Le système électrique français supportera-t-il la montée en puissance attendue de la mobilité électrique ? RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité dont la principale mission consiste à assurer en permanence l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, n'en a aucun doute.
"Le système électrique français est prêt pour un développement massif de la mobilité électrique", a affirmé Maïté Jaureguy-Naudin, la directrice innovation et données de RTE, lors d'une conférence de presse le 10 juin dernier.
A l'horizon 2035, quelque 16 millions de véhicules électriques devraient circuler sur les routes tricolores, contre près de 600.000 voitures électriques et hybrides aujourd'hui. Ces véhicules devront régulièrement être rechargés. Mais cette nouvelle demande en électricité n'entraînera pas de difficultés pour le réseau, assure RTE. Autrement-dit, ces nouveaux usages ne provoqueront pas de coupures d'électricité.
Un seul point de vigilance : les vacances de Noël
"La production d'électricité sera suffisante pour accueillir le développement de la mobilité électrique. Nous sommes confiants sur la capacité du système électrique à absorber cette consommation", a affirmé la directrice innovation.
Dans le détail, selon les prévisions du gestionnaire du réseau, la production d'électricité devrait atteindre 615 térawattheures (TWh) à l'horizon 2035. Selon les scénarios, la consommation d'électricité liée aux recharges des véhicules électriques devrait représenter entre 5 et 10% de cette production à ce même horizon, soit entre 30 et 55 TWh.
RTE émet un seul point de vigilance lors des départs de vacances de Noël, dans le cas où ces départs seraient concomitants avec une vague de froid. A cette période, tous les propriétaires de véhicule électrique voudront faire "le plein de batterie" en même temps, avant de prendre la route. Or, les hivers sont souvent tendus pour le gestionnaire du réseau, qui doit régulièrement faire face à des pics de consommation de 100 GW, liés notamment au recours massif au chauffage électrique dans les bâtiments.
Une opportunité pour le réseau électrique
Hormis ce point de vigilance, RTE reste confiant et même très optimiste. Le gestionnaire estime, en effet, que le développement de la mobilité électrique peut constituer une opportunité pour le réseau.
"La mobilité électrique pourrait même améliorer les marges de sécurité dont a besoin RTE, en stockant ou déstockant l'électricité des batteries, pour gérer par exemple les aléas climatiques : vague de froid et hausse de consommation", avance Maïté Jaureguy-Naudin.
En effet, grâce à des technologies dites de "Vehicle-to-grid" (V2G), les voitures électriques pourraient aussi envoyer de l'électricité sur le réseau lorsqu'elles ne sont pas utilisées. Les véhicules ne seront donc pas que des consommateurs d'électricité, mais aussi des producteurs. Ils pourraient notamment alimenter le réseau lors des pics de consommation, les soirs d'hiver, vers 19 heures, lors des retours du travail.
Plus largement, les véhicules de particuliers ne sont utilisés que 4% du temps en moyenne.
"Nous avons donc une réserve de batteries de véhicules électriques assez conséquente. L'enjeu est de savoir comment utiliser ce réservoir d'électricité disponible", souligne Maïté Jaureguy-Naudin.
Baisser les coûts de la technologie V2G
Toutefois, ces technologies restent aujourd'hui coûteuses pour les constructeurs et encore peu développées. Actuellement, seuls les véhicules électriques du constructeur Nissan sont massivement équipés d'une technologie V2G, mais cette fonctionnalité ne peut être mise en œuvre qu'avec un seul type de borne de recharge, explique RTE.
De son côté, Renault planche actuellement sur une fonctionnalité V2G embarquée dans les véhicules et compatible avec toutes les bornes de recharge disponibles sur le marché. Cette fonctionnalité représenterait toutefois un coût supplémentaire compris entre 100 et 150 euros par voiture, rapporte RTE. Ce surcoût peut paraître anodin mais cela reste beaucoup pour un constructeur automobile exposé à une concurrence accrue.
Un milliard d'économies pour la collectivité
Dans sa conclusion, RTE estime enfin que le boom de la mobilité électrique, si elle est accompagnée d'un pilotage de la recharge, pourrait générer un bénéfice économique supérieur à un milliard d'euros par an pour la collectivité. Concrètement, le pilotage consiste à encourager la recharge des véhicules électriques, et donc la consommation d'électricité, sur des moments de production d'électricité, afin de synchroniser consommation et production.
Plusieurs facteurs peuvent nourrir cette économie pour la collectivité. Placer la consommation électrique au bon moment permet d'éviter la modulation du parc nucléaire, qui est coûteuse pour la collectivité. Cela permet aussi d'utiliser toute la production des énergies renouvelables, d'éviter son écrêtement, et donc son gaspillage. Enfin, ce nouveau marché pour la production d'énergies renouvelables contribue à la rendre plus compétitive et donc à diminuer le besoin de subventions.
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