Dans le dossier très sensible du périmètre futur de l'électricien national EDF, un nouvel élément pourrait bien (re)mettre le feu aux poudres. En effet, une note préparatoire de l'administration datant du 27 juin 2022 fait aujourd'hui surface, dans laquelle est évoquée la cession d'environ 30% des activités liées à la transition énergétique du groupe. De quoi pousser le député PS Philippe Brun à affirmer, dans un nouveau rapport parlementaire où est citée ladite note, que le projet de « démantèlement » d'EDF reste dans les tuyaux, avec une séparation des activités nucléaires et renouvelables, et une privatisation de ces dernières. De son côté pourtant, le gouvernement dément formellement cette « allégation », et assure que cela n'a « jamais été [son] intention, pas plus aujourd'hui que par le passé ». Au point de convoquer la presse ce lundi, afin de déminer le terrain.
« Ce sont des documents internes de travail de l'administration. [...] Ce qui compte, ce sont les décisions prises au niveau politique. [...] Le gouvernement veut garder un groupe intégré [...] et avoir un EDF qui se développe dans les métiers de la transition énergétique ! », a insisté le cabinet du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, auprès des journalistes.
Pourtant, dans son ancien projet de réorganisation baptisé « Hercule », puis « Grand EDF », l'exécutif espérait ramener intégralement les activités nucléaires dans le giron public, en les séparant par là-même du pôle « renouvelables ». Refusée par les syndicats, vent debout contre une « dislocation » d'EDF, et par la Commission européenne, inquiète d'un nouveau monopole d'Etat, cette idée avait finalement été abandonnée à l'été 2021.
Préparer une nouvelle base de négociations
Mais dans son rapport, Philippe Brun affirme que la note confidentielle de juin dernier, qu'il a pu consulter, indique que la renationalisation à 100% d'EDF (lancée il y a quelques mois par l'Etat, et examinée par l'Autorité des marchés financiers) permettrait de « préparer sur une base nouvelle les négociations (régulation du nucléaire et réorganisation du groupe) à venir avec l'ensemble des parties prenantes ». Toujours selon cette note, l'opération de sortie de la cote boursière d'EDF ferait en sorte d'éviter de « débuter par une réorganisation du groupe [qui] enverrait un signal négatif aux organisations syndicales [lesquelles] ne manqueraient pas de se mobiliser fortement comme elles l'avaient fait lors des projets Hercule/Grand EDF ».
«Toutes les notes préparatoires à l'opération de montée en capital de l'État que j'ai pu consulter évoquent les futures négociations avec les parties prenantes - comprendre la Commission européenne - sur la régulation du nucléaire et la réorganisation du groupe », ajoute Philippe Brun dans un entretien avec Marianne, publié mardi dernier.
De quoi faire écho aux déclarations du 17 mars dernier d'Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidentielle, puisque le chef de l'Etat avait à ce moment ouvert la voie à de nouvelles discussions sur le sujet en cas de réélection. « Je pense que sur une partie des activités les plus régaliennes, il faut considérer que l'Etat doit reprendre du capital, ce qui va d'ailleurs avec une réforme plus large du premier électricien français », avait-il déclaré. Une mention implicite aux activités nucléaires d'EDF, après avoir acté le 10 février dernier sa volonté de relancer l'atome civil en France, et annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR - plus huit posés en option sur le plus long terme -, ainsi que la prolongation « le plus longtemps possible » du parc existant.
Trois grands chantiers prioritaires
Néanmoins, les seules intentions de l'Etat, selon Bercy, seraient de « reprendre en main le pilotage stratégique d'EDF ». Mardi dernier déjà, Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, avait tenté de couper court aux spéculations. « Ca n'aurait aucun sens de monter à 100% au capital d'une entreprise comme EDF pour la démanteler ou la vendre par appartements, ce n'est absolument pas le sujet », avait-il souligné. Le cabinet de Bruno Le Maire se garde toutefois d'affirmer qu'il n'y aura aucune scission des activités du groupe à l'avenir, se contentant simplement de préciser que ce n'est pas à l'ordre du jour, et qu'il n'y a « pas de volonté de faire arrêter les activités d'EDF dans les renouvelables ».
L'exécutif préfère ramener les discussions aux trois grands chantiers en cours : d'abord, la mise en concurrence des concessions hydroélectriques demandée par la Commission européenne, que le gouvernement « souhaite éviter ». Ensuite, l'élaboration d'un système alternatif à celui de l'ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), qui oblige EDF à vendre chaque année 100 TWh de sa production nucléaire à bas prix à ses concurrents, mais dont la fin est prévue en 2025. Enfin, il s'agira de régler le « sujet du financement du nouveau nucléaire », alors qu'EDF accumule près de 60 milliards d'euros de dettes. « Ce sont sur ces sujets que l'Etat va discuter, d'abord au niveau du management du groupe », fait-on valoir à Bercy. Reste à voir quelle position adoptera Luc Rémont, le futur PDG d'EDF dont la prise de poste pourrait intervenir au cours des deux dernières semaines de novembre.
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