment plus sauf à des pays qui veulent à terme la bombe atomique facilitée par cette industrie. Il ne représente plus qu'une part infime au plan des énergies : 5% dans les décennies à venir...

le 20/03/2019 à 6:29
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La consommation française annuelle d’électricité est de l’ordre de 500TWh et un peu plus en Allemagne. Si l’on reste sur le chiffre de 500TWh, 16 jours de stockage représentent d'e l'ordre de 22TWh. Connaissez-vous actuellement une technique capable ...

le 20/03/2019 à 10:38
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@ Jardinier : comme précisé les stockages vous les avez en Norvège, Ecosse, Suisse etc qui ont d'importants excédents de Step en plus d'autres sites et sous forme hydrogène/power to gas entre autres devenu compétitif via l'amélioration des techniques...

le 20/03/2019 à 10:43
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@ Jardinier : comme précisé les stockages vous les avez en Norvège, Ecosse, Suisse etc qui ont d'importants excédents de Step en plus d'autres sites et sous forme hydrogène/power to gas entre autres devenu compétitif via l'amélioration des techniques...

à écrit le 18/03/2019 à 14:36
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L'éolien n'est qu'un lobby subventionné. en outre, si les anticyclones se développent sur l'Europe, les éoliennes fonctionneront à minima. L'éolien est un pis aller.

le 20/03/2019 à 0:38
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L'éolien a un meilleur EROEI que le nucléaire et se développe dans 197 pays soit largement plus que le nucléaire et de plus en plus sans subventions comme à maints endroits en Europe et à un coût plus de la moitié moindre. Le nucléaire est une énergi...

à écrit le 18/03/2019 à 12:02
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Le nucléaire actuel a bénéficié de centaines de milliards d'euros de subventions étatiques. A date, aucune centrale n'a encore été démantelée en France en intégralité... et malgré tout, les tentatives partielles de démantellement ont coûté près de 10...

le 18/03/2019 à 16:59
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Les incantations des écologistes vis-à-vis de l’éolien en particulier prêtes à sourire. Sur le strict plan de l’environnement, l’éolien est sans aucun doute la pire atteinte que l’on puisse faire : - Destruction de paysages magnifiques par la mise ...

le 18/03/2019 à 17:14
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Pourriez-vous nous communiquer les références concernant la société Suisse qui produit des panneaux solaires avec un rendement de 37% et à quel prix. Je vous signale à ce sujet qu’en France la société SOITEC situé à Bernin en Isère développait des c...

le 19/03/2019 à 9:21
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LA France est aussi le pays dont l'électricité est la plus massivement décarbonnée (en dehors des pays ayant des potentiels hydro-électriques spécifiques). Les ENR ont plein de qualité, si ce n'est de ne pas gérer l'intermittence; Les prix de revie...

le 19/03/2019 à 9:47
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Le nucléaire en France fut réalisé pour faire face à l'envolé des prix du pétrole. Ensuite cette énergie fut une vraie politique mise en musique par des puissantes directions techniques qui ne sont plus qu'un souvenir. Aujourd'hui, les décisions, gra...

à écrit le 18/03/2019 à 9:03
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Dans une tribune, Michael Shellenberger, un écologiste américain qui préside l’association Environmental Progress, reconnait que les énergies renouvelables ne servent pas à grand chose. Michael Shellenberger « En 2002, peu après mes 30 ans, j’ai d...

le 18/03/2019 à 10:04
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le nucléaire ne réemergera véritablement que quand les centrales au thorium seront au point..... chinois et américain travaillent d'arrache pied sur le sujet.... avantages..... coût divisé par trois ou quatre aucun risque nuclaire possible car arr...

le 18/03/2019 à 17:08
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@curieux37 Vous vous trompez. La France est pionière (ou l'était) dans les réacteurs nucléaire de 4ème génération. Les recherche sur ce type de réacteur on commencées en 1957 avec Rapsodie, suivi de Phénix et Superphénix, ce dernier étant le premi...

le 18/03/2019 à 17:17
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Je l'ai oublié dans mon commentaire précedent, mais la France continue ses recherches dans ce type de réacteurs: projet Astrid lancé par le CEA en 2011.

le 19/03/2019 à 12:52
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Réponse à Rainbow, Oui la France était pionnière dans les réacteurs de génération 4 avec Phénix puis Superphénix qui à un peu essuyer les plâtres d'une industrialisation peut-être un peu hâtive. La France serait actuellement nettement leader dans...

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