SNCF-Renfe : quatre questions pour mieux comprendre la fin du partenariat

Du partenariat au duel... La relation entre la compagnie ferroviaire française et son homologue espagnole est à l'image des nouveaux enjeux qui se jouent sur le marché des trains. Neuf ans après la signature du projet commun Elipsos, les deux compagnies vont désormais s'affronter pour proposer les meilleures offres sur les lignes du Paris-Barcelone. Retour sur ces changements stratégiques en quatre épisodes.

Depuis l'ouverture à la concurrence du marché du ferroviaire qui a vu pour la première fois le 18 décembre un train étranger (de Trenitalia) s'élancer sur une ligne française, plus rien n'est comme avant entre la SCNF et son ex partenaire la Renfe. Sur la ligne Paris-Barcelone - qui comprend aussi un Paris-Lyon -, la SNCF a annoncé mercredi qu'elle mettrait fin à la fin de l'année à son partenariat avec son homologue espagnole pour exploiter seules, dès 2023, des lignes reliant la France et l'Espagne. Autrement dit, les deux compagnies sont désormais pleinement concurrentes, du moins sur cette ligne.

Déjà, la SNCF et Trenitalia avaient de la même façon mis fin à leur coopération transfrontalière en 2011 et sont désormais rivales sur la liaison Paris-Milan.

  • De quel type de partenariat s'agit-il ?

Lancée en 2013, le projet franco-espagnol Elipsos devait réunir "deux spécialistes de la Grande Vitesse européenne (...) pour apporter le meilleur de leurs connaissances, expériences et savoir-faire au voyageur international", lit-on encore sur le site commun développé pour l'occasion renfe-sncf.com. Au menu de ce mariage de circonstance à l'époque, "la mise en service du tronçon Perpignan-Figueras via le tunnel du Perthus" et une "coopération (qui) permet de relier des grandes villes  espagnoles et françaises comme Paris, Barcelone, Madrid, Marseille, Lyon, Montpellier ou Gérone."

Neuf ans plus tard, pour la ligne Paris-Barcelone, "c'est un contrat qui se termine", a résumé un responsable de TGV-Intercités (ex-Voyages SNCF) à l'AFP mercredi.

L'alliance Elipsos associant les deux sociétés nationales n'a jamais été rentable et la pandémie de Covid-19 a fait s'écrouler la fréquentation, a d'ailleurs plaidé la SNCF. Et selon la SNCF, une fois exploitée seule, sans la lourdeur imposée par la coopération actuelle -avec le changement d'équipage à la frontière, notamment-, la ligne Paris-Barcelone pourra devenir rentable et ce, malgré la longueur du trajet et la concurrence aérienne des vols low-cost.

  • Les offensives de la SNCF

La fin du partenariat sur cette ligne est aussi en réponse aux vues de la SNCF sur le marché ibérique. En mai dernier, la compagnie a lancé des TGV à bas coûts Ouigo chez son voisin et s'est positionnée sur les services commerciaux entre Madrid et Barcelone via Saragosse et Tarragone, en concurrence frontale avec à l'opérateur historique Renfe. Avec cinq aller-retours quotidiens, Ouigo s'est arrogé près du tiers des fréquences sur cette ligne ferroviaire exploitée à raison de 14 aller-retours par jour par Renfe. Le groupe français y a investi quelque 600 millions d'euros et a enregistré un demi-million de passagers en cinq mois.

Pour accélérer, Ouigo a même prévu de lancer des liaisons de Madrid vers Valence et Alicante (sud-est) à la fin de l'année, et vers l'Andalousie (sud) d'ici 2023. Pour contrer les offensives des nouveaux concurrents dans l'Hexagone, la SNCF mise notamment sur le lancement de sa classe "business première", qui sera mise en service sur l'axe Paris-Lyon.

Preuve que la SNCF a aussi encore du travail dans sa conquête, en Espagne, sa nouvelle application très décriée "SNCF Connect" commercialise - très cher - les trains à grande vitesse de la compagnie locale Renfe mais pas encore les Ouigo que la SNCF.

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  • Le coup manqué de la Renfe... qui vise désormais l'Eurostar

En réponse, la Renfe a lancé ses propres trains à grande vitesse low-cost Avlo le 23 juin entre Madrid et Barcelone. Mais de constater toutefois une assymétrie avec ses plans d'expansion en France. "Nous aimerions que ce modèle (de concurrence, NDLR) s'applique de la même manière dans d'autres pays comme la France, où la Renfe et d'autres fabricants espagnols rencontrent beaucoup d'obstacles pour avancer au même rythme", dénonçait la compagnie espagnole l'an passé.

Logiquement, la Renfe entend se positionner sur des lignes rentables. Entre juin 2019 et juin 2021, l'autorité de régulation des transports (ART) a ainsi reçu 38 déclarations d'intention pour opérer des SLO (services librement organisés), de la part des grands groupes internationaux étrangers.

Ainsi, avec ses "AVE", la Renfe s'est dite prête à se positionner sur Paris-Lyon-Marseille et Paris-Londres. Pour se différencier, l'espagnol proposer des aménagements tels qu'un espace de réunion privatif à bord avec des écrans de travail, et des rangées limitées à trois sièges. Depuis la fin 2021, elle possède d'ailleurs une succursale à Paris.

Mais pour l'Espagnol, les difficultés sur son projet se sont accumulées puisqu'elle n'a pas réussi à s'implanter pour opérer sur la ligne TGV Paris-Lyon-Marseille. Elle n'a pas obtenu d'autorisations techniques pour accéder au réseau ferroviaire. La société ferroviaire a rencontré des difficultés techniques, notamment en matière de signalisation ferroviaire sur les lignes à grande vitesse.

Pour se refaire, l'entreprise nationale ibérique lorgne désormais la ligne Paris-Londres, assurée par Eurostar, donc par la SNCF qui va bientôt fusionner avec le franco-belge Thalys. Aussi, avec un minimum de sept trains, elle compte utiliser les créneaux de circulation encore disponibles du Tunnel sous la Manche.

Environ neuf millions de voyageurs empruntent annuellement la ligne Paris-Londres, dont sept millions via le train Eurostar, qui relie les deux capitales en un peu plus de 2 heures. Et si le trafic des trains Eurostar a fortement baissé depuis 2020 en raison de la crise sanitaire, il « était en croissance jusqu'au Covid-19 » et devrait « retrouver cette tendance l'année prochaine », souligne la Renfe. L'actuel président de Renfe, Isaias Taboas, a inclus l'internationalisation - et la France en priorité - comme l'un des moyens clés de croissance dans son dernier plan stratégique.

  • Les autres concurrents sur l'échiquier

La mise en concurrence des offres de la SNCF ne va enfin pas s'arrêter là. Sur ces lignes, elle devra aussi affronter la coopérative Railcoop et Midnight Trains -des trains de nuit haut de gamme-. De leurs côtés, les TGV italiens devraient faire deux allers-retours par jour, entre Paris Gare de Lyon et Milan Centrale, en passant par Lyon Part-Dieu, Chambéry,  Modane et Turin,  le matin et le soir, selon le site internet de Trenitalia France. Ultérieurement, cette offre devrait être complétée avec trois allers-retours quotidiens entre Paris et Lyon, la liaison à grande vitesse la plus rentable de la SNCF.

Dans les airs, la concurrence des compagnies aériennes low cost (Vueling, Easyjet, Ryanair) risque aussi de lui tailler des croupières sur sa clientèle.

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Commentaires 3
à écrit le 18/02/2022 à 14:36
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Bel euphémisme "La société ferroviaire (RENFE) a rencontré des difficultés techniques, notamment en matière de signalisation ferroviaire sur les lignes à grande vitesse" quand en réalité c'est RFF qui met des bâtons dans les roues à toute tentative d...

à écrit le 18/02/2022 à 11:32
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Ce que l’on peut dire à la SNCF, c’est bienvenue dans le monde réel, celui où on respecte l’usager devenu client et pas seulement l’inconnu x que l’on incorpore dans un transport de masse !!

à écrit le 17/02/2022 à 22:37
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La SNCF et l'Etat ont toujours été protectionnistes sinon chauvin.. Les AVE S-100 (rames de la RENFE qui sont des TGV fabriqués par Alsthom) ne ont pas pleinement homologués en France car incompatibles avec les lignes françaises (sous TVM 300) alors...

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