Le constructeur français de matériel ferroviaire Alstom a annoncé ce mercredi qu'il vendait à l'espagnol CAF son usine de Reichshoffen (Bas-Rhin). Ce site, qui fabrique des trains régionaux Coradia pour le marché français et compte pas moins de 760 salariés, était particulièrement important pour le français.
La condition pour devenir 2e mondial et affronter le chinois CRRC
Mais cette cession s'inscrit dans le deal passé en juillet 2020 avec les autorités antitrust européennes pour pouvoir fusionner avec Bombardier Transport et devenir le numéro deux mondial de la construction ferroviaire, doublant l'allemand Siemens Mobility, désormais 3e, et derrière le numéro un chinois CRRC. Au passage, Alstom récupère le site Bombardier de Crespin, la plus grosse usine ferroviaire du Nord. Pour Bombardier, très endetté, il fallait un partenaire solide, et pour Alstom, il fallait absolument se renforcer dans la compétition internationale.
Alstom a bouclé début 2021 l'absorption de son concurrent Bombardier Transport pour un prix estimé de 5,5 milliards d'euros. Dans cette fusion de deux entités de force sensiblement équivalente, les chiffres parlent d'eux-mêmes : avec un chiffre d'affaires cumulé de plus de 15 milliards d'euros et un carnet de commandes dépassant les 75 milliards, le mariage Alstom-Bombardier crée un groupe puissant, capable d'affronter le mastodonte chinois CRRC.
Dans le détail, la cession du site de Reichshoffen, nécessaire donc pour obtenir le feu vert de la Commission, inclut aussi ses plateformes de trains régionaux "Coradia polyvalent" et "Talent 3", cette dernière étant "actuellement développée à Hennigsdorf, en Allemagne", a précisé le constructeur ferroviaire dans un communiqué commun avec CAF.
L'entreprise ibérique "se félicite de cette transaction qui lui permettra de poursuivre son développement grâce aux compétences et au savoir-faire des sites concernés". De même source, "la clôture de la transaction est prévue entre avril et septembre 2022". Le montant exact n'a en revanche pas été divulgué dans l'immédiat.
À Reichshoffen, le carnet de commandes de CAF séduit les syndicats
Le choix du repreneur ne s'est pas fait tout seul, car deux candidats étaient en lice, un troisième, Hitachi n'ayant pas donné suite. Dans un premier temps, des négociations exclusives étaient nouées avec Škoda Transportation (homonyme mais sans lien avec la filiale automobile de Volkswagen), mais elles avaient finalement échoué le 31 juillet dernier, FO Métaux dénonçant alors une "situation ubuesque". La Commission avait alors consenti un délai supplémentaire à Alstom pour trouver un repreneur, lui conseillant de reprendre langue avec CAF et Hitachi. Hitachi pas intéressé, c'est l'espagnol CAF, un concurrent contre qui Alstom avait sévèrement bataillé -à domicile !- fin 2019, qui s'était finalement imposé.
| Lire: Coup dur pour Alstom, la SNCF choisit l'espagnol CAF pour ses trains intercités
Un choix raccord avec les syndicats de salariés de l'usine de Reichshoffen qui avaient exprimé leur préférence pour le groupe espagnol par rapport à Škoda, estimant supérieures sa "capacité technique" et son "assise commerciale".
De fait, mercredi, le porte-parole de l'intersyndicale CGT/FO/CFE-CGC de Reichshoffen, Daniel Dreger, a salué "une nouvelle qui rassure les salariés", CAF étant en train de "gagner beaucoup de contrats et de grignoter des parts de marché (...) Ils ont une charge de travail conséquente par rapport à ce que Škoda pouvait nous amener".
Des syndicats relativement sereins... mais qui pointent un bémol
"Par ailleurs, il faut savoir qu'Alstom ne nous laisse pas tomber : Alstom nous amène une charge de travail jusqu'à mi-2026, en ce qui concerne les études et la production industrielle", a déclaré Daniel Dreger à l'AFP.
Il ajoutait :
"Même après la vente, nous resterons en consortium pour la production des trains Regiolis, notamment à hydrogène, donc le site de Reichshoffen va continuer à produire les trains Regiolis, dont on attend encore certaines commandes en France"
Il a assorti cette satisfaction d'un bémol :
"Bien sûr, il y a de l'amertume de quitter Alstom (...) c'est un groupe de 75.000 personnes, là nous allons rejoindre un groupe composé de 4.500 à 6.000 personnes en Europe".
Le responsable syndical a également prévenu :
"Tout ce que nous avions obtenu chez Alstom, il faudra batailler chez CAF pour obtenir des accords, et ça ne sera pas une mince affaire."
(avec AFP)
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