Factures d'électricité  : pourquoi les PME s'estiment lésées

Alors que leurs factures d’énergie ont explosé, les petites et moyennes entreprises (PME) demandent à recevoir le même soutien que les toutes petites entreprises, lesquelles bénéficieront dès ce mois-ci d’un tarif encadré par l’Etat. Et pour cause, certaines d'entre elles craignent que la distorsion de concurrence ne finisse par les achever, malgré une baisse conséquente des prix sur les marchés.
Marine Godelier
(Crédits : DR)

Devant le contrat d'électricité qu'elle a souscrit fin 2022, Christelle Comparin soupire. Abandonnée fin novembre par son ancien fournisseur à cause de la flambée des prix de l'énergie, la gérante a dû se résoudre à s'engager dans une offre « folle » en décembre, afin d'alimenter sa petite entreprise de charpentes et constructions bois dans le Lot-et-Garonne. Cette année, elle devra ainsi payer 11.300 euros hors taxe pour recevoir le courant nécessaire au fonctionnement de sa société, contre 3.700 euros en 2022.

Seulement voilà : avec ses 13 employés (dont deux apprentis), l'aide apportée aux toutes petites entreprises (TPE) de moins de dix salariés, annoncée vendredi soir par le gouvernement, lui échappe de peu. « Je suis franchement dégoûtée. Ce n'est pas logique : on n'est pas au CAC40, mes clients sont les mêmes que ceux d'une TPE du même secteur ! », déplore-t-elle, inquiète.

Chute des cours de l'énergie sur les marchés

Et ce n'est pas la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) qui la contredira. « Le risque de distorsion de concurrence est réel », glisse à La Tribune son président, François Asselin. De fait, tandis que les TPE pourront jouir d'un tarif garanti de l'électricité fixé à 280 par mégawattheure (MWh) sur l'année, les PME, elles, devront composer avec des mensualités difficilement gérables, allant parfois jusqu'à 500 euros le MWh. Une situation d'autant plus injuste, que, depuis trois semaines, les cours chutent sur les marchés de l'énergie, alerte la CPME. « Dans ces conditions, toutes les entreprises devraient pouvoir renégocier leurs contrats sans payer de pénalités, et pas que les TPE ! », tempête François Asselin.

Il faut dire que les prix n'ont plus grand-chose à voir avec ceux proposés par les fournisseurs en décembre. De quoi agacer les patrons ayant souscrit à la hâte un nouveau contrat pour 2023 au pire moment, alors que la présidente de la Commission de régulation de l'énergie, Emmanuelle Wargon, les y incitait. « Fin 2022, on me présentait des offres pour 2023 à 67 centimes le kilowattheure (KWh) chez TotalEnergies, 71 centimes chez Engie, ou encore 73 centimes chez EDF. Incapable d'accepter ces termes, j'ai fermé mon établissement en attendant une accalmie », détaille Adrien Pedrazzi, gérant d'un restaurant à Agen. Et cette dernière est survenue : lundi, EDF lui a finalement proposé une nouvelle offre à 19 centimes le KWh.

« Je m'en suis bien sorti, mais c'est injuste pour mes confrères qui ont signé en fin d'année à un tarif exorbitant, qu'ils ne peuvent plus renégocier sans payer d'importants frais de rupture ! », poursuit le restaurateur.

Des informations floues

A les entendre, les PME se trouveraient donc livrées à elles-mêmes. Et pourtant, plusieurs dispositifs ont vu le jour afin de les accompagner. Notamment la dernière trouvaille de Bercy, « l'amortisseur électricité », qui ramène le prix annuel moyen d'un contrat à 180 euros par mégawattheure (MWh), sur la moitié des volumes d'électricité consommée. « Concrètement, les TPE et PME concernées auront 50% de réduction sur les euros compris entre 180 et 500 euros du MWh. Ainsi, une entreprise ayant signé un contrat à 200 euros le MWh aura le droit à 10 euros d'aide. Une autre ayant souscrit à 380 euros le MWh pourra bénéficier de 100 euros de réduction », explique à La Tribune un fournisseur d'énergie. Avec, cependant, une limite de taille : au-delà de 160 euros d'aide (correspondant à un contrat à 500 euros le MWh), l'Etat n'interviendra plus.

Par ailleurs, les TPE et PME dont les dépenses d'énergie représentent plus de 3% du chiffre d'affaires, et pour lesquelles le prix de l'énergie a au moins doublé par rapport à 2021, peuvent réclamer un soutien via un guichet d'aide au paiement des factures. Mais dans les faits, beaucoup de sociétés n'y recourent pas. « La plupart des dirigeants de PME ne sont pas habitués à devoir gérer ça, et manquent de connaissance. Moi-même, je ne regardais pas mes factures d'énergie avant l'année dernière ! », note François Asselin.

« Il y a tellement d'informations que je m'y perds. Tout le monde est perdu, d'ailleurs. On attend que la préfecture nous fournisse un numéro vert pour mieux s'y retrouver », abonde Christelle Comparin.

A cet égard, les grosses entreprises industrielles et énergo-intensives s'avèrent d'ailleurs mieux loties, malgré l'impact des hausses des prix de l'énergie sur leur activité. « Pour elles, l'électricité est stratégique depuis toujours, et se couvrir en minimisant le risque malgré la volatilité sur les marchés fait partie de leur vie. Elles sont donc moins prises au dépourvu que les entreprises moins consommatrices quand les cours s'envolent », confirme-t-on à l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN).

Lire aussi : PME, collectivités locales : un « amortisseur énergie » au goût d'usine à gaz budgétaire

Ne pas « saupoudrer les sous des Français »

Surtout, même si les PME bénéficiaient réellement de l'ensemble des aides auxquelles elles ont droit, le compte n'y serait toujours pas, estime-t-on à la CPME. « Dans le meilleur des cas, cela pourrait aboutir à 35 voire 40% de baisse de la facture. Mais quand cette dernière a été multipliée par 6 ou 7, ça reste insuffisant », fait valoir François Asselin.

Reste à voir si le gouvernement dégainera d'autres dispositifs. Pour l'heure, il s'agira « plutôt » de trouver des solutions au « cas par cas », a clarifié lundi la ministre déléguée aux PME, Olivia Grégoire. « Il faut faire attention à aider ceux qui en ont le plus besoin et à ne pas aller dispatcher, saupoudrer des sous qui sont les sous des Français », a-t-elle justifié. Car Bruno Le Maire l'avait répété avant elle : s'il n'est pas question de « laisser tomber les entreprises », il ne s'agira pas non plus de revenir au « quoi qu'il en coûte ». Un numéro d'équilibriste.

Marine Godelier

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Commentaires 2
à écrit le 10/01/2023 à 11:20
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comment des entreprises qui ne font que revendre de l' électricité acheté pas cher à EDF ET GDF ..peuvent se permettre cette folie d' augmentation leur tarif l' état actionnaire ;majoritaire EDF . complice !! le particulier un pouvoir d' achat supér...

à écrit le 10/01/2023 à 9:10
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si elle veulent le meme cheque quoi qu'il en coute que tout le monde, il faut qu'elles prennent la france en otage; y a que ca qui marche, c'est de gauche c'est donc tolerant

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