Nouvelles habitudes de voyage et impact du Covid-19 : la SNCF en quête de stabilité

En quelques jours, la SNCF est passé d'un trafic quasi-normal sur ses grandes lignes à Noël à un tiers de trafic en moins début janvier. Après avoir jonglé avec les plans de transport en 2021, elle aspire à retrouver de la stabilité. Mais jusqu'ici, la 5e vague de Covid perturbe largement ses plans.
Léo Barnier
La SNCF a réduit son offre TGV en ce début d'année pour faire face à Omicron.
La SNCF a réduit son offre TGV en ce début d'année pour faire face à Omicron. (Crédits : GONZALO FUENTES)

En période de crise, le manque de visibilité est sans doute l'un des éléments les plus préjudiciables et la SNCF en manque cruellement actuellement. Après une année 2021 "contrastée", faite de "on-off", telle que la décrit Christophe Fanichet, PDG SNCF Voyageurs, le groupe ferroviaire reste en proie à l'incertitude en ce début d'année marqué par la virulence du variant Omicron.

A l'image de l'aérien, le patron de SNCF Voyageurs vante un fort appétit de voyages dès que les restrictions sanitaires diminuent et un fort recul dès que les contraintes réapparaissent. Une fluctuation très rapide, qu'il qualifie donc de "on-off". D'ailleurs Christophe Fanichet ne veut plus parler de plan de transport (offre de trains basée sur un plan de circulation) pour évaluer l'activité, mais seulement de fréquentation par rapport à une année nominale, 2019 en l'occurrence.

Il le justifie : "tout simplement parce que nous avons changé de plan de transport en 2020, en 2021 et en 2022. La comparaison de trains par ligne n'a plus beaucoup de valeur, au contraire du nombre de voyageurs qui prennent le train."

Là où la SNCF changeait de service environ quatre fois par an, une fois par trimestre, le plan de transport a dû être adapté plusieurs dizaines de fois en 2021. Christophe Fanichet a beau mettre en avant l'agilité de l'entreprise, basée sur l'observation du trafic et l'adaptation, cette situation reste difficilement gérable.

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Retour en arrière pour commencer l'année

Alors que le trafic était en hausse depuis cet été, il s'est à nouveau fortement replié sous l'impact de l'épidémie de Covid. C'est sur les grandes lignes (TGV et Intercités) que le contraste est le plus flagrant : les vacances de Noël ont donné lieu à une très forte activité avec 5,5 millions de passagers en dépit de l'impact du préavis de grève sur l'axe Sud-Est du TGV au début des vacances. "C'est quasiment un Noël normal", s'est même réjoui le PDG de SNCF Voyageurs. Mais depuis le début de l'année, la 5e vague perturbe nettement les ventes.

Le recul des réservations est de l'ordre de 30% sur le mois de janvier, et même de 50% pour les voyageurs professionnels. Cela a amené la SNCF a révisé une nouvelle fois son plan de transport, avec une baisse de 10% de l'offre TGV et de 20% pour les Intercités. Cela devrait rester ainsi jusqu'à la fin de cette semaine, mais le patron de SNCF Voyageurs prévient que "si la vague Omicron soit se durcit, soit s'assouplit, nous baisseront où nous augmenterons les plans de transport".

Pour les vacances de février, le recul est pour l'instant de 20%, même si Christophe Fanichet espère un fort rebond si la situation sanitaire s'améliore. Seul point positif, le mouvement ne se traduit pas par des annulations massives pour le moment en raison de la politique de flexibilité mise en place par la SNCF jusqu'à trois jours du départ.

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L'Eurostar au plus bas

Ce phénomène se ressent encore plus pour l'Eurostar, qui reste une "préoccupation" pour la SNCF. Actuellement, seuls deux à trois trains circulent quotidiennement entre Paris et Londres pour un total de moins de 500 voyageurs par jour. En temps normal, le chiffre est de 25.000 en moyenne. Christophe Fanichet espère tout de même un rebond avec l'assouplissement des mesures sanitaires pour voyager au Royaume-Uni, décrété en fin de semaine dernière. Pour les vacances britanniques, qui débutent le 11 février, il souhaite ainsi remonter à une dizaine de trains quotidiens.

Pour les autres segments, le trafic s'établit ainsi à 65% de la fréquentation habituelle sur Transilien, en dépit d'un plan de transport et 85% sur les TER avec des écarts de 10 à 20 points points selon les régions.

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Quelques tendances de fond

Dans cet univers fortement fluctuant, c'est donc sans doute avec un certain soulagement que Christophe Fanichet annonce qu'il dispose "d'un peu plus de recul que l'an dernier" avec la confirmation de certaines tendances jugées jusqu'ici temporaires.

Au rayon des bonnes nouvelles, il se réjouit d'un retour à un peu plus d'anticipation de la part des voyageurs avec des réservations plus en amont du départ :

"Depuis la fin d'année dernière, les Français se projettent enfin dans leur mobilité en réservant à l'avance les grands moments de vacances. Ce n'était pas le cas en 2020 ou début 2021, où ils étaient attentistes."

Cela s'est senti en octobre avec un million de billets écoulés en 24 heures lors de l'ouverture des ventes pour les vacances de Noël et cela se retrouve à nouveau cette année. La SNCF a ainsi vendu avec 750.000 billets le premier jour de réservation pour les vacances de février et 600.000 de plus en deux jours lors de ventes flash pour les vacances de printemps.

Les rythmes de voyages ont également changé, avec désormais des "jours de pointe" plutôt que des heures de pointe. Sur les trains du quotidien, le mardi est ainsi le jour le plus chargé avec 24% de plus de voyageurs que le vendredi. Avant l'écart n'était que de 10%. Christophe Fanichet y voit l'impact de l'évolution des modes de vie, à commencer par l'importance prise par le télétravail. Sur la longue distance, la période de pointe s'est étendue. Elle commence désormais le jeudi, et non plus le vendredi midi, pour s'achever le lundi soir.

Autre constante, mais au rayon des mauvaises nouvelles cette fois : la disparition d'un tiers de la demande pour les voyageurs professionnels sur les grandes lignes (TGV et Intercités). Celle-ci semble se confirmer dans le temps, au point où Christophe Fanichet vient à se demander si elle ne devient pas structurelle.

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Poursuivre la reconquête en 2022

Le patron de SNCF Voyageurs se veut tout de même optimiste pour 2022, avec une hausse du nombre de voyageurs et de la part modale du ferroviaire. Il veut ainsi poursuivre la "reconquête" promise en 2021, qu'il estime "plus que bien entamée". La SNCF a ainsi accueilli l'an dernier 23% de voyageurs de plus qu'en 2020. Une hausse qui se retrouve dans l'ensemble des trains : Transilien (+21%), TER (+23%) et TGV-Intercités (+37%).

Le compte est tout de même encore loin d'une année nominale avec près d'un tiers de voyageurs de moins, -29 % pour être précis. Cela donne un total de l'ordre de 850 millions de passagers contre 1,2 milliard en temps normal.

A ce trafic encore faible, il faut ajouter une baisse du panier moyen du voyageur. En fin d'année dernière, Christophe Fanichet évoquait une diminution de plusieurs pourcents en 2021 par rapport à 2019. Un phénomène dû en partie à la fragilité du trafic affaires, habituellement très rentable, mais aussi aux incitations tarifaires comme les cartes Avantages destinées à doper la reprise du trafic. Le trou dans les finances devrait donc encore être conséquent pour l'année écoulée. SNCF Voyageurs avait affiché une perte opérationnelle de 2,5 milliards d'euros en 2020, et de 378 millions au premier semestre 2021. Les résultats économiques seront publiés d'ici quelques semaines.

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2022 à 8:11
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Et c'est là qu'est le problème d'une SNCF publique, elle doit obéir aux ordres les plus idiots encore plus vite et plus précisément que les autres or avec notre hystérie sanitaire des ordres idiots venant d'en haut on en est repus.

à écrit le 17/01/2022 à 19:29
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Déjà avec le test obligatoire, on avait pas envie de prendre le train, mais maintenant avec le vax obligatoire, on ne peut plus prendre le train. D'autres manières de voyager vont devoir se présenter. Plus polluante, moins rapide, mais bon tant que l...

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