LA TRIBUNE - Comment Vinci Airports a traversé l'arrêt quasi-complet du transport aérien mondial ?
NICOLAS NOTEBAERT - Notre première priorité a été d'assurer la continuité du service public. Nos aéroports n'ont pas fermé. Ils ont participé pleinement à l'effort de lutte contre la maladie avec l'organisation de vols sanitaires et le transport de matériels médicaux dont plusieurs millions de masques.
Autre priorité : la poursuite des travaux de rénovation sur nos aéroports, en synergie avec les équipes d'Eurovia et VINCI Construction Grands Projets. Les pistes des aéroports de Rennes et Toulon-Hyères ont été achevées et les chantiers ont avancé à Belgrade ou Santiago du Chili. Pour les travaux programmés un peu plus tard, certains seront reportés pour préserver les liquidités des aéroports concernés, notamment ceux qui portent sur une augmentation des capacités aéroportuaires. Ce qui ne signifie pas qu'ils sont remis en cause. A Lisbonne par exemple, la construction du nouvel aéroport de Montijo est maintenue, mais son ouverture, prévue initialement d'ici à fin 2022, est un peu décalée. Nous maintenons bien sûr les investissements en lien avec la réduction de l'empreinte carbone. Enfin, ces dernières semaines nous avons également préparé la reprise, en déployant les nouvelles mesures sanitaires permettant d'assurer le retour des équipes et des passagers dans les meilleures conditions.
Sur le plan social, pour pallier la chute de l'activité, une grande partie des salariés a été placée au chômage partiel dans les pays dans lesquels des accompagnements ont été mis en place comme la France, le Portugal ou la Serbie. Dans les pays où le régime social est différent nous avons dû lancer un plan de départs volontaires pour adapter nos effectifs à l'activité. Mais, d'une manière générale, l'enjeu principal n'était pas de baisser nos effectifs. Il y a beaucoup de sous-traitance sur nos aéroports et nos effectifs ne sont pas très nombreux. Au Portugal par exemple, sur les dix aéroports que nous gérons, Vinci Airports compte seulement 1 260 collaborateurs.
Rencontrez-vous des problèmes de liquidités sur vos actifs aéroportuaires ?
Non. Pour préserver nos liquidités, nous avons réduit nos dépenses d'exploitation et reporté les investissements de capacités qui devaient débuter au deuxième semestre ou dans quelques mois. Sur les aéroports que nous avons financés avec un fort effet de levier nous avons levé des lignes de crédit. Nous avons parfois levé une ligne de crédit supplémentaire, comme à Londres Gatwick pour un montant de 300 millions de livres.
Après près de trois mois d'inertie, le transport aérien redémarre progressivement. Vinci Airports a rouvert les aéroports de Nantes et Lyon ce lundi 8 juin et les vols entre la France et le Portugal suivront le 15 juin. Êtes-vous confiant sur la capacité de vos aéroports à "récupérer" les réseaux qui étaient les leurs avant cette crise ?
Cette crise qui frappe le transport aérien n'est pas une crise de la demande. C'est une crise liée aux restrictions de voyages à cause de l'épidémie de Covid-19. Le redémarrage est difficile car les gouvernements ne donnent pas beaucoup de visibilité concernant la levée de ces restrictions. En Europe par exemple, nous devinons que les frontières des pays de la zone Schengen vont s'ouvrir prochainement mais nous ne savons pas quand exactement. Tant qu'il n'y a pas ces levées de restrictions aux voyages, il est difficile d'y voir clair.
En tout cas, l'amélioration de la situation sanitaire en Europe et en Asie va permettre la levée de ces restrictions et la mise en place de programmes de vol qui vont déclencher les réservations. Certaines compagnies anticipent néanmoins l'ouverture aux frontières. Nous observons deux types de comportements chez les compagnies aériennes : celles qui mettent de la capacité et celles qui sont très malthusiennes. Or la bonne réponse, à notre sens, est de mettre des capacités en ligne pour répondre à la demande. Nous sommes dans un secteur où l'offre crée la demande. Il faut la tester en mettant de l'offre et montrer aux clients qu'il n'y a pas de problème à prendre l'avion.
A court terme, il faut mettre de la capacité pour que les gens réservent. Les vacances sont un moment important de liberté pour les Européens. Nous pouvons espérer de bons remplissages des avions en juillet et août. Si les restrictions sont levées, je pense que les compagnies devraient pouvoir remettre en service 75 à 80 % de leurs capacités. Si la demande ne suit pas, il sera toujours possible d'ajuster les choses. La ligne Paris-Toulon par exemple a rouvert. Il faut mettre de la capacité. Le Var est une destination très demandée.
A moyen terme, le choc économique pourrait avoir un effet sur la demande Nos réseaux étaient bien structurés jusqu'ici. Nos vols ne sont pas subventionnés, nos flux de trafic ne sont pas artificiels. A terme, je suis donc confiant sur le fait que nos réseaux se rétablissent.
HOP, la filiale régionale d'Air France, va arrêter son activité à Orly et sur les lignes transversales pour se concentrer sur l'alimentation des hubs de Roissy-Charles de Gaulle et Lyon. Qu'en pensez-vous ?
Le gouvernement a annoncé la suppression à venir des routes aériennes sur lesquelles il existait une alternative ferroviaire en moins de 2h30. Il ne faut pas confondre cette mesure qui ne concerne pas l'essentiel du réseau français et la restructuration du groupe Air France. Les régions sont mal reliées entre elles et sont très dynamiques. Elles ont besoin de liaisons aériennes directes. Si le groupe Air France décidait de se retirer des lignes transversales, je ne doute pas que d'autres compagnies viendraient se positionner, car il y a une demande. Avec le TGV, Lyon n'a pas de problème dans sa relation avec Paris. Mais la ville a besoin d'une grande connectivité vers l'Europe. S'il y a une limite de capacité, d'autres sauront prendre la place.
Pour accompagner la reprise, plusieurs compagnies aériennes ont demandé des exemptions de redevances aéroportuaires pendant un certain nombre de mois. Certaines ont même prévenu que cela serait un élément de choix des aéroports au moment de la reprise. Qu'avez-vous fait ?
Tout le secteur est touché et pas seulement les compagnies aériennes. Il faut que tous les acteurs soient aidés par la puissance publique. Les aéroports n'ont pas eu de recettes en avril et en mai. Je ne vois pas comment ils pourraient aider d'autres acteurs qui eux aussi n'ont pas eu de revenus pendant cette période. En revanche nous sommes prêts à réfléchir à des partenariats commerciaux et marketing pour le redémarrage. Encore faut-il que la demande soit au rendez-vous. Pour le savoir, il faut remettre de l'offre.
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