EDF est-il capable de construire, en France, 14 EPR d'ici à 2050 comme le souhaiterait le président-candidat Emmanuel Macron ? L'électricien, lui-même, n'en est pas encore certain. En marge d'une conférence de presse, qui s'est tenue ce mercredi 13 avril, Jean-Bernard Lévy, le PDG du groupe tricolore, a expliqué qu'il n'avait pas encore remis sa copie au chef de l'Etat sur la faisabilité de construire huit réacteurs supplémentaires, en plus des six EPR sur lesquels il s'est déjà engagé.
Le 10 février dernier, Emmanuel Macron a dévoilé un vaste programme nucléaire. Il a annoncé, depuis Belfort, la construction de six EPR2 dès à présent et potentiellement huit nouveaux exemplaires en option dans les années à venir, soit 14 au total. Ce nombre n'est pas un hasard. Il correspond au scénario nucléaire le plus ambitieux à l'horizon 2050 étudié par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité.
Quelles implantations ? Quel rythme de construction ?
Mais si EDF a déjà examiné la faisabilité de construire six premiers réacteurs et identifié leurs possibles localisations (à Penly, en Seine-Maritime, à Gravelines, dans le Nord, et à Bugey dans l'Ain ou à Tricastin, dans la Drôme), ce n'est pas encore le cas pour les huit autres.
L'électricien doit donc analyser sur quels sites ces huit réacteurs supplémentaires pourraient être implantés, mais aussi les rythmes possibles pour les bureaux d'études, le génie civil, les équipements et le montage, soit les quatre grandes séquences d'un chantier de construction nucléaire.
"C'est un travail que nous avons lancé à la demande du président, qui nous dit : et si c'était 14 ? Nous avons une copie à rendre, mais elle n'est pas prête", a précisé Jean-Bernard Lévy.
Rendu de la copie prévu au troisième trimestre
Dans le détail, le PDG d'EDF a expliqué qu'il faudrait "plus de supports d'ingénierie", plus de personnes "qui font du béton", "plus d'usines qui fabriquent des cuves, des pompes et des milliers de pièces d'équipement", comme "des armoires de contrôle de commande", mais aussi "plus de monteurs qui viennent souder, assembler, câbler et tester tout cela". Et ce, même si ces huit réacteurs de type EPR ne sont "lancés qu'en 2028, en 2030 ou en 2032".
L'électricien explique qu'il doit aussi prendre en compte, dans son étude, l'hypothèse de nouvelles constructions d'EPR à l'étranger, notamment au Royaume-Uni, en Pologne ou encore en Inde, où il espère décrocher des contrats importants.
Jean-Bernard Lévy a précisé qu'il s'agissait d'un travail qui avait débuté "il y a seulement quelques semaines". EDF devrait ainsi rendre sa copie dans "les mois qui viennent", vraisemblablement au troisième trimestre de l'année.
Remous entre EDF et l'exécutif
La tenue de ces propos devant la presse, à seulement quelques jours du second tour de l'élection présidentielle, peut étonner. Ils interviennent, par ailleurs, après une période houleuse entre l'électricien et le gouvernement. En effet, face à la flambée des prix de l'énergie, le gouvernement a demandé à EDF d'augmenter de 20% le volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents cette année, pour le faire passer de 100 à 120 terrawattheures (TWh). Ce qui devrait coûter de l'ordre de 8 milliards d'euros au groupe. Une mesure qui a conduit les salariés d'EDF à une grève massive en janvier dernier, avec un taux de participation supérieur à 40%. Fait rare, dans un message interne adressé aux cadres d'EDF, Jean-Bernard Lévy avait, lui-même, vivement critiqué la décision du gouvernement, en évoquant un "véritable choc".
Ce n'est pas la seule divergence entre le PDG de l'électricien et l'exécutif. En 2020, par exemple, Jean-Bernard Lévy n'avait pas caché son scepticisme quant à l'utilité pour son groupe public de racheter les turbines Arabelle à GE Steam Power. Opération vivement poussée par le gouvernement. "En turbines, je peux me fournir en Chine", avait-il glissé. Quelques mois plus tard, Jean-Bernard Lévy a finalement répondu présent, avec la signature d'un accord d'exclusivité pour l'acquisition d'une partie des activités nucléaires de GE Steam Power, en février dernier.
Malgré ces désaccords, le patron d'EDF bénéficie du soutien de l'Etat. Et, selon nos informations, il devrait aller jusqu'à la fin de son mandat (prévue en mai 2023), si Emmanuel Macron était réélu président de la République le 24 avril prochain. Pour rappel, Jean-Bernard Lévy est le seul président du groupe a avoir obtenu de l'Etat un deuxième mandat.
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