Se passer du nucléaire en France "est totalement illusoire" pour les industriels du secteur

Cartographie des compétences, communication auprès des étudiants, lobbying à Bruxelles, préparation du salon international WNE... Le groupement des industriels français de l’énergie nucléaire mène de front plusieurs grands chantiers pour permettre à la filière de mettre en service six nouveaux EPR d'ici à 2035. Une préparation qui se fait à marche forcée sans attendre la décision de l'Etat en la matière.
Cécile Arbouille est la déléguée générale du Gifen, le syndicat des professionnels de l'industrie nucléaire française, créé il y a trois ans.
Cécile Arbouille est la déléguée générale du Gifen, le syndicat des professionnels de l'industrie nucléaire française, créé il y a trois ans. (Crédits : Philippe Eranian)

Pour le Gifen, le syndicat professionnel de l'industrie nucléaire française, un scénario énergétique sans recours à l'atome civil, et donc uniquement basé sur les renouvelables, n'est pas une option. C'est pourtant une des pistes étudiée par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité à haute tension. En janvier dernier, dans un rapport mené conjointement avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le gestionnaire a ainsi estimé qu'un scénario 100% énergies renouvelables était techniquement possible en France à l'horizon 2050.

"Un scénario avec zéro nucléaire est totalement illusoire, rétorque Cécile Arbouille, la déléguée générale du Gifen. Un tel scénario aurait un impact direct sur nos modes de vie car l'électricité se stocke toujours mal et les énergies renouvelables sont intermittentes", précise-t-elle, en rappelant que "RTE doit se prononcer à l'automne prochain sur les impacts environnementaux, économiques et sociétaux de ce scénario."

Alors que la décision de lancer, ou non, un nouveau programme nucléaire en France n'interviendra qu'en 2023 (après la mise en service de l'EPR de Flamanville, prévue fin 2022), le syndicat professionnel est déjà dans les starting-blocks pour permettre à la filière de mettre en service six nouveaux EPR d'ici à 2035 afin de remplacer une partie des réacteurs anciens qui seront définitivement arrêtés.

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Se préparer indépendamment de la décision de l'Etat

"Le nucléaire est une filière de temps long. Si la décision est prise dans 18 mois, il ne sera pas trop tard, mais plus on attend, moins c'est optimisé. Quoi qu'il en soit, nous nous préparons indépendamment de la décision de l'Etat", explique Cécile Arbouille.

Le premier grand chantier pour la filière consiste à s'assurer que toutes les compétences seront au rendez-vous, alors qu'elle peine aujourd'hui à recruter sur une dizaine de métiers en tension. "Ce ne sont pas forcément des métiers propres au nucléaire, mais des métiers recherchés dans toute l'industrie", précise la déléguée générale. Parmi eux : électriciens industriels, chaudronniers, mécaniciens spécialistes des machines tournantes ou encore soudeurs.

Dans cette optique, le Gifen vient de décrocher auprès de l'Etat un "Engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC)". Il se traduit par un travail de cartographie des compétences, subventionné à hauteur de 1,5 million d'euros.

Cartographier les compétences

"L'idée est de dresser un état des lieux des compétences telles qu'elles existent aujourd'hui, d'identifier les futurs besoins des donneurs d'ordre et de mettre en place les formations nécessaires et de communiquer pour attirer les jeunes et les personnes en reconversion", détaille Cécile Arbouille.

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Les travaux, qui doivent débuter à la rentrée, se concentreront sur 60 emplois déclinés dans 18 familles de métiers. "Il faut aller voir quantitativement combien il existe de personnes qualifiées pour chacun de ces emplois et où elles se situent géographiquement, tout en prenant en compte la notion d'âge et d'expérience pour faire de la prospective", complète la déléguée générale.

Cette cartographie n'est pas le seul sujet brûlant du Gifen. En parallèle, le syndicat travaille en étroite collaboration avec Foratom, qui regroupe les industriels européens du nucléaire, qui fait du lobbying à Bruxelles. La Commission européenne doit en effet trancher dans les mois à venir sur l'intégration, ou non, du nucléaire dans la taxonomie verte. Pour soutenir la finance durable, cette taxonomie servira à trier les activités selon leur caractère bénéfique, ou non, dans la lutte contre le changement climatique.

Intégrer le nucléaire dans la taxonomie européenne

"C'est un sujet majeur pour la filière nucléaire et pour ses investissements futurs. Si le nucléaire n'est pas retenu dans la taxonomie, ce sera un élément de grande complexification", prévient Cécile Arbouille.

La question de l'intégration du nucléaire dans cette classification agite, depuis plusieurs semaines, les sphères politiques et industrielles. L'énergie nucléaire émet très peu de CO2, permettant à l'Hexagone de proposer une électricité peu carbonée, mais l'infrastructure devient vieillissante et la problématique des déchets reste irrésolue.

"96 % du combustible usé est recyclé. Certains déchets radioactifs de moyenne et haute activité ou à vie longue sont stockés en toute sûreté. Le nucléaire est la seule filière qui maîtrise de bout en bout la traçabilité de ses déchets", défend Cécile Arbouille.

Au-devant des arguments scientifiques, force est de constater que le sujet a pris une tournure politique et militante : son intégration tuerait l'esprit de la taxonomie, avertissent plusieurs ONG. Et quand la Hongrie ou la Pologne la défendent corps et âme, l'Allemagne (qui a décidé d'arrêter le nucléaire après Fukushima) et l'Autriche s'y opposent fermement.

"Le nucléaire fait appel à des convictions et des idéologies très fortes. Le débat se déplace ainsi très rapidement sur des peurs irrationnelles que génère ce moyen de production", constate Cécile Arbouille.

Organiser le "Bourget du nucléaire"

Le Gifen espère d'ailleurs que le dysfonctionnement révélé au sein de l'EPR de Taishan en Chine ne nuira pas à l'image de la filière française. Mettre en avant le savoir-faire tricolore, c'est justement le dernier grand chantier du syndicat à l'approche du World nuclear exhibition (WNE), qui se tiendra du 30 novembre au 2 décembre prochain.

Présenté comme le "Bourget du nucléaire", le salon doit réunir tous les grands acteurs mondiaux du nucléaire : industriels, exploitants et donneurs d'ordres. La précédente édition avait réuni plus de 22.000 visiteurs issus de 60 pays. Cette année, une journée entière sera consacrée aux SMR, les petits réacteurs modulaires. Un marché en devenir et très compétitif sur lequel EDF entend tirer son épingle du jeu grâce à son projet Nuward.

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Commentaires 7
à écrit le 01/07/2021 à 14:43
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En voilà une qui ne sait pas que le 'uclraite qui ne se pilote pas contrairement à une légende, stoke ses productions nocturnes dand des millions de m3 d' eau sanitaire y compris chez elle.

à écrit le 01/07/2021 à 14:42
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En voilà une qui ne sait pas que le 'uclraite qui ne se pilote pas contrairement à une légende, stoke ses productions nocturnes dand des millions de m3 d' eau sanitaire y compris chez elle.

à écrit le 01/07/2021 à 0:30
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le probleme du nucleaire est que personne n en veut c est trop cher ( 120 euros le MWH nucleaire produit contre 40 euros le MWH eolien produit) c est trop long a construir ( 12 a 15 ans) (parc eolien offshore de puissance equivalente se construit e...

le 01/07/2021 à 20:12
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Michel, vous êtes de Greenpeace ou d'EELV? Si c'est le cas, n'oubliez pas de rappeler vos conflits d'intérêts dans vos messages.

à écrit le 30/06/2021 à 23:54
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Au debut, l'EPR Flamanville allait couter 3 milliards. En 2016 a un cout de 10,5 milliard, EDF disait que les futurs EPRs allaient couter 5 milliards. Le cout maintenant de Flamanville s'agit de quoi - 13 milliards? Au moins. Oikiluato ne s'est toujo...

à écrit le 30/06/2021 à 21:18
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Cette chère dame devrait consommer l'eau vivifiante de Fukushima...

à écrit le 30/06/2021 à 20:43
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En tout cas les milliardaires de la planète Ne sont pas pressés d'investir leurs argents dans sa sauvegarde ! Ils ne doivent pas avoir de mômes ? Ils ont l'air de s'en foutre royalement ! Savent ils que la fin de la France c'est 2050 dixit les média...

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