Teréga prépare un réseau hydrogène en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine

Les gestionnaires européens de transport de gaz continuent de poser les jalons pour mettre en place un vaste réseau d'acheminement de l'hydrogène sur le Vieux continent, en s’appuyant en partie sur les gazoducs actuels. Après que la France a cédé sur le futur pipeline H2Med entre Barcelone et Marseille, sous la pression de l’Allemagne et de l’Espagne, Teréga lance cette fois-ci un autre projet de 600 kilomètres de canalisations dans le Sud-Ouest de l'Hexagone. Mais la conversion des tuyaux existants, pour qu'ils puissent recevoir autre chose que du gaz naturel, n'est pas acquise.
Marine Godelier
Teréga affirme travailler sur la possibilité de revêtir ces canalisations avec un matériau spécifique, afin de voir ce que « cela pourrait donner sur la porosité de l'hydrogène ».
Teréga affirme travailler sur la possibilité de revêtir ces canalisations avec un matériau spécifique, afin de voir ce que « cela pourrait donner sur la porosité de l'hydrogène ». (Crédits : Teréga)

Investir dans de nouveaux gazoducs sur le territoire français...mais pour transporter de l'hydrogène décarboné. Telle est la promesse de Teréga, le deuxième gestionnaire du réseau de transport de gaz dans l'Hexagone (avec GRTgaz), qui se déploie dans le Sud-Ouest. En effet, son directeur général, Dominique Mockly, a annoncé ce mercredi matin à la presse le lancement d'un projet de 600 kilomètres de tuyaux dans les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, baptisé HySow, dans le cadre du déploiement de la dorsale européenne de l'hydrogène.

Afin de relier les lieux de production et de consommation, celui-ci sera connecté à H2Med, ce futur pipeline d'hydrogène entre Barcelone et Marseille, arraché fin 2022 par Madrid et Berlin malgré les réticences de la France. L'idée : tisser un vaste réseau destiné à transporter la précieuse molécule entre la péninsule ibérique et la France. Lequel sera évidemment relié à l'Allemagne, désireuse de sécuriser ses approvisionnements.

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Alors qu'H2Med aura, en théorie, la capacité de transporter jusqu'à 2 millions de tonnes par an d'hydrogène renouvelable dès 2030 (soit 10% de la consommation prévue en Europe en 2030), HySow pourra, lui, acheminer jusqu'à 0,5 million de tonnes par an de ce vecteur énergétique, affirme Teréga. Considérés par les deux gestionnaires du transport de gaz comme cruciaux pour la transition énergétique, les deux projets sont ainsi candidats au label de Projet d'intérêt commun (PIC), afin de recevoir des subventions européennes.

Le défi de la conversion

Reste que les défis s'avèrent nombreux. Contrairement à H2Med, qui sera construit de A à Z sans s'appuyer sur les infrastructures actuelles, 60% des canalisations concernées par HySow existent déjà, et devront donc être converties. Or, modifier les gazoducs pour leur permettre de recevoir de l'hydrogène n'est pas une tâche aisée. « Tous les experts me disent qu'il est faux de dire qu'un gazoduc pourra transporter demain de l'hydrogène, que cela suppose des travaux très lourds », avait d'ailleurs glissé Emmanuel Macron en septembre, avant de céder politiquement.

De fait, de nombreux obstacles doivent encore être levés. En effet, au-delà des questions de sécurité (l'hydrogène étant hautement inflammable), les pipes de méthane n'ont pas été pensés pour transporter de l'hydrogène, dont les molécules sont si petites qu'elles peuvent se diffuser dans la structure métallique et la fragiliser.

« On ne peut pas réutiliser les infrastructures existantes dans de larges proportions. On peut certes injecter un peu d'hydrogène dans les réseaux actuels, mais probablement pas beaucoup », explique-t-on chez RTE, le gestionnaire français du réseau de transport d'électricité.

Résultat : « Soit il faudra changer des tuyaux, même si 90% d'entre eux sont enterrés. Soit mettre des revêtements à l'intérieur, alors qu'on parle de milliers de kilomètres à l'échelle européenne », explique à La Tribune Ludovic Leroy, ingénieur énergie à IPF Training.

A cela s'ajoute la question du changement des équipements, comme les valves, les robinets, les compteurs, mais aussi les compresseurs, « absolument pas compatibles avec le transport d'hydrogène », selon l'ingénieur. D'autant que la densité volumique de ce vecteur énergétique s'avère quatre fois plus faible que celle du gaz naturel. Autrement dit, pour obtenir le même nombre de mégajoules transportés, il faudra multiplier les débits en volumes par quatre.

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Expérimentations en cours

De son côté, Teréga se montre rassurant. « Il est vrai que l'hydrogène a une fâcheuse tendance à pénétrer l'acier, car c'est une toute petite molécule. Mais moyennant un certain nombre de modifications, on pourra transiter de l'hydrogène », affirme à La Tribune Laëtitia Mahenc, responsable de projets stratégiques hydrogène. Il n'empêche qu'aujourd'hui, l'injection maximale de la fameuse molécule dans un gazoduc plafonne à 20%, dans le cadre d'une expérimentation menée par GRTgaz.

Pour y remédier, Teréga affirme donc travailler sur la possibilité de revêtir ces canalisations avec un matériau spécifique, afin de voir ce que « cela pourrait donner sur la porosité de l'hydrogène ». Autre option à l'étude : réduire la pression dans les canalisations afin d'éviter le transit d'hydrogène dans l'acier. Dans tous les cas, assure Laëtitia Mahenc, le retrofit d'infrastructures existantes resterait entre 30% et 40% moins cher que la construction d'un nouveau pipeline d'hydrogène, selon les estimations des gestionnaires de transport de gaz européen.

Incertitudes sur le coût

Il n'empêche que le projet constituera un « challenge », admet Laëtitia Mahenc. Avec, pour corollaire, de grandes incertitudes en termes de coûts. Pour l'heure, la fourchette varie du simple au double : le coût moyen du transport d'hydrogène sur 1000 km sera de 0,11 à 0,21 euros par kg d'hydrogène, estiment les transporteurs de gaz.

S'il voyait le jour, ce nouveau réseau marquerait en tout cas un glissement de paradigme en France, en constituant un jalon important de la dorsale européenne de l'hydrogène, jusqu'ici plutôt rejetée par l'Hexagone. «Tous les experts m'expliquent qu'il est aberrant de transporter de l'hydrogène de l'Espagne à la France [...] et qu'il faudrait faire l'électrolyse [pour produire de l'hydrogène, ndlr] directement sur les lieux de production », avait affirmé en septembre Emmanuel Macron. Un discours qui paraît aujourd'hui bien loin, pour le plus grand bonheur des gestionnaires de transport du gaz.

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Marine Godelier

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Commentaires 3
à écrit le 06/04/2023 à 9:55
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Il y a trois sortes distinctes de production d'hydrogéne dont les effets pervers sont différents: La filière du Reformage on injecte de la vapeur surchauffée sur du méthane par exemple il en sort de l'H2 et beaucoup de CO2, la Pyrolyse il en sort du ...

à écrit le 05/04/2023 à 19:32
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Visiblement, on a toujours peur de revenir en arrière et l'on s'invente des innovations pour continuer sur une mauvaise route ! ;-)

le 05/04/2023 à 20:40
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Et pendant ce temps là, l'Asie elle avance.

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