Sûreté nucléaire : le niveau actuel est "bon", mais l'avenir "préoccupant"

L'évolution des incidents existants est "plutôt correcte", note l'Autorité de sûreté nucléaire lors de la présentation de son rapport annuel. Elle s'inquiète en revanche des enjeux "sans précédent" auxquels les installations devront faire face dans les prochaines années, alors que les entreprises en charge du nucléaire affichent des difficultés.
Giulietta Gamberini
Tout en étant la plus veille, Fessenheim (Haut-Rhin) est l'une des trois centrales qui "sortent par le haut" en 2015 en termes de sûreté, selon l'ASN.

Le catastrophisme n'a pas raison d'être, mais une vigilance accrue s'impose. Tel est en résumé le message transmis mercredi 25 mai par le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Quant à la sûreté "des grosses installations nucléaires", la situation est "bonne", a affirmé le président, auditionné à l'occasion de la publication du rapport annuel de l'autorité administrative indépendante.

"Quand on regarde les incidents existants, leur nature et leur nombre, les évolutions sont plutôt correctes", a-t-il expliqué.

En termes de qualité d'exploitation, il a notamment mis en avant trois centrales - Penly (Seine-Maritime), Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) et Fessenheim (Haut-Rhin) -qui"sortent plutôt par le haut" en 2015. Sans que la situation y soit "inacceptable", deux sont en revanche pointées du doigt pour s'être distinguées "négativement" : Cruas (Ardèche) et Gravelines (Nord).

La prolongation des réacteurs au delà de leurs 40 ans en question

Ce qui préoccupe l'ASN et son président est néanmoins le futur des installations, en raison des enjeux "sans précédent" auxquels elles sont actuellement confrontées. Le premier est celui de la "prolongation ou non des réacteurs EDF au delà de leurs 40 ans", qui seront atteints au niveau 2020 - sur lequel l'ASN espère pouvoir se prononcer, après instruction technique, fin 2018 ou début 2019 -, rappelle Pierre-Franck Chevet. Les autres grosses installations nucléaires, comme les usines du cycle du combustible (Areva) et des réacteurs de recherche du CEA, sont d'ailleurs elles aussi confrontées à la question de leur éventuelle prolongation, puisqu'elles datent aussi pour la plupart des années 1980, souligne l'ASN.

Autre enjeu sensible, les mesures de renforcement de la sûreté nucléaire décidées après la catastrophe de Fukushima en 2011 : si les "équipements mobiles sont complètement déployés en France", "la mise en place d'équipements mobiles est plus complexe et s'étendra sur une plus longue période", lit-on notamment dans le rapport. Enfin, la construction de nouvelles installations (EPR, Iter etc.) alourdit le contexte.

Un appel à la mise en oeuvre des réorganisations industrielles

Toutefois, tandis que ces enjeux supposent "des investissements industriels massifs", les entreprises en charge des installations nucléaires en France affichent des "difficultés financières, économiques ou budgétaires", s'inquiète Pierre-Franck Chevet, pointant du doigt un "risque pour la sûreté".  Alors que l'Etat a prévu de recapitaliser EDF et Areva d'ici fin 2016 ou début 2017, et que le premier doit racheter l'activité réacteurs du deuxième, il a donc lancé un appel "à ce que les réorganisations industrielles (...) soient mises en oeuvre et tiennent compte de la dimension sûreté des investissements". Le président de l'ASN a par ailleurs souligné la nécessité de réduire au maximum la période de transition, ainsi que de s'assurer qu'à son terme "les bonnes personnes soient aux bons postes".

Autre source de préoccupation pour Pierre-Franck Chevet : les moyens à disposition de l'ASN pour qu'elles mène ses quelque 200 inspections annuelles. L'autorité, qui compte 1000 personnes (dont 500 affectées à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, IRSN), en réclame 1200 depuis plusieurs années. Or, le gouvernement vient de lui octroyer 30 nouveaux recrutements, qui seront essentiellement mobilisés autour des nouveaux enjeux. Les récentes coupes budgétaires frappant la recherche annoncées par le gouvernement ne risquent d'ailleurs pas d'améliorer la situation, s'est inquiété l'OPECST.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 26/05/2016 à 20:42
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PFC de l'ASN réclame 200 postes de fonctionnaires mais l'administration n'a jamais amélioré la sûreté. Autant embaucher 200 ingénieurs chez Areva plutôt que 200 "clercs de notaire"

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