Hydrogène : la stratégie de Vinci pour « décoller » sur le marché au niveau mondial

Le géant français du BTP, des infrastructures et des concessions de transport, aéroportuaires, autoroutières va investir 20 milliards d'euros dans ce vecteur énergétique dans la décennie à venir, aux côtés de partenaires. Avec l'appui de sa dernière acquisition, Cobra IS, Vinci entend inscrire l'hydrogène dans la droite ligne de ses engagements climatiques. « Tous les ingrédients sont réunis », s'enthousiasme déjà le PDG, Xavier Huillard. Hasard du calendrier, la Première ministre, Elisabeth Borne, dévoilera, le mercredi 28, les « avancées » de sa stratégie dans ce domaine. Décryptage.
César Armand
« L'hydrogène devrait cohabiter avec l'électricité », estime le directeur général adjoint de Vinci Autoroutes.
« L'hydrogène devrait cohabiter avec l'électricité », estime le directeur général adjoint de Vinci Autoroutes. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

Vinci veut surfer sur la vague verte de l'hydrogène et tient à le faire savoir. Lors d'une conférence organisée ce 27 septembre à Léonard, son « centre de veille et de prospective », le géant français du BTP, des infrastructures et des concessions de transport, aéroportuaires, autoroutières et ferroviaires, érige ce vecteur énergétique en pilier de sa stratégie économique et climatique.

Si ce marché représente « quelques dizaines de millions d'euros » aujourd'hui pour Vinci, il en représentera plusieurs milliards dans les prochaines années. Pour obtenir sa part du gâteau, le groupe coté au CAC 40 multiplie les partenariats tous azimuts. « Cette grande aventure passe par des assemblages d'acteurs et des coopérations écosystémiques », explique le PDG Xavier Huillard.

20 milliards d'euros de projets dans la décennie à venir

Dès septembre 2021, le groupe a mis 100 millions d'euros au panier d'un fonds d'investissement lancé avec Air Liquide et TotalEnergies, aux côtés d'investisseurs comme ADP.  Avec 20 milliards d'euros de projets potentiellement finançables dans les pays de l'OCDE, en Amérique du Nord, dans la péninsule arabique, en Corée, au Japon et Australie, le fonds se donne douze à quatorze ans pour prendre des participations minoritaires entre 50 et 150 millions d'euros dans la mobilité (50%), la production (30%) et les nouvelles technologies (20%).

« Il y a suffisamment d'argent pour peser sur les projets structurants et stratégiques et sur l'émergence effective et réelle de l'hydrogène », explique Éric Delobel, directeur technique de Vinci Concessions.

A date et selon nos informations, le fonds a déjà débloqué 200 millions d'euros : 70 pour H2Mobility - un réseau de 90 stations d'avitaillement en Allemagne qui ambitionne d'en déployer 300 en Europe -, 70 pour Hy2Gen pour transformer le fioul en hydrogène avec un projet à Gardanne (Bouches-du-Rhône) et 60 pour la co-entreprise Enagaz Renovable, la filiale de l'équivalent espagnol GRTgaz dans les énergies renouvelables.

Une stratégie conforme à ses engagements climatiques

En réalité, conformément à ses engagements climatiques de baisser de 40% ses émissions directes et de 20% ses émissions indirectes d'ici à 2030, Vinci veut utiliser l'hydrogène pour décarboner l'industrie - 90% de l'usage actuel - et en particulier, l'aéronautique - la promesse d'un avion en 2035 -.

Pour cela, l'hydrogène devra être d'origine renouvelable - produit à partir d'éolienne ou de panneaux solaires - ou bas-carbone - via le nucléaire -. Sauf qu'aujourd'hui, l'hydrogène reste une énergie fossile, produit à 96% à partir de méthane et de gaz. La major investit donc dans les électrolyseurs qui permettent de « casser » avec de l'électricité des molécules d'eau (H2O) en oxygène (O) d'une part et hydrogène (H2) d'autre part.

Là encore, dès novembre 2020, Vinci s'est allié avec quatre acteurs privés et publics pour industrialiser la fabrication de gigafactories d'électrolyseurs. Sa branche construction détient 7% de Genvia avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (40%), Schlumberger (40%), Vicat (6,5%) et l'Agence régionale pour l'énergie et le climat en Occitanie (5%).

« Ce marché va être multiplié par 300 d'ici à 2030 », affirme le directeur technique de Vinci Concessions, Éric Delobel.

L'appui de sa dernière-née Cobra IS

Pour preuve, le géant du BTP a parallèlement lancé une entité baptisée « Hyfinity - EPC for hydrogen ». Dans le jargon, un « EPC » pour « engineering, procurement and construction » est une offre de conception et d'installation clé en main destinée au client final. Avec ArcelorMittal (acier) et Fertiberia (ammoniac), qui veulent décarboner leur production, elle s'apprête à installer 10.000 hectares de panneaux solaires pour produire 9,5 gigawatts d'électricité, « l'équivalent de 6 EPR ».

« Nous voulons atteindre l'hydrogène à un coût très compétitif. A force de dupliquer les usines d'électrolyse, nous ferons baisser les prix », veut croire Hugues Seutin, directeur d'Hyfinity.

Autre levier : la dernière-née du groupe coté, Cobra IS, rachetée à son concurrent espagnol ACS fin 2021. La société travaille sur une station de recharge multimodale à Murcia « autonome » à terme grâce à une centrale photovoltaïque. Une sorte de pilote avant le déploiement à plus grande échelle sur le réseau de Vinci Autoroutes.

« L'hydrogène devrait cohabiter avec l'électricité », estime le directeur général adjoint de Vinci Autoroutes. « S'il y a de la place pour l'électricité pour les courtes et moyennes distances, l'hydrogène a toutes ses chances pour remporter le segment de la longue distance, et notamment le transport de marchandises », ajoute Christophe Hug.

  « Tous les ingrédients sont réunis »

Toujours en matière de transport, la major a signé des partenariats avec Air Liquide, Airbus et Dassault Aviation pour s'y préparer à Lyon Saint-Exupéry. A horizon 2023, l'aéroport accueillera une station de « quelques centaines de kilos » pour la mobilité légère - un plein équivaut à 5 kg -. Suivi à horizon 2025 d'une station pour les engins de piste « en partie » alimentée grâce à des panneaux solaires, et en 2030 de l'hydrogène liquide pour les avions.

« Nous avons établi des projets à court-terme et une vision à moyen et long-terme mais nous ne sommes pas encore tout à fait sur un marché installé », résume le PDG de Vinci. « C'est aujourd'hui que ça décolle car tous les ingrédients sont réunis », poursuit Xavier Huillard.

Le géant français du BTP, des infrastructures et des concessions de transport, aéroportuaires, autoroutières et ferroviaires, se dit pourtant « incapable de savoir » ce que cela va rapporter en chiffre d'affaires et en termes de rentabilité. « La question de l'investissement ne se pose pas aujourd'hui (...) Nous aurons sans doute des opportunités d'investir dans des projets de long terme, mais ce sera au cas par cas », embraye-t-il.

Les « avancées » de la stratégie hydrogène bientôt dévoilées

Hasard du calendrier, la Première ministre dévoilera mercredi 28 septembre, les « avancées » de la stratégie hydrogène du gouvernement dans le cadre de « France 2030 ». En visite chez Plastic Omnium, Elisabeth Borne sera accompagnée du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, du ministre de l'Industrie Roland Lescure et de la secrétaire d'Etat à l'Europe Laurence Boone.

Le patron de Vinci a déjà un message pour elle : « trop de délais se cumulent, trop de contraintes rendent difficiles la cristallisation de projets », regrette-t-il. Sans citer le projet de loi sur l'accélération des énergies renouvelables, présenté ce 26 septembre en Conseil des ministres, il estime que « la prise de conscience de l'urgence va conduire le gouvernement à modifier les procédures ». « Des choix vont faire râler, mais c'est une absolue nécessité », conclut Xavier Huillard.

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César Armand

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