Xavier Piechaczyk, le président du directoire du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, aux côtés d'Alexandre Bompard, le directeur général de Carrefour, pour une conférence de presse commune dans un supermarché du 13ème arrondissement de Paris. En 2021, cette opération de communication aurait semblé très surprenante.
Mais aujourd'hui, à quelques mois d'un hiver probablement très tendu pour le système électrique tricolore, cette intervention apparaît bien plus logique compte tenu de la consommation électrique du géant de la grande distribution. Chaque année, les 5.500 magasins de l'enseigne en France consomment quelque 1,3 térawattheure d'électricité, soit peu ou prou l'équivalent de la consommation domestique annuelle d'une ville comme Strasbourg.
Carrefour, premier signataire
Les deux patrons se réunissaient, ce lundi 18 juillet, pour signer la charte EcoWatt, via laquelle Carrefour s'engage à réduire sa consommation d'électricité en cas de besoin l'hiver prochain. Le géant de la distribution est la première entreprise à signer ce type de partenariat. RTE, qui cherche à activer dans les mois à venir tous les leviers possibles pour diminuer la consommation électrique l'hiver prochain, espère faire des émules dans tous les secteurs économiques : industrie, transports, banque ou encore services à la personne. Des annonces, en ce sens, seront faites en septembre, indique RTE.
« Nous espérons attirer d'autres grandes entreprises avec les mêmes engagements opérationnels », a déclaré Xavier Piechaczyk.
Le gestionnaire a également signé des partenariats similaires avec une cinquantaine de collectivités, comme les métropoles de Nice, de Lyon et de Bordeaux. Et, demain, mardi 19 juillet, c'est la région Bretagne qui signera la charte.
Trois raisons expliquent la situation très tendue que pourrait connaître notre système électrique l'hiver prochain. Le premier facteur est d'ordre structurel. Pendant plusieurs années, la France a fermé des moyens de production électrique pilotables, essentiellement des centrales au charbon, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050, indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais, en parallèle, le développement des autres moyens de production a pris beaucoup de retard, notamment celui de l'éolien et du photovoltaïque.
EcoWatt, la météo de l'électricité
Ensuite, le parc nucléaire est fortement affaibli, avec 27 réacteurs aujourd'hui à l'arrêt sur un total de 56, en raison notamment d'un problème de corrosion sous contrainte. Enfin, la guerre en Ukraine a conduit la Russie à réduire fortement ses livraisons de gaz vers les Vingt-Sept. Le gaz pourrait donc manquer l'hiver prochain alors que nous l'utilisons, entre autres, pour produire de l'électricité.
« S'il fait froid, le système sera très tendu », a prévenu le président du directoire de RTE.
Le système EcoWatt, présenté par RTE comme « une météo de l'électricité », permet d'avoir une visibilité sur trois jours de l'état du système électrique. Lorsque le gestionnaire anticipe des pics de consommation trop importants par rapport à l'électricité disponible, il envoie alors une alerte orange, qui encourage les consommateurs (particuliers et entreprises) à réaliser des économies d'énergie ou à décaler leur consommation en dehors des moments de la journée particulièrement tendus, c'est-à-dire le matin entre 8 et 10 heures et le soir aux alentours de 19 heures.
« L'alerte rouge envoie un message différent. Cela signifie que si nous ne faisons pas des écogestes rapidement, nous nous exposons à ce qu'il y ait des délestages en France [c'est-à-dire des coupures d'électricité organisées, ndlr] », a mis en garde Xavier Piechaczyk.
« Bien réagir » pour éviter les coupures
Toutefois, si tous les acteurs (entreprises, collectivités et ménages) s'engagent collectivement « à bien réagir » en cas de signal rouge, « il n'y a pas de raison qu'il y ait des coupures nombreuses », a-t-il nuancé. En cas de signal rouge, justement, Carrefour s'est engagé à baisser l'intensité lumineuse de son éclairage dans ses magasins, à diminuer le niveau de chauffage, à décaler dans la journée le fonctionnement de ses rôtisseurs, ou encore à moduler sa production de glace. L'enseigne affirme que ces mesures permettront de libérer entre 2,1 et 10 mégawatts (MW) de puissance. Carrefour pourra également mettre à disposition ses capacités de production représentant plus de 60 MW de puissance électrique, en mettant en route ses groupes électrogènes... qui fonctionnent toutefois au diesel.
Un devoir d'exemplarité
Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour évoque « le devoir d'exemplarité » de l'enseigne, compte tenu de la taille de « notre parc de magasins, notre rôle au sein de notre filière, au contact de milliers de fournisseurs et de millions de clients ». Il souligne la volonté du groupe de « participer à l'effort de pédagogie » pour doter les consommateurs d'une « culture de la sobriété qui doit devenir notre réflexe à tous ».
Le groupe Carrefour participe sur la base du volontariat au programme EcoWatt. Cela signifie qu'il « n'y a pas de compensation financière de la part de RTE », a précisé Xavier Piechaczyk. En revanche, « Carrefour peut valoriser ses effacements [c'est-à-dire les moments où il cesse de consommer, ndlr] sur le marché de l'effacement auprès de ses fournisseurs », a-t-il ajouté.
Outre cette possible valorisation, ces économies d'énergie permettront à Carrefour d'alléger sa facture alors, qu'en moyenne, le coût de l'énergie pour une entreprise du secteur représente 30% de son résultat net opérationnel.
Ce lundi 18 juillet, la fédération Perifem, qui rassemble l'ensemble des acteurs de la distribution pour agir sur les sujets énergétiques ou environnementaux, dévoilait également un plan d'urgence pour réduire la consommation d'énergie du secteur cet hiver. Toutefois, celui-ci n'inclut pas de convention, ni d'objectifs chiffrés.
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