En Occitanie, la mobilité à hydrogène est déjà une réalité (inachevée)

Après un temps de R&D incontournable, le savoir-faire de l’Occitanie sur la mobilité à hydrogène s’illustre sur la route et bientôt sur l’eau, le rail et dans les airs. Décryptage. (Cet article est issu de T La Revue n°13 - "Energies, la France qui innove" actuellement en kiosque).
(Crédits : Rémi Benoit pour La Tribune)

Imperceptible. Au cœur de la plateforme aéroportuaire de Toulouse-Blagnac, un bus fait la jonction entre l'aérogare et les parkings les plus éloignés du site. À l'intérieur, la modernité est au rendez-vous. L'habitacle est équipé de nombreuses clés USB, des panneaux de bois lui donnent un côté épuré et son imitation parquet ne fait que confirmer cette idée. En résumé, ce véhicule ressemble fortement à ces bus à haut niveau de service qui circulent dans les grandes villes sur des voies réservées. Pourtant, un point majeur le différencie de ses homologues : son carburant. Ce bus roule avec de l'hydrogène, cette énergie présentée comme le carburant de demain, et vient remplacer une navette thermique qui assurait le même service auparavant. « On ne pollue pas, mais il n'y a pas de réelle différence entre l'hydrogène et le thermique dans la conduite. Pour le voyageur, c'est pareil, cela ne lui change rien dans son confort. La seule différence c'est quand nous faisons le plein de carburant. Cela ressemble à la méthode du gaz », témoigne Marie, la conductrice du véhicule qui opère le service pour le compte de Transdev. Dans le cadre de ce projet de mobilité décarbonée nommée HyPort, ce sont au total cinq bus à hydrogène qui circulent quotidiennement dans le secteur. Mais leur avitaillement est un sujet. « Nous avons une station à hydrogène temporaire côté pistes et pour laquelle l'hydrogène est acheminé par camion. Seulement, nous sommes limités à faire des pleins de 12 kg d'hydrogène en raison des capacités techniques de la station, alors que nos bus ont un réservoir de 34 kg. De plus, il y a un temps d'attente incompressible entre chaque avitaillement afin de laisser le temps à l'hydrogène d'être pressurisé au bon niveau. Une telle contrainte, avec deux à trois bus, ça va. Avec cinq, c'est plus compliqué... », décrit Myriam Marti, la responsable d'exploitation de Transdev Occitanie Ouest. Malgré les retards liés à la crise sanitaire et la pénurie des matériaux qui a suivi, le projet HyPort doit se concrétiser dans quelques semaines, voire quelques mois, par la mise en service de deux stations de distribution (dont une ouverte au public), qui seront aussi des points de production d'hydrogène vert. « Avec la station définitive, nous pourrons faire un avitaillement complet en 15 minutes », se réjouit par avance Marie. À partir de ce moment, Transdev pourra pleinement exploiter la capacité de ces bus produits non loin de l'aéroport, à 80 kilomètres de là, dans les locaux de la Safra à Albi (Tarn). Fondée en 1955, cette importante PME du département est historiquement connue pour ses services de rénovation de transports publics (métro, train, bus, autocar), mais depuis la fin des années 2000 elle s'est lancée dans le pari de développer et commercialiser un bus à hydrogène. « Un projet fou à l'époque », aime répéter Vincent Lemaire, le président de la société. Le seul constructeur français de bus à hydrogène y est parvenu avec la commercialisation de son premier modèle, le Businova. Ce dernier, exploité sur la plateforme aéroportuaire de Toulouse-Blagnac, sera remplacé par le Hycity dès cette année en prenant en compte les premiers retours clients tout en y apportant des avancées techniques. Mais ce n'est pas le seul pari de la société albigeoise.

Un surcoût à combler

Safra développe aussi un système de rétrofit à hydrogène pour autocar et a même investi trois millions d'euros pour mettre au point cette technologie. Pour faciliter la R&D, le conseil régional d'Occitanie a confié quinze véhicules diesel à l'entreprise à transformer en autocars à hydrogène. « Nous avons terminé la conception du véhicule. Maintenant, nous sommes dans la phase de certification et nous sommes très avancés. Il roulera en 2023 », a promis Vincent Lemaire, à l'occasion d'une visite mi-octobre de « sa » cliente, Carole Delga, présidente de la collectivité en question. Malgré un circuit d'homologation complexe, la solution du rétrofit pourrait être une solution pérenne pour le parc de véhicules existants car plus économique que l'achat d'un véhicule à hydrogène neuf. « Sans subventions, nous n'aurions pas pu monter ce projet. Un bus à hydrogène, c'est plus de deux fois le prix d'un bus thermique », appuie Myriam Marti. « Aujourd'hui, il y a un surcoût car nous payons l'innovation et surtout le fait que cela soit produit en petites séries [...]. L'hydrogène n'est plus un sujet de laboratoire, on sait faire de la mobilité à hydrogène. Il y a un sujet de R&D car la technologie a une marge de progression, mais son déploiement a déjà commencé et nous avons même certains retours d'expériences. Nous sommes dans une période d'entre-deux puisque maintenant tout l'enjeu est un déploiement à grande échelle de cette mobilité à hydrogène », analyse Benjamin Fèvre, l'animateur de la filière hydrogène en Occitanie pour le compte du conseil régional. Alors, pour enclencher la tendance, la collectivité a tout d'abord imaginé une approche par écosystème, en développant pour chaque projet - dans un rayon géographique limité - la production d'hydrogène, sa distribution et ses usages, comme c'est le cas pour HyPort. Le projet « Corridor H2 », notamment adoubé et soutenu par l'Europe, doit permettre de franchir une étape supplémentaire en décarbonant le transport routier de fret sur l'axe sud-ouest de la France. « Il y aura 17 stations à hydrogène, et des transporteurs se sont associés à des chargeurs pour commander 40 camions à hydrogène et 60 remorques frigorifiques à hydrogène, ces dernières étant développées par l'usine Bosch de Rodez (Aveyron) », détaille Benjamin Fèvre. En s'associant sous l'égide d'une collectivité, l'idée pour les transporteurs est de faire l'objet d'un traitement de choix de la part des constructeurs en servant sur un plateau une commande groupée importante plutôt que plusieurs petites commandes qui n'auraient pas été prioritaires dans leur traitement. Sans oublier que ces professionnels bénéficieront de subventions à divers niveaux afin de couvrir en partie le surcoût que représente l'achat d'un tel véhicule. « Je suis un passionné d'hydrogène. J'ai commencé à m'y intéresser depuis une dizaine d'années et je crois au fait que c'est une technologie d'avenir. On s'est positionné sur l'acquisition de deux camions à hydrogène dans le cadre de ce projet, mais nous ne savons pas si la rentabilité économique sera au rendez-vous. C'est trop tôt pour le dire », témoigne Jean-Marc Laclau, le président de la société tarnaise les Transports Laclau.

En attendant l'avion vert

Au-delà d'être un territoire capital dans la quête à l'aviation à hydrogène (lire T La Revue, n° 5, NDLR), l'Occitanie travaille, à court terme, sur le projet HyDrOMer, qui consiste en l'élaboration d'une drague naviguant grâce à de l'hydrogène vert, contre 25 millions d'euros. Si ce bateau sera construit par le chantier concarnois Piriou, en collaboration avec le bureau d'architecture navale toulousain LMG Marin, ce sont bien des entreprises occitanes qui sont à la manœuvre dans ce dossier comme Hensoldt Nexeya France et ses deux récentes acquisitions à savoir les sociétés PMTL (Gers) et Mahytec (Jura). Ces dernières vont notamment fournir la technologie de stockage de l'hydrogène vert de ce navire qui sera chargé d'entretenir les ports du golfe du Lion à compter de fin 2023. L'essence même de ce projet est de remplacer une drague thermique, tout en favorisant le développement de la filière hydrogène régionale. En plus de la mer, l'air et la terre, le savoir-faire de l'écosystème régional en la matière est aussi attendu sur le rail, puisqu'Alstom, au sein de son usine de Tarbes (Hautes-Pyrénées), prépare le premier train à hydrogène français. Celui-ci devra circuler sur la ligne Montréjeau-Luchon (Haute-Garonne) avec des premiers essais espérés en 2024. Ce territoire régional n'a pas fini de faire parler de lui sur la mobilité de demain...


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Commentaires 2
à écrit le 26/03/2023 à 4:38
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Nous faire un article sur une navette faisant 1 km par trajet pour vanter la mobilité H2 ,je suis mort de rire. L'investissement ne sera jamais remboursé,un exemple de gaspillage d'argent, mais en France nous les champions pour cela.

à écrit le 25/03/2023 à 14:47
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Bonjour, Quelques rectifications "'habitacle est équipé de nombreuses clés USB" => de PORTS USB "mais il n'y a pas de réelle différence entre l'hydrogène et le thermique dans la conduite." Pas de Vibration intempestive et de bruit du moteur, co...

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