Pollution de l’air : l’Etat condamné à indemniser des victimes, une première en France

Le Tribunal administratif de Paris a condamné l’Etat à verser une indemnité à des victimes de la pollution de l’air. Les décisions concernent deux enfants victimes de bronchiolites et otites à répétition alors qu'ils habitaient en région parisienne à proximité du boulevard périphérique. Une décision inédite mais encadrée de multiples conditions.
L'Etat a été  condamné à indemniser des victimes de la pollution de l'air pour la première fois en France.
L'Etat a été condamné à indemniser des victimes de la pollution de l'air pour la première fois en France. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

C'est inédit en France : l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Paris à indemniser des victimes de la pollution de l'air, estimant qu'une partie des symptômes de bronchiolite et d'otite de deux enfants étaient dus au dépassement des seuils de pollution en région parisienne. Pour François Lafforgue, avocat des familles aux côtés de Hermine Baron « ces deux décisions sont inédites et importantes. Pour la première fois en France, des victimes de la pollution de l'air sont indemnisées. », a-t-il indiqué à l'AFP, confirmant une information du Monde.

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Ces jugements concernent deux enfants victimes de bronchiolites et otites à répétition au cours de leurs deux premières années de vie, alors qu'ils habitaient en région parisienne, à 500 et 700 mètres du boulevard périphérique qui ceint la capitale. La pollution de l'air y est particulièrement élevée. En cause, les émissions de polluants des véhicules, nombreux sur cet axe de circulation parisien. « Une partie des symptômes » dont ont souffert les deux filles a été « causée par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l'Etat », a estimé la juge administrative. Les parents ont reçu 3.000 et 2.000 euros d'indemnité, une somme toutefois bien inférieure aux 219.000 et 222.000 euros réclamés.

Les effets sur la santé prouvés

Dans deux décisions similaires rendues vendredi 16 juin, le juge cite des avis scientifiques attribuant environ 30% des otites moyennes et entre 30% et 50% des bronchiolites sévères à la pollution.

« A plusieurs reprises », les symptômes des deux fillettes « ont coïncidé avec des épisodes de pollution », relève, en effet, le tribunal. La justice pointe également une « amélioration nette de l'état de santé » observée après le déménagement des familles loin de Paris.

« Ces éléments nous ont permis d'établir le lien de causalité entre la faute de l'Etat et les préjudices subis par les enfants », commente Me Lafforgue. « Le tribunal n'a pas ouvert une boîte de Pandore », explique toutefois l'avocat, le jugement ayant « encadré l'indemnisation » de multiples conditions. « Il faut que l'exposition soit sérieuse, que les symptômes soient sérieux et en relation avec ce type de pollution ».

De nombreuses conséquences sur la santé

Les conséquences directes d'une mauvaise qualité de l'air sur la santé sont diverses : hospitalisations, crises d'asthme, AVC. « Une mauvaise qualité de l'air ambiant, même en l'absence d'épisodes de pollution - ce qu'on appelle la pollution chronique - a des effets à moyen et long terme. C'est un danger environnemental qui ne s'attaque pas seulement aux poumons comme on l'imagine, mais à d'autres organes également. Cancers, risques d'infertilité, maladies neurodégénératives font partie des conséquences », énumérait Antoine Trouche, ingénieur et responsable de la médiation scientifique à Airparif à La Tribune mi-juin.

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En 2022, en Île-de-France, la pollution de l'air a tué près de 8.000 personnes, selon le dernier bilan de l'organisme public Airparif. La région la plus peuplée d'Europe affiche ainsi un lourd bilan en proportion aux 47.000 décès annuels évitables en France causés par la pollution de l'air, que recense Santé Publique France.

L'Etat peine à se saisir du problème

La décision de ce mardi s'ajoute à celle du Conseil d'Etat qui avait déjà reconnu l'Etat responsable de la mauvaise qualité de l'air le condamnant en 2022 à une amende à la hauteur de 10 millions d'euros par semestre. Une somme qui a été portée à 20 millions d'euros en tout pour la période juillet 2021-juillet 2022.

Cette somme a notamment bénéficié aux associations de surveillance de la qualité de l'air. L'occasion pour Airparif, l'association chargée de la surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France de financer de nouvelles campagnes de mesures, de nouveaux appareils et une meilleure communication, affirme l'association.

« En 2022, les 12 millions d'habitants de la région Île-de-France ont été exposés à un air dont les concentrations en particules fines et en ozone de basse altitude dépassent les seuils recommandés par l'OMS et 11,5 millions de Franciliens pour le dioxyde d'azote », rappelle Airparif.

(Avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 21/06/2023 à 1:09
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"L'etat peine a se saisir du pb". L'etat, quel etat ?

à écrit le 20/06/2023 à 20:09
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Ce chiffre de 47.000 décès par an dû à la pollution n’a aucun fondement objectif car pas identifié comme cause médicale de décès, sauf à assimiler le cancer du fumeur à une pollution. !!

à écrit le 20/06/2023 à 18:36
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Épidémies de bronchiolite, et otites : on en trouve dans toute la France, y compris à la campagne. La bien-pensance est l'idéologie de notre époque ...

à écrit le 20/06/2023 à 18:14
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L'Etat n'arr^te pas de se tirer des balles dans le pied. Airparif est (comme indiqué) une ASSOCIATION indépendante. Il vaudrait mieux une agence publique, non dogmatique... La justice, pour se donner une image d'indépendance, décide de sanctionner, à...

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