Gaz : pourquoi il va falloir vider en partie les stockages en France alors qu’ils n’ont jamais été aussi pleins

Au 15 janvier, les stockages de gaz français étaient encore remplis à 80%. Du jamais-vu dans l'histoire récente. Pourtant, ces stockages devront être en partie vidés, en raison de contraintes techniques : les nappes aquifères dans lesquelles sont introduites les molécules de gaz naturel ont besoin de respirer pour maintenir leurs performances les hivers prochains. D'après les experts, les niveaux pourront être baissés suffisamment, mais cela implique « un beau défi de gestion », reconnaît Catherine MacGregor, la directrice générale d'Engie.
Juliette Raynal
Photo d'illustration : un site de stockage de gaz naturel opéré par Storengy. Les stockages en nappe aquifère sont réalisés en injectant sous pression à grande profondeur du gaz naturel dans la roche. Progressivement, le gaz prend la place de l'eau sans modifier l'architecture souterraine.
Photo d'illustration : un site de stockage de gaz naturel opéré par Storengy. Les stockages en nappe aquifère sont réalisés en injectant sous pression à grande profondeur du gaz naturel dans la roche. Progressivement, le gaz prend la place de l'eau sans modifier l'architecture souterraine. (Crédits : Arcomdesign)

Pendant des mois, ils ont été scrutés à la loupe. Pour préparer l'hiver 2022-2023 et écarter le risque de pénurie (la France ne recevant plus une goutte de gaz russe par pipeline depuis le mois d'août, alors qu'il représentait 17% de ses importations), les gaziers avaient pour consigne de remplir au maximum leurs stockages. Mission accomplie. Dans l'Hexagone, le remplissage des stockages a atteint, au milieu de l'hiver, un niveau historique. Au 15 janvier, ils étaient remplis à 80% (soit 106 térawattheures), contre une moyenne de 55% sur les six dernières années à la même date. « Un niveau de ce type-là, en janvier, c'est inédit », commente Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz, en charge du réseau de transport.

Ironie de la situation, ces stockages devront être en partie vidés dans les semaines à venir en raison de contraintes techniques car certains systèmes de stockage ont besoin de respirer pour conserver leur performance pour les hivers à venir. En effet, en France, le gaz est stocké dans des cavités salines, mais aussi dans des nappes aquifères. Storengy, la filiale d'Engie chargée du stockage, en opère neuf sur le territoire. Ce sont des couches perméables de roches imprégnées d'eau situées entre 450 et 2.000 mètres de profondeur et s'étendant sur plusieurs kilomètres. Le gaz remplace l'eau dans les pores de la roche. Et, l'eau reprend sa place initiale lorsque les capacités sont vidées.

Garder au maximum 40% de stocks en fin d'hiver

« Les spécificités géologiques de ces stockages font que, pour avoir un fonctionnement optimal, ces stockages doivent être cyclés. Pour cela, il est demandé aux clients de Storengy de vider ces stockages en gardant au maximum entre 35% et 40% de stocks en fin d'hiver », explique Storengy.

C'est donc aux fournisseurs de gaz, comme Engie, EDF ou encore TotalEnergies, que revient l'obligation de vider suffisamment ces stockages, comme ils le font chaque année.

Mais comment soutirer suffisamment de gaz alors que sa consommation a sensiblement diminué ces six derniers mois (-12,8% entre août 2022 et le 15 janvier 2023, par rapport à la même période en 2018-2019) et que tous appellent à poursuivre ces efforts de sobriété ?

Bien évidemment, aucune molécule de ce précieux gaz ne sera gâchée. « Comme ils ont cette contrainte technique, les fournisseurs vont probablement diminuer les quantités de gaz qu'ils importent et soutirer davantage dans les stockages pour répondre aux besoins de consommation », avance Thierry Trouvé. « On le voit déjà, les terminaux méthaniers sont moins sollicités », ajoute-t-il. Selon le patron de GRTgaz, il n'y a donc « pas de préoccupation particulière ».

« Les soutirages qui ont lieu tout au long de l'hiver, afin de répondre aux besoins des Français, permettent chaque année d'atteindre le volume souhaité. À date, Storengy ne prévoit pas de difficultés pour atteindre ces niveaux maximum en fin d'hiver », a précisé la filiale d'Engie à La Tribune.

« Un beau défi de gestion »

« On va équilibrer la consommation, le transport, le stockage, les  importations. C'est un beau défi de gestion. Mais ce sont [les équipes de Storengy, Ndlr] des professionnels expérimentés qui font ça très bien »avait pour sa part commenté Catherine MacGregor, la directrice générale d'Engie lors des vœux à la presse, le 11 janvier dernier.

La patronne de l'énergéticien n'avait alors pas manqué de souligner l'importance du réseau gazier européen, permettant d'exporter du gaz vers les pays voisins, notamment vers l'Allemagne grâce à une inversion des flux depuis le mois d'octobre.

« La France affirme son rôle de pays de transit », abonde Thierry Trouvé.

Entre le 1er novembre et le 31 décembre dernier, l'Hexagone a plus que doublé ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) par rapport à l'année précédente. En parallèle, au cours de la même période, elle a exporté plus de 19 térawattheures vers l'Allemagne, la Suisse et l'Italie.

Même si les stockages dans les nappes aquifères vont devoir être, en partie, vidés, « à la fin de l'hiver gazier [c'est-à-dire le 31 mars prochain, Ndlr], nous finirons au-dessus des niveaux historiques habituels, ce qui nous met en bonne position pour l'hiver 2023-2024 », souligne Thierry Trouvé. Le directeur général de GRTgaz se garde pour le moment de communiquer un quelconque pourcentage, mais plusieurs experts tablent sur des niveaux situés entre 40% et 50% à la sortie de l'hiver, contre 5% habituellement.

De quoi appréhender la fin de l'hiver gazier beaucoup plus sereinement. « Les risques de déficit sont devenus très improbables en volumes ou sur quelques jours de froid », affirme Thierry Trouvé. Seul persiste un risque résiduel en cas de cumul de grand froid et de difficultés d'approvisionnement.

« La sobriété reste nécessaire pour la fin de l'hiver », rappelle-t-il.

Lire aussiEnergies renouvelables, nucléaire, gaz : les dossiers brûlants qui attendent la France en 2023

Juliette Raynal

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Commentaires 12
à écrit le 20/01/2023 à 11:44
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Quelle découverte! : "remplir à 100% avant l'hiver". Je suppose que le ministre qui a décidé cela ne savait pas qu'il faudrait vider derrière. (ou alors, il avait peur de ne pas savoir s'expliquer). C'est ce qu'on appelle "gérer au jour le jour". Ça...

à écrit le 20/01/2023 à 8:02
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bon, ben la meilleure solution est que les boulangers et autres utilisent ca ' a tarif correct pour tout le monde', ca permettra de soulager les pbs..autant transformer ca en point positif

à écrit le 19/01/2023 à 21:38
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Vs Photos , Ben le GPL est de l'ordre de 1 euro et comme la consommation est plus élevée, +25% l'entretien très coûteux car peu de spécialistes, contrôle technique bien plus cher, il faut dire qu'on a étés habitués à payer 50/60 cmes des années. I...

à écrit le 19/01/2023 à 14:08
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Aucun media europeen ne parle du sabotage de Nord stream 1 et 2 ,alors que les medias americains estiment que ce sabotage annoncé par Biden et executé par les americains est scandaleux pour des raisons ecologiques et pour des raisons economiques car ...

le 19/01/2023 à 14:49
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Poutine n'est pas une source fiable d'information.

le 19/01/2023 à 16:57
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Certains pensent que Gazprom devait payer des pénalités à cause de la réduction des quantités livrées (V. Poutine avait demandé de réduire les livraisons sur Nord Stream 1 pour forcer l'adoption et la validation de Nord Stream 2 par l'UE, et accessoi...

le 19/01/2023 à 20:30
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Il se dit que le sabotage serait britannique

le 20/01/2023 à 11:16
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Les presomptions chargent les anglais et leur marine presente sur le lieu des explosions deux jours avant les faits. Certe le bidon us est le commeditaire et le toutou rosbiff execute les ordres.

le 20/01/2023 à 11:34
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En tout cas c'est bien aux US que le crime profite.

le 20/01/2023 à 11:38
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En tout cas c'est bien aux US que le crime profite.

à écrit le 19/01/2023 à 12:59
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Bonjour, Et pe'dant ce temps là le GPL n'a jamais été aussi cher incitant à passer au e85 voire le 95.

le 19/01/2023 à 17:03
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Il est passé à combien ? Normalement il est lié au prix du pétrole, pas du gaz de ville ni de haut fourneau (méthane) vu que c'est Gaz de Pétrole Liquéfié. Le GNL est réservé aux bus, problème de stockage du produit, on ne peut en mettre partout comm...

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