Sueurs froides pour les industriels : les syndicats bloquent l’arrivée du GNL et les stockages de gaz

Les quatre terminaux français permettant d'importer le précieux GNL sont à l'arrêt pour sept jours. Les sites de stockage, permettant de compenser ces arrêts, sont eux bloqués pour au moins 24 heures. Selon les syndicats, si cette situation perdure jusqu'à la fin de la semaine, certains industriels seraient contraints de réduire leur consommation gazière. Un moyen pour eux de faire pression sur le gouvernement décidé à faire adopter son projet de réforme des retraites. Dans le même temps, les raffineries étaient également bloquées tandis que la grève a fortement impacté la production d'électricité.
Juliette Raynal
Vue aérienne du terminal méthanier de Fos Cavaou, l'un des quatre terminaux méthaniers français.
Vue aérienne du terminal méthanier de Fos Cavaou, l'un des quatre terminaux méthaniers français. (Crédits : Elengy - Vincent Tricart)

« C'est très tendu du côté du gaz », prévient Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la CGT Énergie. Les quatre terminaux méthaniers permettant d'alimenter la France en Gaz naturel liquéfié (GNL) sont à l'arrêt jusqu'au 13 mars prochain, tandis que l'ensemble des 14 sites de stockages de gaz sont également bloqués depuis 8h30 ce matin. « Les quatre terminaux méthaniers et les sites de stockage représentent plus que toutes les capacités de production d'électricité. A partir de très peu de sites, on vient paralyser le système », souligne Fabrice Coudour.

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Ces blocages constituent, en effet, de puissants leviers aux mains des syndicats de l'énergie, fermement décidés à faire plier le gouvernement sur la réforme des retraites, afin notamment de conserver leur régime spécial propre à la branche des Industries électriques et gazières (IEG). Ce sont, en effet, des outils industriels éminemment stratégiques pour la sécurité d'approvisionnement en gaz de la France depuis l'invasion russe de l'Ukraine il y a un an.

Quatre terminaux GNL stratégiques à l'arrêt

Alors que l'Hexagone ne reçoit plus aucune molécule russe par pipeline depuis cet été, le pays s'est largement tourné vers le GNL, essentiellement importé depuis les Etats-Unis. Les trois terminaux d'Elengy (filiale d'Engie) ont ainsi vu leur activité grimper en flèche (+70%) avec l'accueil de 330 navires méthaniers en 2022, ce qui correspond quasiment à l'arrivée d'un navire par jour.

Or, ces trois terminaux, situés à Fos-sur-Mer (Bouches du Rhône) pour deux d'entre eux, et à Saint Nazaire (Loire Atlantique), sont complètement à l'arrêt confirme Elengy à La Tribune. Aucun navire n'arrive, aucun navire n'est déchargé et aucun gaz n'est injecté dans le réseau opéré par GRTgaz. Même scénario pour le terminal méthanier de Dunkerque LNG, le quatrième et dernier que compte la France.

Dans ce contexte, pour compenser l'absence d'approvisionnement en GNL, les 14 sites de stockage (12 opérés par Storengy, filiale d'Engie, et deux par Terega) doivent être sollicités à 100%. Ces sites sont remplis de gaz l'été, lorsque la demande est faible, pour pouvoir injecter du gaz sur le réseau l'hiver, lorsque la consommation augmente. Plus le débit de sous-tirage est fort, plus le volume de gaz alimentant le réseau est important.

Baisse de débit sur trois sites de stockage majeurs

Or, les grévistes de Storengy viennent d'acter en accord avec leur direction une baisse de débit du sous-tirage sur trois sites de stockage : à Chémery (Loir et Cher), qui est le plus grand site de stockage d'Europe, à Gournay sur Aronde (Oise) le deuxième site le plus important du Vieux Continent ainsi qu'à Etrez (Ain), un site de taille plus petite, mais stratégique pour l'alimentation de la région Paca.

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En parallèle, des opérations techniques quotidiennes ne peuvent plus avoir lieu sur l'ensemble des sites de stockage en raison des blocages. « Si les camions, assurant le bon process industriel, ne peuvent pas faire des allées et venues, au bout d'un moment les sites de stockage ne pourront plus délivrer de gaz », prévient Fabrice Coudour.

Le blocage des sites de stockage a été voté pour 24 heures. Sa poursuite, ou non, sera votée demain à 8h30 lors des prochaines assemblées générales. « Nous sommes prêts à maintenir le blocage jusqu'au retrait du gouvernement. Nous avons fait les plannings et les courses pour tenir jusqu'à la fin de la semaine », raconte Frédéric Ben, responsable du secteur gaz à la FNME-CGT, depuis le piquet de grève de Gournay-sur-Aronde.

Des effacements chez les industriels à prévoir ?

« Si les choses n'évoluent pas du côté du gouvernement, la pression va baisser dans le réseau de gaz et on peut arriver à des problématiques de décrochage de la production d'électricité depuis les centrales combinées gaz, qui intervient lorsque la pression descend en dessous de 42 bars », expose Fabrice Coudour. « A l'instant T, il n'y a pas d'impact pour les usagers, mais au bout de plusieurs jours, le gestionnaire du réseau sera obligé de procéder à des effacements auprès d'industriels grand consommateurs de gaz », ajoute-t-il.

Au bout de combien de jours de blocage un tel scénario pourrait intervenir ? Le délégué fédéral ne se prononce pas. « Tout dépend de la consommation de gaz », explique-t-il. En revanche, Frédéric Ben est beaucoup plus catégorique. « D'ici la fin de la semaine, la pression dans le réseau de gaz pourrait baisser et conduire à effacer des industriels », assure-t-il.

« Faire plier le gouvernement, pas assécher le réseau »

« Nous voulons faire plier le gouvernement, pas assécher le réseau, » précise Frédéric Ben. Un tel scénario serait effectivement catastrophique. « Contrairement au réseau électrique, il faut compter environ trois mois pour remettre en service le réseau gazier. Il faut d'abord fermer les robinets chez tous les clients, remettre en pression le réseau, vérifier qu'il n'y a que du gaz dans les tuyaux et non un mélange air-gaz, puis rouvrir tous les robinets en se rendant systématiquement chez chacun », détaille-t-il. « Cela aurait, en plus, un effet domino. Les usagers se reporteraient sur l'électricité ce qui accentuerait la pointe de consommation, et pourrait faire tomber le réseau électrique aussi », poursuit-il.

« Le réseau de gaz est correctement alimenté dans un contexte de consommation modérée avec des températures douces, qui conduisent à l'arrêt spontané des centrales combinées gaz. Les importations et le sous-tirage des stockages permettent de satisfaire la demande intérieure », commente, pour sa part, le gestionnaire du réseau sans réagir directement aux alertes des syndicats. « GRTgaz reste vigilant et suit l'évolution de la situation », ajoute-t-on.

En dehors du GNL et des sites de stockage, la France peut s'appuyer, pour son approvisionnement en gaz, sur les molécules venant de Norvège et d'Algérie. Mais ces quantités sont insuffisantes pour répondre à la demande. Le réseau gazier est également alimenté par la production locale de biogaz. Ces derniers sont amenés à croître rapidement dans les mois à venir, mais ne représentent, pour l'heure, qu'une goutte (à peine 2%) de la consommation totale de gaz.

Z

OOM- Raffineries bloquées et baisse de production des centrales

La CGT a revendiqué mardi après-midi avoir la main sur 21.000 mégawatts (MW) de production électrique chez EDF, où près de la moitié des salariés étaient en grève. Les grévistes étaient responsables d'une baisse de production de quelque 13.000 MW sur les centrales thermiques et nucléaires, un niveau « historique », selon le syndicat, équivalent à une douzaine de réacteurs, et bloquaient 8.000 MW de puissance disponible sur les barrages. Des grévistes ont procédé à des coupures sauvages à Annonay (Ardèche), fief du ministre du travail Olivier Dussopt, ainsi qu'autour de Boulogne-sur-Mer et à Périgueux, contraignant le tribunal judiciaire à interrompre ses audiences. Enedis a annoncé qu'il allait porter plainte. Un blocage pourrait entraîner des retards dans la maintenance de centrales nucléaires: celui du site de Velaines (Meuse), où sont stockées des pièces. Des barrages ont aussi été érigés dans plusieurs zones industrielles, à Lesquin près de Lille, à Boulogne-sur-Mer, à Valenciennes ou à Amiens, bloquant ou filtrant les camions.

Les expéditions de carburants étaient bloquées mardi à la sortie des sept raffineries de France (TotalEnergies, Esso-ExxonMobil et Petroineos), a affirmé le syndicat CGT-Chimie. Si ces blocages se poursuivaient, ils pourraient mener à l'arrêt des raffineries, faute de place pour stocker le carburant produit, puis à des pénuries dans les stations-service, même si les professionnels estimaient mardi ce scénario encore peu probable. (

Avec AFP)

Juliette Raynal

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Commentaires 14
à écrit le 08/03/2023 à 20:39
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A quand la dissolution des syndicats terroristes qui détruisent les entreprises privées par des blocages illégaux?

à écrit le 08/03/2023 à 9:41
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L'actuel système de retraite est un vol en bande organisée aux dépens des générations futures. Toutes les propositions de financement alternatives à travailler plus relèvent de l'incitation à délocaliser plus. Nous avons le plus grand déficit commer...

à écrit le 08/03/2023 à 6:32
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Bonjour, M'importe comme les politiques n'ons rien a dire puisqu'ils sont incapable d'adopter la future retraites a leur statut... ( régime spécifique de retraite pour les parlementaires et députés). Parcompte je déplore que l'etat francais sois ...

à écrit le 08/03/2023 à 1:16
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Ici en Coree, la mise en retraite est 60 ans. Apres, si l'on souhaite continuer a turbiner rien ne s'y oppose. Le mot democratie en Coree du Sud est respecte et quand ce n'est pas le cas, ca chauffe dur. La France de micron, sarko, hollande est deve...

à écrit le 07/03/2023 à 23:21
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La notion de société (celle des hommes, pas celle du fric) semble vous être quelque peu étrangère. Renseignez-vous, l'humanité n'est pas un vain mot.

à écrit le 07/03/2023 à 23:16
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Reforme des retraites Pas de leçon à recevoir de Ciotti - les emplois fictifs de son ex femme obtenus comment ? - et de Retailleau : fidèle bras de droit de Mr le Vicomte du puy du fou , de Fillon, mis en cause comme bénéficiaire de l enquête sur ...

à écrit le 07/03/2023 à 23:10
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Sueurs chaudes pour Vladimir, on va construire une statue pour melenchon sur la place rouge

à écrit le 07/03/2023 à 23:03
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Que les sénateurs non élus démocratiquement par du clientélisme d entre soi type Lr de Ciotti et Retailleau s’appliquent une réforme des retraites digne de ce nom vu que c est nous qui payons pour eux … il est grand temps de supprimer cette « chambr...

à écrit le 07/03/2023 à 21:21
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Finalement, 4 terminaux pour 4 missile russe zircon, et la France n'a plus de gaz. C'est ca la politique Macron.

à écrit le 07/03/2023 à 19:41
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Sueurs froides "pour les industriels" ? Non, pour les salariés des entreprises concernées... Et bientôt pour les syndicats qui ne représentent plus grand chose et ceux de leurs adhérents qui commettent des abus inadmissibles sans rapport avec le droi...

à écrit le 07/03/2023 à 17:54
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Il faudra envoyer la facture à ce Monsieur Fabrice Coudour et à son syndicat la CGT. Le chant du cygne des syndicats a peut être sonné devant autant de mépris et de morgue pour les citoyens, les institutions, la démocratie. Le droit syndical ne peut...

le 07/03/2023 à 19:34
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Au contraire qu ils aillent a fond qu’ils coupent le gaz à tout ce gouvernement fils à papa qui ne se reproduisent qu entre eux.. qu’est-ce qu ils connaissent aux gens qui se lèvent à 4h30 en idf pour aller bosser à l extérieur ? A 53 ans je suis de...

le 07/03/2023 à 20:47
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Depuis que tu es passé du PS au macronisme valbel89, c'est de pire en pire tes propos ,serait-ce les trois doses de vaccin Pfizer qui te fais cet effet.On dirait du churchill maintenant.

le 07/03/2023 à 23:14
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@ gouvernementeur : C'est assez incroyable que tout un chacun évoque une incapacité à un âge donné pour discréditer le report de la retraite à 64 ans. On trouvera toujours qui même jeune peut subir une incapacité. Alors doit on abaisser la retraite à...

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