IATA : les compagnies redressent la tête mais resteront lourdement déficitaires en 2022

Le transport aérien ne dépassera par les 200 milliards de dollars de pertes sur trois ans. Les prévisions financières du secteur s'améliorent, mais il faudra encore attendre 2023 pour voir le retour aux bénéfices à l'échelle globale. La faute notamment à la flambée des coûts du pétrole et à la hausse des coûts de main-d'œuvre, alors même que la demande de voyage semble résister aux incertitudes provoquées par la situation économique et politique internationale.
Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA).
Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA). (Crédits : Reuters)

Tout est affaire de relativité. Lors de son assemblée générale à Doha (Qatar), l'Association internationale du transport aérien (IATA) a annoncé une prévision de pertes cumulées de 9,7 milliards de dollars en 2022 pour les compagnies aériennes à travers le monde. Un chiffre encore très lourd alors que la reprise est sur toutes les lèvres à l'approche de l'été. Pourtant, en comparaison des deux dernières années marquées par une crise sans précédent, l'amélioration est plus que notable.

Willie Walsh, directeur général de l'IATA, et Robin Hayes, directeur de JetBlue et président du conseil d'administration de l'IATA, s'accordent sur ce point : en dépit d'un contexte international marqué par la guerre en Ukraine, les perturbations économiques, et des mesures sanitaires restrictives encore en vigueur dans certains pays, la situation s'améliore pour les compagnies. Les prévisions faites lors de l'assemblée générale à Boston en octobre dernier ont ainsi été revues à la hausse.

Les pertes de 2021 n'ont ainsi été que de 42 milliards de dollars, contre une prévision de 52 milliards qui constituait déjà une impressionnante amélioration après les 138 milliards de dollars perdus en 2020. Surtout, selon les prévisions tout juste publiées à Doha, les pertes pour 2022 devraient donc se situer autour de 9,7 milliards de dollars. Il y a huit mois, l'IATA tablait sur un déficit de 12 milliards. Cela devrait correspondre à une marge nette légèrement négative de 1,2%, contre 8,3% et 36% lors des deux années précédentes. Le retour à la profitabilité reste prévu pour 2023.

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Les passagers reviennent, le cargo confirme

Cette amélioration est largement générée par une accélération de l'activité. Les compagnies aériennes devraient retrouver environ 83% de leur niveau de 2019, avec 3,8 milliards de passagers, tandis que le cargo devrait atteindre le record de 68 millions de tonnes transportées en 2022. En termes de revenus, cela va générer 782 milliards de dollars, soit 55% de plus qu'en 2021 et surtout 93% du niveau de 2019. Le cargo devrait compter pour 191 milliards de dollars, donc moins qu'en 2021 malgré une hausse de l'activité, ce qui signifie donc une baisse des prix après l'envolée pendant la pandémie. Après avoir flambé pendant deux années, les yields vont ainsi chuter de plus de 10% dans un contexte économique qui se tend. À l'inverse, l'activité passager va générer deux fois plus de cash que l'an dernier avec 498 milliards de dollars. Une tendance qui reflète la remontée forte du prix des billets, et des yields en hausse de près de 6%, notamment pour absorber la hausse des coûts carburant et l'inflation généralisée.

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Les dépenses explosent aussi

La hausse des coûts est d'ailleurs presque aussi fulgurante que l'amélioration. L'IATA l'évalue à 44% par rapport à 2021, pour atteindre 796 milliards de dollars. Cet accroissement est bien sûr largement lié à la reprise de l'activité qui engendre des dépenses opérationnelles, des recrutements, un retour des investissements... mais aussi de l'inflation actuellement à l'œuvre.

Le carburant est ainsi le principal poste de coûts, avec près d'un quart du total, à 192 milliards de dollars. Le deuxième poste est la main-d'œuvre, avec la reprise des recrutements, attendue après les importantes réductions d'effectifs en 2020. Pourtant l'IATA note que la hausse de la masse salariale de près de 8%, pour atteindre 173 milliards de dollars, est supérieure à celle du nombre d'emplois qui dépasse tout juste 4%. Les difficultés de recrutement rencontrées actuellement par certaines compagnies et aéroports pour faire face à la reprise plus rapide que prévu pourraient encore accélérer ce phénomène. Willie Walsh ne s'inquiète par pour autant, considérant que les risques de pénuries de personnels ne sont pas grand-chose face aux difficultés de ces deux dernières années.

Le directeur général de l'IATA se montre en tout cas confiant sur l'ensemble de l'année. S'il admet volontiers que le transport aérien est toujours en train de se reconstruire, il ne s'attend pas à une chute après l'été et l'épuisement de la demande en suspens. Il précise ainsi que les prévisions de l'IATA s'appuient sur la forte demande constatée en ce moment mais aussi sur celle attendue pendant les prochains mois. Il en veut pour preuve que ces prévisions se sont améliorées en dépit de l'accroissement massif des coûts du pétrole.

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L'Amérique du Nord en meilleure posture que l'Asie

Derrière cette amélioration se cachent aussi d'importantes disparités. Sur le plan géographique, l'Amérique du Nord va rebasculer dans le vert dès cette année et assez nettement. Au vu des prises de réservations record constatées depuis quelques mois chez les compagnies américaines, la région devrait générer un profit de près de 9 milliards de dollars à elle seule.

A l'inverse l'Asie, toujours handicapée par les mesures sanitaires drastiques en Chine, met plus de temps à redémarrer, avec une prévision de pertes de près de 9 milliards de dollars à la clef. Avec une reprise de l'activité plus nette qu'en Asie, l'Europe devrait engranger un déficit cumulé de l'ordre de 4 milliards de dollars.

Sur les marchés plus modestes, l'Amérique latine s'avère très dynamique mais continue de perdre de l'argent avec des pertes prévues de 3 milliards de dollars. Moins avancés dans la reprise, le Moyen-Orient et l'Afrique devraient perdre respectivement 2 milliards et 700 millions de dollars.

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