Le Scara, le syndicat des compagnies aériennes autonomes, monte au créneau contre les aides de l'Etat accordées au secteur de l'aviation. Après les 15 milliards d'euros d'aides au secteur aéronautique incluant les 7 milliards d'euros de prêts accordés à Air France, le Scara déplore qu'un "grand pan de la chaîne de valeur du transport aérien" soit abandonné.
"En décidant de limiter son soutien aux seules industries du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) et à Air France, c'est tout un pan de la chaîne de valeur du transport aérien, allant des entreprises d'assistance en escale aux aéroports, des compagnies d'aviation d'affaires aux compagnies d'hélicoptères, des sociétés de maintenance aux sociétés de handling, des avitailleurs aux écoles de formation, sans oublier en premier lieu toutes les compagnies aériennes non Air France que l'État a décidé d'abandonner en pleine crise Covid-19", explique dans un communiqué le Scara.
En effet, tous ces acteurs ont bénéficié des mesures générales de soutien à l'économie, comme le report de charges ou la prise en charge par l'Etat du chômage partiel, mais pas de mesures spécifiques comme c'est le cas pour le tourisme, l'hôtellerie, l'aéronautique ou l'automobile. Et ce, alors que les prêts bancaires garantis par l'Etat leur sont passés sous le nez. Pour l'heure en effet, à l'exception d'Air France et de la compagnie réunionnaise Air Austral, soutenue par la Région, la quasi-totalité des autres compagnies n'a pas obtenu de prêt bancaire garanti par l'Etat.
Récemment, le Scara a demandé une aide d'un milliard d'euros pour l'ensemble des compagnies aériennes tricolores, hors Air France.
"Nous considérons aujourd'hui pour ce secteur que les outils nécessaires sont suffisants pour le moment", opposait-on récemment à Bercy.
Pour le Scara, le gouvernement a pourtant conscience des difficultés du secteur. Il en veut pour preuve un passage du dossier de presse du plan de soutien à l'aéronautique : « les compagnies aériennes, malgré l'arrêt presque complet de leurs revenus, doivent faire face à des coûts non opérationnels importants (frais de personnel, coûts fixes, coûts financiers pour la constitution des flottes...) Elles sont donc dans une situation difficile, qui nécessite pour nombre d'entre elles un soutien renouvelé de leurs autorités nationales ou de leurs actionnaires. »
"Une distorsion de concurrence inacceptable"
Pour le Scara, "ce choix assumé de l'État, de soutenir la seule compagnie Air France au détriment des toutes les autres compagnies aériennes françaises conduit à une distorsion de concurrence inacceptable". "Est-il compatible avec le règlement européen ? La question est ouverte", ajoute le syndicat professionnel.
Bruxelles a déjà répondu en approuvant l'aide du gouvernement à Air France.
Le Scara dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas dans le secteur, y compris parmi ceux qui ont toujours été favorables à Air France. Jusqu'ici, seul Jean-Paul Dubreuil, le président du conseil de surveillance du groupe éponyme, propriétaire d'Air Caraïbes et French bee, s'était exprimé sur le sujet.
Sur le papier, l'Etat actionnaire d'Air France-KLM à 14,3% joue son rôle d'actionnaire lorsqu'il accorde un prêt d'actionnaire de trois milliards d'euros à Air France-KLM. Et ce, même si ce prêt se transforme demain en recapitalisation s'il est converti en capital. Sur le papier toujours, l'Etat, par la voix de Bruno Le Maire, n'a pas lâché les autres compagnies françaises puisque, concernant Corsair sur lequel le ministre des Finances était récemment interrogé, l'aide de l'Etat est conditionnée à la contribution des deux autres actionnaires, - en l'occurrence deux acteurs privés présents pour l'un dans le transport aérien (Intro Aviation), dans le tourisme et l'aérien pour le second (TUI) -. Mais cette main tendue n'en était pas une. Jouant leur survie, tous les acteurs du transport aérien ont peu de chance aujourd'hui d'aider une de leurs filiales. La non participation au sauvetage d'Air France-KLM de la part des compagnies aériennes actionnaires du groupe, Delta et China Eastern, en témoigne.
La garantie sur le prêt bancaire (PGE) de 4 milliards d'euros d'Air France peut interpeller davantage. Car pour convaincre les banques de prêter à Air France, l'Etat a dû porter sa garantie à 90%, alors que celle-ci, selon les règles entourant ces prêts, ne doit être que de 70% pour les entreprises d'une telle taille.
Consolidation en vue
Au final, plusieurs compagnies aériennes françaises déplorent que ces prêts ne servent pas seulement à soulager la trésorerie d'Air France, mise à mal par la crise du Covid-19, mais aussi à restructurer la compagnie en finançant notamment les plans de départs.
Le Scara voit deux conséquences immédiates à cette distorsion de concurrence.
"Elle va accélérer le mouvement de disparition des compagnies aériennes françaises déjà sévèrement attaquées par une concurrence étrangère qui bénéficie d'un environnement social et fiscal bien moins contraignant dans leur pays de rattachement, et également accélérer la perte d'emplois qualifiés en France dans toute une branche industrielle essentielle au développement économique du pays et de ses régions".
Pour avoir maintes fois défendu le dossier de l'équité de traitement contre les soutiens des Etats du Golfe à leurs compagnies, l'Etat connaît en effet le dossier sur le bout des doigts. Pour l'heure, cela ne l'a pas poussé pour autant à agir.
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