Nucléaire : Emmanuel Macron annonce la construction de 14 réacteurs (dont 8 en option)

En déplacement à Belfort pour acter le rachat des activités nucléaires de General Electric par EDF, le chef de l'Etat en a profité pour déployer sa stratégie énergétique sur le long terme, et annoncé un plan de construction de six réacteurs EPR (plus huit posés en option). Un projet gigantesque pour l'instant suspendu à son éventuelle réélection au scrutin présidentiel, et qui soulève des défis à la fois financiers et industriels. Explications.
(Crédits : Reuters)

Presque cinquante ans après le plan Messmer, ce vaste programme de construction de réacteurs nucléaires qui déboucha sur le parc actuel, c'est un nouveau projet industriel qui pourrait signer le grand retour de l'atome civil sur le territoire français. Et même la « renaissance », selon les termes d'Emmanuel Macron, de cette filière marquée par une « décennie de doutes », à la suite notamment de l'accident japonais de Fukushima.

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Et pour cause, le chef de l'Etat a dessiné ce jeudi, à l'occasion de son déplacement à Belfort pour acter le rachat par EDF des activités nucléaires de General Electric, les contours d'un programme énergétique où cette source d'énergie décarbonée trouverait toute sa place. Et annoncé la commande auprès de l'opérateur historique de six nouveaux EPR, ces réacteurs de troisième génération, ainsi qu'une option pour huit supplémentaires, pour lesquels des études seront lancées.

« Compte tenu des besoins en électricité, il est nécessaire d'anticiper la transition, et la fin du parc existant qui ne pourra être prolongé indéfiniment. [...] Si nous voulons respecter nos engagements climatiques, réduire notre dépendance aux cours mondiaux, assurer le développement industriel de notre pays ou maîtriser la facture d'énergie des Français, nous devons engager sans attendre des chantiers structurants pour notre économie », a-t-il ainsi affirmé.

Quant au parc existant, le chef de l'Etat a affiché son souhait de « prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l'être », après avoir pourtant acté il y a quatre ans la fermeture de la centrale de Fessenheim, encore opérationnelle à l'époque. « Je demande à EDF d'étudier les conditions de prolongation au-delà de 50 ans, en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire », a-t-il ainsi annoncé jeudi.

Pallier l'intermittence des renouvelables

Et pour cause, s'il ne s'agit pas d'abandonner les investissements dans les énergies renouvelables, qu'il faudra « développer massivement », le nucléaire sera « nécessaire » en complément de celles-ci, a justifié Emmanuel Macron. Et ce, afin de pallier leur intermittence, notamment pour l'éolien et le solaire photovoltaïque, qui sont autant de sources d'électricité non pilotables et non stockables sur le long cours.

« A ceux qui affirment que nous n'aurons pas besoin du nucléaire, je souhaite exposer en toute transparence : imagine-t-on une France où nous aurons 40.000 éoliennes, contre 8.000 aujourd'hui, et 90 parcs éoliens offshore, alors que la France a mis 10 ans pour en construire un ?  Imagine-t-on une France totalement dépendante en termes d'énergies non intermittentes, et devant importer de l'énergie carbonée ? Ce serait cela, la France où l'on ne réinvestirait pas dans le nucléaire civil », a défendu le chef de l'Etat.

Le président de la République a notamment évoqué les scénarios « Futurs énergétiques 2050 » du gestionnaire de réseau RTE, publiés en octobre dernier, afin d'appuyer ses propos. Et affirmé que ceux-ci « montrent qu'il n'y a pas d'autres choix que de miser en même temps sur les deux piliers » que sont les renouvelables et l'atome. Pourtant, sur les six trajectoires possibles afin d'atteindre la neutralité carbone d'ici à la moitié du siècle présentées par RTE, trois ne retiennent aucune relance du nucléaire, et l'une mise même sur 100% d'énergie renouvelable - même si cette dernière option s'avère plus risquée et coûteuse.

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Large consultation publique

Concrètement, le gouvernement compte désormais « engager des études préparatoires », définir des lieux d'implantation, et travailler sur la « montée en charge de la filière ». Fin 2020 déjà, le Conseil d'administration d'EDF avait identifié formellement les sites capables d'accueillir les futurs EPR, à la centrale de Penly (Seine-Maritime), de Gravelines (Nord) et dans la région Rhône-Alpes. Dans la foulée, Jean-Bernard Lévy avait reçu plusieurs élus normands pour prendre acte de leur soutien.

Par ailleurs, la Commission nationale du débat public sera saisie, et une « large consultation » sera organisée sur le sujet dès le second semestre de 2022, a assuré le chef de l'Etat. Quant à la loi PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie), celle-ci sera révisée par le Parlement « dès 2023 ». Autant d'échéances évidemment suspendues aux résultats du scrutin présidentiel et à une éventuelle réélection d'Emmanuel Macron, même si celui-ci n'est toujours pas officiellement candidat.

La question des coûts

Surtout, se posera la question épineuse du financement d'un tel programme. Et pour cause, outre le défi industriel, la Cour des comptes avait en effet souligné en 2020 l'importance de cet enjeu, chiffrant le coût de construction de six EPR2 à 46 milliards d'euros. Un montant qui pourrait être sous-estimé, d'autant que le seul EPR actuellement en chantier en France, celui de Flamanville (Manche), a récemment annoncé un nouveau débordement de la facture, et vu son prix plus que triplé par rapport au budget initial (de 3,3 à 12,7 milliards d'euros).

Ainsi, selon un document de travail daté d'octobre publié par Contexte, l'administration a revu à la hausse le coût de construction de 6 EPR, qui irait de 52-56 milliards d'euros à 64 milliards. Soit une hausse de 13%, imputée par EDF au génie civil et à la réalisation de l'îlot nucléaire et à « l'ampleur des travaux de préparation de site ».

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A cet égard, Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi que l'Etat engagera des « plans financiers massifs de plusieurs dizaines de milliards d'euros ». Par ailleurs, une direction de programme interministérielle dédiée à l'atome civil verra le jour, de manière à coordonner le pilotage du programme, et à « s'assurer du respect des coûts et des délais », a-t-il précisé.

« C'est d'autant plus important qu'EDF traverse une période difficile. L'Etat prendra ses responsabilités pour sécuriser la sécurité financière d'EDF et ses capacités de financement à court et moyen terme », a insisté le chef de l'Etat

Objectif :  débuter le chantier « à horizon 2028 », pour une mise en service du premier EPR « à horizon 2035 ». Un calendrier pour le moins ambitieux, qui interroge sur la faisabilité industrielle d'un tel projet de relance de l'atome, après des années d'atermoiements sur la question.

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Commentaires 27
à écrit le 06/04/2022 à 13:39
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la Chine a installé 47,6 gigawatts d’éolien en 2021, dont 16,9 GW d’éolien offshore. 15 GW c est l equivalent de 10 EPR (equivalent en puissance et disponibilite pour l eolien offshore)

à écrit le 12/02/2022 à 9:39
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"Emmanuel Macron annonce la construction de 14 réacteurs " Reste plus qu'à trouver des soudeurs.

à écrit le 11/02/2022 à 18:59
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Quand on compte sur le reste de l'Europe pour financer notre politique énergétique en signifiant qu'ils vont profité d'une alimentation en énergie et en comptant sur la France pour la sécurité des centrales! C'est voir loin dans l'apocalypse! La révé...

à écrit le 11/02/2022 à 18:56
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Continuer l'empoisonnement de la planète avec les matières les plus toxiques jamais créées – combustible “usée”. Homo Sapiens? Non, Homo Stultissimus. Et Homo Pathologicus.

à écrit le 11/02/2022 à 11:59
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Ce que l'on constate, c'est un consensus sur les énergies vertes mais quand il faut les mettre en oeuvre, la préservation des paysages, des oiseaux, de la tranquillité du voisinage, la perte de valeurs de l'immobilier de proximité dressent un barrage...

le 11/02/2022 à 17:38
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Si pour vous, l'éolien est une énergie verte, c'est que vous n'avez pas compris grand chose à l'écologie. Au-delà de la catastrophe environnementale que cette filière illustre à grande échelle, elle va, en France tout au moins, à l'encontre des obj...

à écrit le 11/02/2022 à 11:28
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L'idée de faire des EPR était bonne à la base. Il devait y avoir des sécurités supplémentaires et une modernisation par rapport aux centrales antérieures. Au niveau de la mise en oeuvre c'est plus compliqué et on se heurte aux limites de ce qu'il ...

le 11/02/2022 à 17:43
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Quand depuis plus de 20 ans, un certain nombre de gens organise un sabotage minutieux de la filière nucléaire, il ne faut pas s'étonner que l'on ait quelques difficultés en final. C'était bien le but rechercher, non?

à écrit le 11/02/2022 à 11:22
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Comme par hasard, ça tombe juste après les gels tarifaires pré-présidentiels (pour être réélu ?). Est-ce une pirouette pour faire oublier la mise en place de ces gels tarifaires, au dépend et contre l'avis du grand énergéticien ? Sûrement.

à écrit le 11/02/2022 à 10:20
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Pourquoi se lancer dans un tel chantier alors qu'on nous annonce que la fission nucléaire, qui serait bien plus performante et surtout bien moins polluante, sera opérationnelle dans une cinquantaine d'année ?

le 11/02/2022 à 17:45
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Vous devez confondre fission et fusion?

à écrit le 11/02/2022 à 10:19
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Même si j’espérais depuis longtemps ces propositions, actuellement il est permis de s’interroger sur notre capacité industrielle disons globale pour fabriquer tous ces équipements. J’en veux pour preuve le rapport de quelque 200 pages sur le site de ...

à écrit le 11/02/2022 à 9:23
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En attendant la mise en place de toutes ces centrales , on fait quoi monsieur le président pour faire face Aux besoins ?

le 11/02/2022 à 11:00
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Selon moi, la décision unilatérale, sans concertation de la représentation nationale ou mieux encore du peuple par referendum, n'est pas le signe d'un pouvoir fort, mais au contraire d'un pouvoir faible, aux abois, face à une situation délicate, et a...

à écrit le 11/02/2022 à 8:56
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Le premier epr2 (pas encore conçu) en fonction en 2035 (et encore on est habitué aux gags). On fait comment en attendant? A terme ça va tout juste remplacer ceux qu'on devra fermer. Eh juju, t'as pas l'impression qu'il pourrait y avoir des solutions ...

à écrit le 11/02/2022 à 8:20
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C'est pas le même Macron qui a fermé la centrale de Fessenheim ? digne du capitaine de pédalo!

à écrit le 11/02/2022 à 8:10
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Et pas avec des cuves de combustible défectueuses svp ! Est-ce que le ménage a été enfin fait dans cette filière comme nécessaire ? Un secteur qui manque cruellement de lanceurs d'alerte.

à écrit le 10/02/2022 à 19:42
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Dans quelques années à la livraison de ces centrales peut être que le monde de la recherche aura solutionné les problèmes techniques de l'hydrogène ,ce qui rendra obsolète certaines centrales . La recherche va si vite ..

à écrit le 10/02/2022 à 18:59
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C'est nucléaire...ou décroissance.

à écrit le 10/02/2022 à 18:59
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Dixit l'article : "Par ailleurs, la Commission nationale du débat public sera saisie, et une « large consultation » sera organisée sur le sujet dès le second semestre de 2022, a assuré le chef de l'Etat." J'aime bien le "Par ailleurs": la journalis...

le 11/02/2022 à 18:06
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Il faut se souvenir que pour produire annuellement la même quantité d'électricité qu'un centrale nucléaire de 1600MW, il faut un peu plus de 2000 éoliennes terrestres de 3MW de puissance (hauteur totale 180m) utilisant chacune environ 2000 tonnes de ...

à écrit le 10/02/2022 à 18:49
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ok ok, produire de l'electricite, etre independant, tout ca....... sauf qu'il vide les caisses d'edf avec son plan populaire social reenchante pour tous de baisse des prix quand les prix montent, puis il remet une couche bienveillante dans la toleran...

le 10/02/2022 à 22:35
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Ils essayent juste de compenser leur connerrie qui a fait que l'avantage majeur du prix du nucléaire s'est trouvé indexé sur le gaz par leur incompétence et donc annulé... C'est une faute de faire d'une incompétence une opportunité...

à écrit le 10/02/2022 à 18:41
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Folie furieuse ! La France a déjà le plus grand nombre de réacteurs au monde. Les centrales sont mal entretenues. Si l'une avait un problème majeur, la moitié de la population devrait aller s'entasser sur l'autre moitié du pays. Et quel terrifiant hé...

le 10/02/2022 à 19:59
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"Les centrales sont mal entretenues# Vous avez travaille dans les centrales Françaises pour avancer ce constat ?

le 10/02/2022 à 20:08
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"Les centrales sont mal entretenues# Vous avez travaille dans les centrales Françaises pour avancer ce constat ? Quant au chef d etat qui demande a Edf d examiner un prolongement des réacteurs au delà de 50 ans, cela me fait rire. Au printemps 20...

le 11/02/2022 à 18:09
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J'ai l'impression que votre commentaire doit être relativiser.

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