Energies renouvelables, nucléaire, gaz : les dossiers brûlants qui attendent la France en 2023

Après une année 2022 marquée par une crise énergétique sans précédent, l'année 2023 s'annonce stratégique pour la France avec un calendrier législatif très dense. L'Hexagone, qui va définir sa nouvelle feuille de route énergétique pour les cinq prochaines années, doit absolument accélérer le développement de ses capacités de production décarbonée pour des raisons économiques, climatiques et de souveraineté. A cet égard, la réforme du marché européen de l'électricité est indispensable pour mettre fin à l'extrême volatilité des prix, mais promet des débats houleux. Quant à la disponibilité du gaz l'hiver prochain, la situation pourrait être moins crispée qu'attendue, mais la prudence reste de mise à l'heure où de nombreuses incertitudes persistent. Tour d'horizon des principaux enjeux.
Juliette Raynal
(Crédits : KWON JUNHO - Unsplach)

L'année 2023 s'annonce décisive pour la politique énergétique française. Les douze prochains mois seront, en effet, marqués par l'adoption de nombreux textes législatifs relatifs aux moyens de production d'énergies. Dès janvier, les parlementaires doivent voter la loi d'accélération sur les énergies renouvelables tandis que l'étude de la loi d'accélération du nucléaire, qui doit faciliter le démarrage des chantiers des six nouveaux EPR voulus par Emmanuel Macron, doit débuter au Sénat dans les prochains jours.

Surtout, les parlementaires devront se prononcer à l'automne prochain sur la toute première loi de programmation énergie climat (LPEC), dont découlera la nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), c'est-à-dire le plan quinquennal d'objectif de production et de consommation énergétique.

A ce dense calendrier législatif national, s'ajoutent la réforme urgente du marché européen de l'électricité qui cristallise déjà de nombreuses tensions, notamment au sein du couple franco-allemand, mais aussi de nombreuses incertitudes concernant la disponibilité du gaz, qui dépendra, à la fois, de la sobriété, des conditions météorologiques, mais aussi de la reprise économique ou non en Chine. Tour d'horizon, des principaux enjeux énergétiques.

Accélérer le développement des énergies renouvelables

Pour des raisons économiques, de souveraineté et climatiques, la France doit accélérer le développement de ses capacités de production d'électricité décarbonée.

« Si nous souhaitons que le prix d'électricité soit moins corrélé au prix du gaz, il faut plus de production bas carbone. Il faut donc accélérer le développement des énergies renouvelables car le premier EPR n'est pas attendu avant 2035 », explique Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.

Alors que les critiques contre les énergies renouvelables intermittentes persistent, il rappelle le rôle qu'ont joué les panneaux photovoltaïques et les éoliennes au cours des dernières semaines. « La sécurité d'approvisionnement n'aurait pas été assurée à certains moments de l'hiver sans le solaire qui a permis de passer le plateau [de consommation, ndlr] de 8 à 13 heures. A Noël, il y a aussi eu beaucoup de vent et cela a donc permis à EDF de faire des maintenances opportunistes sur ses réacteurs. Les renouvelables ont aussi permis d'économiser notre stock hydraulique », souligne-t-il.

Or, en matière d'énergies renouvelables, la France est à la traîne. C'est en effet le seul Etat membre de l'Union européenne à ne pas avoir atteint son objectif. Les énergies renouvelables ne représentent que 19% de sa consommation énergétique finale, au lieu d'un objectif fixé à 23%. « La différence entre les deux, c'est 64 térawattheures, soit à peu près la consommation de 20% de l'industrie française, ce qui n'est pas négligeable du tout », souligne Jules Nyssen, nouveau président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser). Pour la prochaine PPE, la filière veut aller plus loin en s'alignant sur l'objectif européen qui vise 45% d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale à l'horizon 2030. Ce qui suppose une progression considérable. « Le secteur est largement en capacité d'atteindre cet objectif de 45% », assure pourtant Jules Nyssen.

Lire aussiPourquoi les factures de gaz augmentent...alors que les prix chutent

Ecarter de potentiels nouveaux freins

Une chose est sûre, cette accélération ne sera possible que si la loi d'accélération des renouvelables permet bel et bien de faire évoluer le droit pour simplifier leur déploiement. Or, les professionnels nourrissent de nombreuses inquiétudes à l'égard de ce texte de loi.

« Ce texte qui devait être assez technique, et qui avait pour objectif de faire sauter des verrous administratifs, est devenu un support d'une discussion très politique sur les éoliennes », regrette Jules Nyssen.

Les professionnels du secteur redoutent que certaines dispositions ne constituent, au contraire, un frein au développement des énergies renouvelables. Exemple avec l'amendement déposé par la députée écologiste Delphine Batho. Selon cette rectification, le préfet, lors de l'instruction d'un dossier pour la construction d'un champ éolien, devra désormais prendre en compte le nombre d'éoliennes déjà installées sur le territoire, mais aussi les effets de saturation du paysage.

« Cela va ouvrir la porte à de nombreux contentieux car les personnes qui s'opposent aux éoliennes vont s'appuyer sur cette disposition », anticipe le président du Ser. « C'est une vraie mesure de freinage », estime-t-il.

Le représentant s'inquiète également des mesures très restrictives en matière d'agrivoltaïsme ou encore de l'obligation d'essayer d'implanter les éoliennes en mer le plus loin possible des côtes. Là encore, cette disposition pourrait favoriser les recours alors que la France cumule un retard criant dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. Aujourd'hui, seul le parc de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) est en service. Celui de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) devrait être raccordé dans les prochains mois au réseau, mais la mise en service des autres parcs en mer est beaucoup plus lointaine en raison des multiples recours administratifs.

Rétablir le parc nucléaire existant

« La crise a révélé notre dépendance au gaz et que nous n'avions pas assez de capacités pilotables. 2022 a été l'année qui a montré que nous ne pouvions pas nous passer du nucléaire », relève, pour sa part, Jacques Percebois, économiste et directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l'Energie (CREDEN). « L'UE reste la région du monde la plus dépendante sur le plan énergétique. Elle importe encore 55% de toute l'énergie qu'elle consomme », ajoute-t-il.

Dans ce contexte, le premier objectif pour l'année 2023 consiste à remettre sur pied le parc nucléaire existant, dont la disponibilité a atteint son plus bas historique. Pour ce faire, EDF entend absolument se débarrasser du phénomène de corrosion sous contrainte qui affecte les réacteurs les plus récents de son parc. Pour y parvenir, l'électricien a décidé de remplacer systématiquement au cours de l'année 2023 les tuyauteries potentiellement exposées à ce phénomène sur les réacteurs de 1.300 mégawatts les plus récents (appelés les P'4), sans procéder à des opérations de contrôle au préalable. Ce changement de doctrine n'affectera pas la fourchette de production pour l'année 2023, comprise entre 300 et 330 térawattheures, affirme le groupe.

Poser les bases du nouveau nucléaire

Les prochains mois seront aussi décisifs pour amorcer le déploiement de six nouveaux EPR, voire huit supplémentaires, voulus par Emmanuel Macron. La loi d'accélération sur le nucléaire doit aller en ce sens en permettant de faciliter la construction de nouveaux réacteurs sur les sites nucléaires déjà existants. L'étude du texte par les sénateurs doit débuter dans les tous prochains jours. « Il faut s'attendre à un festival de surenchères », prévient Nicolas Goldberg. « La majorité est pronucléaire, mais il est très important pour l'opposition de droite de montrer qu'elle est encore plus pronucléaire », anticipe-t-il. Les sujets autour des petits réacteurs modulaires (SMR), des réacteurs de quatrième génération ou encore de la fusion pourraient donc être débattus bien qu'ils soient hors cadre.

« Des choses pertinentes pourraient toutefois émerger, notamment sur le financement. Or ce qui bloque aujourd'hui le programme EPR c'est principalement la question de son financement » relève Nicolas Goldberg.

 « On ne peut pas compter sur l'endettement d'EDF, ni sur la subvention d'Etat », ajoute Jacques Percebois, qui identifie trois pistes possibles : les contrats pour différence, notamment mis en œuvre pour le financement de l'EPR d'Hinkley Point au Royaume-Uni. Concrètement, le constructeur, en l'occurrence EDF, fixe un prix du mégawattheure permettant de couvrir le coût de construction. Si le prix de gros sur les marchés n'est pas suffisamment élevé, l'Etat britannique verse la différence à l'électricien. A l'inverse, si le prix de gros est beaucoup plus rémunérateur que le prix fixé dans le contrat, EDF reverse la différence à l'Etat. Inconvénient : tant que la centrale n'est pas raccordée au réseau, le constructeur ne touche rien et doit donc avancer les fonds. Autre piste : répercuter le coût de construction des réacteurs sur la facture d'électricité au fil de l'eau, comme cela se pratique pour les investissements dans les réseaux. Le consommateur paie au fur et à mesure de la construction de la centrale. Troisième option : faire participer les industriels au financement des futurs réacteurs en échange d'un droit de tirage préférentiel.

Réformer d'urgence le marché européen de l'électricité

Ces discussions sur la question du financement du nouveau nucléaire français impliqueront nécessairement des négociations intenses avec la Commission européenne, qui souhaitera s'assurer du bon respect des règles de concurrence.

En parallèle, Bruxelles aura aussi pour grande priorité de réformer le marché européen de l'électricité. « C'est la condition sine qua non pour financer les nouveaux investissements dans les moyens de production dans de bonnes conditions. Si les prix de gros sont trop volatiles, les investisseurs ne voudront pas investir dans de nouvelles capacités » prévient Jacques Percebois. Pour rappel, le mégawattheure s'échangeait à 175 euros le 3 janvier, alors qu'il était à 0 euro trois jours auparavant et à 750 euros le 12 décembre dernier.

Cette réforme est particulièrement attendue alors que la flambée des prix pèse sur la compétitivité des industriels européens. Elle doit aussi permettre aux consommateurs de bénéficier sur leurs factures des coûts de production faibles et stables des énergies renouvelables et du nucléaire. Cependant, les débats promettent d'être longs et complexes tant les désaccords sur les remèdes à apporter au marché sont nombreux.

Naviguer dans l'incertitude gazière

Le sort du gaz en France et plus largement en Europe dans les mois à venir est également marqué par une très grande incertitude. Alors que tous les experts alertaient il y a encore quelques semaines sur la sécurité d'approvisionnement de l'hiver 2023-2024, la situation apparaît désormais bien plus favorable. Le niveau des stocks de gaz en Europe s'élève aujourd'hui à 83%. Il est à 83,9% en France. Du jamais vu, ou presque.

« Dans certains pays, les infrastructures de stockage continuent même de se remplir », pointe Jean-Marc Leroy, président de l'Association française du gaz (AFG).

C'est le cas notamment en République Tchèque, en Croatie ou encore en Autriche. Cette évolution exceptionnelle s'explique par une météo douce, une forte chute de la demande (choisie, mais aussi subie en raison de la flambée des prix) ainsi que des importations massives de Gaz naturel liquéfié (GNL), dont les capacités en France devraient encore s'accroître en 2023 avec la mise en service prévue à l'automne prochain d'un terminal flottant de regazéification au Havre.

Résultat, « à la sortie de cet hiver, le niveau de stockage devrait se situer entre 40 et 50% dans l'hypothèse d'un hiver normal sur le plan météorologique, contre environ 10% habituellement », projette Jean-Marc Leroy. « Si les stockages sont à moitié pleins nous n'aurons aucun mal à les remplir », assure Nicolas Goldberg, qui appelle néanmoins à la prudence en raison des nombreuses incertitudes qui persistent (météo, poursuite de la sobriété, évolutions du marché du GNL). « La grande incertitude reste la croissance économique mondiale et notamment en Chine, qui est un gros consommateur, un gros importateur et qui fournit beaucoup de produits stratégiques », avertit, pour sa part, Jacques Percebois.

Diversifier les sources de production de gaz vert

Dans ce contexte incertain, Jean-Marc Leroy appelle à revenir aux fondamentaux :

« Il est essentiel de développer une vision de long terme en s'appuyant sur une diversité de solutions. Il faut accompagner la transformation de la filière gazière. Les gaziers avaient une vision globale et demain, ce ne sont plus les gaziers qui produiront du gaz. Il faut accompagner les différents modes de production en particulier agricole et l'industrie des déchets ».

La filière mise en effet sur le développement des gaz verts qui ne représentent encore aujourd'hui que 2% de la consommation française, avec quelque 500 méthaniseurs en fonctionnement sur le territoire. « La PPE actuelle prévoit que les gaz verts représenteront 10% de la consommation en 2030. C'est un objectif que nous atteindrons bien avant et nous plaidons pour qu'il passe à 20% dans la prochaine PPE », avance le président de l'AFG, qui table sur la création de 200 à 300 nouvelles unités de méthanisation en 2023.

Outre les méthaniseurs agricoles, les professionnels misent sur la méthanisation de toutes sortes de déchets (liquides, bois), mais aussi sur le développement de contrats d'approvisionnement de long terme noués directement entre industriels et producteurs, les PPA. Encore balbutiants en France pour les énergies renouvelables électriques, ils n'existent pas encore pour l'approvisionnement en gaz renouvelable. La filière assure pourtant que les industriels sont très demandeurs. Même si le prix du biométhane en France demeure élevé (environ 85-90 euros le mégawattheure), les entreprises y voient un moyen de s'assurer d'un coût fixe sur le long terme.

Lire aussiPour ou contre : la France doit-elle sortir du marché européen de l'électricité ? (Anne Debregeas face à André Merlin)

Juliette Raynal

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 11
à écrit le 06/01/2023 à 13:24
Signaler
Un dossier brûlant, cela émet combien de CO2 ???..

à écrit le 06/01/2023 à 9:12
Signaler
En parlant de gaz : On peut évoquer le gaz en ce moment : Vous avez un abonnement de gaz au tarif réglementé à votre domicile ? Si c'est le cas, vous avez peut-être reçu récemment un courrier à en-tête du gouvernement qui dit notamment ceci : "Vou...

à écrit le 05/01/2023 à 21:40
Signaler
On n'en veut pas, des éoliennes ! Il faut le dire combien de fois pour être entendus ?

à écrit le 05/01/2023 à 19:10
Signaler
Pour ce qui concerne le coût exorbitant des carburants, Klaus Schwab et sa philanthropie en bande organisée, les hausses de prix du carburant de 2022 sont un bon début, mais elles ne suffiront pas à atteindre les objectifs religieux de sa sec...

à écrit le 05/01/2023 à 18:14
Signaler
Ce sont Merkel et Hollande qui, après avoir saboté les accords de Minsk, sont devenus, aux yeux de la communauté mondiale, les auteurs du conflit en Ukraine. Et ce sont les seuls responsables de la flambée de la facture d' énergie avec un Mac...

à écrit le 05/01/2023 à 18:02
Signaler
l'etat stratege qui envoie tout au tas a plein d'idees, comme par exemple se couper le gaz russe avant de decouvrir avec stupefaction que ca fait exploser les prix!

à écrit le 05/01/2023 à 17:56
Signaler
"Énergies renouvelables", le qualificatif est inapproprié, il est préférable d'employer le terme "aléatoire" qui est plus juste.

le 07/01/2023 à 8:36
Signaler
En augmentant le poids des énergies renouvelables intermittentes et aléatoires vous augmentez mathématiquement la dépendance à la filière gaz pour produire de l'électricité. Mais n'est pas ce qui est voulu par nos champions visionnaires?

à écrit le 05/01/2023 à 17:39
Signaler
Ce n'est pas des saboteurs que viendra la solution si ce n'est que virtuelle !

à écrit le 05/01/2023 à 17:27
Signaler
Tulsi Gabbard députée démocrate condamne le « rêve totalitaire » de Klaus Schwab supporté des deux mains par Macron 1er. 2015, désignée comme l’une des « jeunes leaders mondiaux » du Forum économique mondial, rejoignant les rangs des jeunes li...

à écrit le 05/01/2023 à 17:15
Signaler
Vous sentez la grogne des artisans en ce début d’année qui va les pousser à descendre dans la rue ? Et l’attentat sous faux drapeau pour calmer la grogne et interdire les manifestations pour, soi-disant, votre sécurité, vous le sentez arriver celui ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.