Beauté et hygiène, plus chers de 1,50 euro au rayon femmes ?

Un comparateur, spécialiste des prix pratiqués par les services de "drive" des distributeurs principaux français, a tenté d’évaluer le montant de la "taxe rose" dans les rayons cosmétiques en comparant les prix de 9 sous-catégories de produits de beauté.
Marina Torre
Dans plus de 2.000 "drive" en France, un panier moyen de produits de beauté et d'hygiène est légèrement plus cher pour les femmes que pour les hommes.

Les prix ont-ils un genre ? Si l'on en croit un... comparateur de prix, oui. Du moins, dans les cosmétiques. "Monsieur Drive", un service web d'évaluation des prix, a choisi 9 sous-catégories de produits parmi les "plus représentatifs" des choix des Français en matière d'hygiène et de beauté.

Au sein de ces sous-catégories, les prix d'au moins cinq produits de marques différentes proposant des déclinaisons hommes/femmes ont été évalués. Soit, en tout une cinquantaine de produits différents dans 2.200 magasins répartis dans la France entière. Résultat : la différence serait de 4% en moyenne, soit 1,50 euro de plus pour les produits dont la segmentation marketing les destine plutôt à des consommatrices qu'à des consommateurs.

Déos plus chers chez les hommes

Bien sûr, dans le détail, l'écart diffère selon les sous-catégories. Ainsi, les crèmes hydratantes pour le visage, les gels à raser, gels nettoyants pour le visage, les sticks hydratants et les rasoirs jetables sont-ils en moyenne plus chers au rayon "femmes", à grammage et quantités équivalentes. Dans le cas du rasoir jetable, le prix moyen pour 10 unités ciblant ces dernières serait ainsi de 5,1 euros contre 4,7 euros pour des rasoirs "masculins".

En revanche, à l'inverse, déodorants à bille (50 ml) et en spray, gels douche et shampoings sont en moyenne plus onéreux chez les hommes. Dans le premier cas, l'écart serait en moyenne de 0,7 centime.

Ces relevés présentent par ailleurs des divergences selon les régions de France. Si le panier moyen y est partout plus cher chez les femmes, l'écart le plus faible est constaté  en Rhône-Alpes (30 centimes), tandis qu'il est le plus élevé en Bretagne (1,80 euro).

Difficile d'évaluer si cette cartographie a un sens. "Il s'agit d'une photographie à un moment donné. Les prix peuvent varier bien sûr en fonction du prix des loyers, de la stratégie commerciale de chaque enseigne par rapport à ses concurrents, etc.", nuance toutefois Karine Brana, fondatrice de Monsieur Drive.

Comparaison intéressante mais limitée

Bien sûr, cette étude ne fournit qu'un aperçu. Il s'agit uniquement de données provenant des services "Drive" des grands magasins, pour une série relativement restreinte de produits à un moment de l'année.

En outre, les différences intrinsèques de chaque produit comme la composition, la technologie, etc., ne sont pas prises en compte. "Nous n'avons pas fait une comparaison de laboratoire type 'toutes choses égales par ailleurs', nous voulions simplement nous mettre à la place du consommateur", argue Karine Brana.

Que "Monsieur Drive" se charge d'évaluer le montant de la "taxe rose" paraît un rien ironique. Mais, si "90% des personnes qui font les courses en ligne sont des femmes", fait remarquer sa fondatrice, "ce sont plutôt les hommes qui, ensuite, vont chercher les courses au drive."

La créatrice du comparateur en ligne dit vouloir utiliser son outil de comparaison, qui lui donne "accès à de grands volumes de données, collectées en temps réel, plus de 12 millions de prix dans 3.000 magasins au total", pour donner "aux consommateurs les informations nécessaires pour faire leur choix".

Pour qui comptent les prix?

Pour faire le tour de la question, bien d'autres comparaisons s'imposent. Par exemple, celle des critères d'arbitrage. En effet, s'il était prouvé que les hommes sont davantage attachés que les femmes au critère du prix dans le choix des produits qu'ils achètent, les éventuels écarts de prix pourraient peut-être se réduire; à condition qu'ils soient plus nombreux à remplir le panier de courses du ménage. Ce qui semble être la tendance. L'Insee a en effet constaté que, depuis trente ans, les hommes passent de plus en plus de temps à faire les courses, et les femmes, de moins en moins.

Seulement, une autre enquête, menée par le Crédoc, datant de 2001 et citée dans un document de 2013, signalait que les femmes "apparaissent plus attentives au prix (30% contre 27%) que les hommes", tous types de produits confondus.

Cela dit, en matière de santé et de beauté, les femmes déclarent s'imposer davantage de restrictions (30%, contre 15% pour les hommes). Elles seraient également plus attentives aux ingrédients et aux critères de sécurité. Big Data ou pas, la "taxe rose" (ou bleue) risque donc d'être avant tout une affaire de perception.

Océan de données

Autrement dit, dans l'océan des données collectées, entre autres, par les divers comparateurs de prix en ligne, les relevés de prix en eux-mêmes semblent aisément réalisables. Leur interprétation, beaucoup moins.

    >>Lire: Taxe rose : une donnée introuvable ?

Depuis plus de vingt ans outre-Atlantique, et depuis quelques mois en France, cette épineuse question alimente le débat sur les inégalités économiques entre femmes et hommes. Sans trouver de réponse définitive. Pour mémoire, à la suite d'une pétition lancée fin 2014 par le collectif Georgette Sand, le ministère de l'Economie ainsi que le secrétariat au Droit des femmes ont demandé aux fonctionnaires de la DGCCRF de se pencher sur cette problématique, non sans difficultés méthodologiques. Leurs conclusions sont attendues pour le mois de septembre 2015.

   >>Lire: Bercy se charge de déterminer si les prix ont un genre

Marina Torre

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Commentaires 4
à écrit le 06/05/2015 à 16:41
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Quelle rigolade! Quand les femmes ont leur banque, leurs taux, ont des accès gratuits et autre, c'est du marketing bien compris. Quand c'est de l'hygiène, c'est de la discrimination?

à écrit le 06/05/2015 à 11:39
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Plus que le prix, il faudrait se pencher sur les compositions de ces produits chimiques pleins de limonene, sels d'aluminiums et autres produits qui sont réellements toxiques et que l'on nous fait appliquer tous les jours directement sur la peau ...

le 06/05/2015 à 16:08
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@Raoul31: ce sont les retombées du mariage pour tous. Dans le temps, les mecs n'utilisaient pas ces produits toxiques. Bon, pour moi pas de problème, je suis un Apollon naturel, donc j'économise à la fois mon argent et ma santé :-)

le 06/05/2015 à 16:39
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Qui vous force à les appliquer?

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