Flamanville : EDF suspendu à la décision de l'Autorité de sûreté nucléaire

Un groupe d'experts de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit se prononcer demain sur la nécessité de remplacer la cuve de l'EPR, ou de l'exploiter sous conditions. Une décision dont les répercussions vont bien au-delà de l'avenir de cette seule centrale pour l'électricien français.
Giulietta Gamberini
Les autorités chinoises font notamment dépendre le démarrage des deux EPR construits par le Français sur leur territoire de l'issue de ce dossier.

Ce sont les jours du grand oral pour EDF. Demain soir, le Groupe permanent d'experts pour les équipements sous pression nucléaire (GP-ESPN), qui se réunit à partir d'aujourd'hui au siège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à Paris, se prononcera sur l'état de la cuve de l'EPR de Flamanville (Manche). L'ASN elle-même rendra alors dans les jours qui suivent une proposition d'avis concernant le démarrage de l'EPR prévu pour 2018. Après une procédure de consultation du public, cette proposition doit aboutir à un avis définitif à l'automne.

Quelques milliers de tests

L'instruction menée par l'ASN fait suite à la découverte par Areva, en 2014, d'une concentration excessive en carbone dans l'acier du fond et du couvercle de la cuve, susceptible de la rendre moins résistante et de propager des fissures, alors que cette pièce essentielle constitue la deuxième barrière contre la radioactivité dans un réacteur. Depuis, quelques milliers de tests ont été effectués pour vérifier si la cuve, fabriquée à la forge du Creusot, présente les garanties de sûreté requises lors du fonctionnement du réacteur malgré cette anomalie. Le GP-ESPN doit notamment se prononcer sur la base d'un rapport technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) analysant ces tests.

L'ASN pourrait exiger un remplacement de la cuve ou du seul couvercle, mais aussi se limiter à recommander un fonctionnement sous une surveillance accrue ou à une puissance réduite par rapport aux capacités du réacteur. EDF devra, en ce cas, prouver qu'elle est en mesure de remplir ces conditions.

Les militants antinucléaire inquiets

Pour l'électricien, endetté et engagé dans un plan d'économies, récemment renfloué par l'Etat, l'enjeu va au-delà de l'avenir de la seule centrale de Flamanville: les autorités chinoises font en effet dépendre le démarrage des deux EPR construits par le Français sur leur territoire de l'issue de ce dossier. L'arrêt de Fessenheim, dont le principe a été approuvé par les administrateurs d'EDF en avril, est aussi suspendu à ce dossier: la demande d'abrogation de l'autorisation d'exploitation ne sera adressée à l'Etat que dans les six mois précédant la mise en service de l'EPR de Flamanville. De même pour Areva, dont la recapitalisation prévue cette année est subordonnée à un avis positif de l'ASN.

Des implications qui font craindre aux militants antinucléaire une décision sous influence:

"Ce serait scandaleux de faire primer les avantages à court terme des industriels sur les principes de sûreté de base et donc sur la sécurité de la population", a souligné à l'AFP Charlotte Mijeon, porte-parle du Réseau sortir du nucléaire.

Une pétition réclamant que la cuve de l'EPR de Flamanville ne soit pas homologuée a été signée par près de 35.000 personnes. Pour sa part, pendant sa campagne, Emmanuel Macron a promis de s'en remettre à l'avis de l'ASN, du moins en ce qui concerne l'avenir des réacteurs existants.

Des retards et des surcoûts aussi à Hinkley Point

La décision de l'ASN pourrait avoir un effet indirect aussi sur le chantier de la centrale de Hinkley Point au Royaume-Uni, signé en septembre dernier par les autorités britanniques, la compagnie d'électricité française EDF et leurs partenaires chinois, après  dix ans de préparation - et dont Emmanuel Macron a été, en tant que ministre de l'Economie, un grand défenseur. La cuve de l'EPR britannique doit en effet être fournie par la même usine d'Areva ayant fabriqué celle de Flamanville. Ce qui fait courir au projet des risques financiers et techniques, qui devraient être présentés au conseil d'administration d'EDF d'ici septembre. Dans un article paru samedi, Le Monde évoque un retard de livraison au moins jusqu'en 2027, qui devrait alourdir de trois milliards les coûts initialement fixés à 20 milliards d'euros. EDF a promis dans un communiqué "qu'une revue complète des coûts et du calendrier du projet HPC (...) devrait s'achever prochainement".

Un mauvais deal pour les consommateurs britanniques

De l'autre côté de la Manche, d'ailleurs, le projet d'Hinkley Point, dont la mise en service est prévue en 2025, a aussi été critiqué vendredi par le contrôleur des comptes britannique, selon qui, le prix garanti pour la construction de la centrale nucléaire, négocié en 2013, pourrait, "dans un marché changeant de l'énergie", engendrer un coût de 30 milliards de livres (34 milliards d'euros) sur la facture des consommateurs au lieu des 6 milliards envisagés au départ.

Londres s'est en effet engagé à ce qu'un prix de 92,5 livres par mégawatt/heure (rehaussé chaque année de l'inflation) soit garanti pendant 35 ans aux exploitants de la centrale, en versant aux exploitants la différence si les prix du marché de gros devaient être inférieurs à ce niveau. Or, les perspectives pour les prix de l'électricité sont plutôt à la baisse. Le contrôleur des comptes publics espère néanmoins que Londres puisse "maximiser les avantages de Hinkley Point pour les consommateurs et les contribuables", en exploitant les clauses de l'accord pouvant "être ajustées en faveur des consommateurs".

Giulietta Gamberini

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Commentaires 21
à écrit le 27/06/2017 à 18:50
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Une interrogation... pourquoi vendre un truc qui n'est pas au point ? La note va être très salée !

le 28/06/2017 à 0:16
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Hélas, beaucoup de décisions sur ce sujet ont en effet été prises à la va-vite par des dirigeants politiques incompétents.

à écrit le 27/06/2017 à 18:43
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Reconversion en musée ? " Musée de la centrale " ... pour le prix de la visite, je ne sais pas !

à écrit le 27/06/2017 à 16:12
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Pendant qu'EDF et sa mono-pensée sclérosée d'énarques et de x-mines s'entete dans le nuke, certain que l'Etat sera toujours là pour payer les pots cassés, Engie se retire de ses projets anglais et reflechis à fermer ses centrales belges. Mai pourquo...

à écrit le 27/06/2017 à 10:13
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Avec Flamanville, et la centrale de Norvège, EDF a bu la tasse ! Avec Hinckley Point, ils vont boire le bouillon et la soupière avec .... Quand on sait pas faire, on change de job. Si tout ce fric avait été consacré au développement des énergies r...

le 27/06/2017 à 14:01
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Les ENR sont aussi un lobby, qui a réussi à capter 2500 milliards de dollars dans le monde depuis 2000, pour un résultat en matière de baisse des émissions de CO2 qu'on peine à distinguer.

le 27/06/2017 à 16:03
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Bachou et le mensonge constant . on veut vos chiffres. En Allemagne les emissions de GES pour produire de l'electricite sont en baisse (google : allemagne+electricite+carbone), et les appels d'offre eoliens le plus recents sont sans aide (idem googl...

le 27/06/2017 à 20:14
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Je ne mens jamais, et vous le savez aussi bien que moi, depuis le temps qu'on débat... Mes chiffres sortent d'ici : http://www.geopolitique-electricite.fr/documents/ene-224.pdf

le 27/06/2017 à 20:21
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@ Steph : Depuis 2000, les émissions de CO2 par habitant de l'Allemagne ont baissé... dans les mêmes proportions que nous... alors que nous partions de 40% plus bas... et que eux ont investi plus de 300 milliards d'euros dans les renouvelables. Quel...

à écrit le 27/06/2017 à 9:07
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"Pauvre TECHNIQUE" , la cuve "carbonée peut semble t'il fonctionné pendant la durée de la centrale, alors que le couvercle dans les mêmes conditions doit être changé assez rapidement. Voila semble t il le constat de nos experts !!!. Ce n'est pas la ...

le 27/06/2017 à 23:58
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Ces experts n'étaient visiblement pas sous pression lorsqu'ils ont ouvert cette affaire et l'ont fait prendre une telle ampleur, mais soudain ils le deviennent lorsqu'ils prennent une décision qui ne plait pas au lobby antinucléaire...

à écrit le 27/06/2017 à 8:53
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L'état se lave les mains de la décision et reporte toute la responsabilité sur les "experts". Quand ça pétera, les responsabilités seront diluées. Etonnant que le sous-traitant ne soit pas dans l'obligation de fournir une pièce conforme au cahier des...

le 27/06/2017 à 16:04
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Etonnant ? Demandez le prix de ce remplacement. Le pognon avant la securite.

le 27/06/2017 à 20:31
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@ Steph : Un couvercle coûte de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros. Autrement dit c'est peanut comparé au coût total d'une tranche sur toute sa durée de vie.

à écrit le 26/06/2017 à 19:40
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Difficile décision pour l'ASN. Qui s’appuie sur le GP-ESPN, qui lui même s’appuie sur le IRSN. C'est déjà bien qu'Areva se soit rendu compte du problème à temps. EDF est MOE et MOA ? il faut espérer qu'ils aient le sens autocritique.

à écrit le 26/06/2017 à 17:04
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"Ce serait scandaleux de faire primer les avantages à court terme des industriels sur les principes de sûreté de base et donc sur la sécurité de la population"" Mais c'est hélas la règle en néolibéralisme.

le 26/06/2017 à 18:13
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Comme si l'ASN, qui est le décideur ultime sur ce sujet, était connue pour être sensible à la rentabilité des industriels...

le 27/06/2017 à 14:47
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Nous sommes dans une situation nucléaire de plus en plus délicate, alors certes l'ASN n'est pas représentée par une bande de psychopathes mais malgré tout elle a validé tous les phénomènes qui nous ont rendu dans cette impasse majeur. Le mieux n'...

le 27/06/2017 à 16:07
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Le malfacons en serie du nuke sont justement l'expression du secteur 'publique' ou des decisions tres legeres ont ete prise sachant que les decideurs etaient certains d'etre soutenu par l'Etat, la caste des ingenieurs de mines et enarques. On veut p...

le 28/06/2017 à 0:05
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@ Steph : Vous savez aussi bien que moi (on en a déjà parlé) que le parc nucléaire français est assuré par le GIE Assuratom, dans le cadre de la convention de Paris. Vous savez aussi bien que moi (on en a déjà parlé) qu'en 2010, EDF avait déjà ...

le 28/06/2017 à 0:08
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@ Citoyen blasé : Je vous rappelle que l'EPR de Flamanville n'a pas encore reçu son premier coeur, et que donc l'ASN n'a pour l'instant rien autorisé qui mette en danger qui que ce soit. Elle dialogue avec Areva et EDF depuis maintenant quelques a...

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