À Ouessant, la Bretagne teste la chaîne de valeur de l’hydrogène vert d'origine hydrolienne

Les habitants d’Ouessant expérimentent des vélos roulant à l'hydrogène, mais un hydrogène « vert », produit grâce à l’hydrolienne D10 de Sabella immergée en mer d'Iroise. De la production au stockage, en passant par le transport et jusqu'à l'utilisation finale, c'est la première fois qu'une expérience de cette ampleur est réalisée en Bretagne. À Paimpol-Bréhat, un des rares sites d'essais hydroliens en Europe, le Conseil régional et EDF s'activent pour attirer développeurs et turbiniers internationaux, tandis qu'une fondation est en gestation pour fédérer les cinq sites d'essais français en énergies marines (y compris éolien flottant et houlomotrice).
Depuis le 6 décembre, les habitants de l’île bretonne d'Ouessant testent des vélos à hydrogène renouvelable produit à partir d’énergie hydrolienne.
Depuis le 6 décembre, les habitants de l’île bretonne d'Ouessant testent des vélos à hydrogène renouvelable produit à partir d’énergie hydrolienne. (Crédits : BDI)

L'île d'Ouessant, terrain d'expérimentation idéal en matière de transition énergétique ? Depuis le 6 décembre et jusqu'au 16 décembre, les habitants de l'île bretonne non-interconnectée testent des vélos mis à disposition par la société biarrote Pragma Mobility et fonctionnant à l'hydrogène renouvelable - un hydrogène véritablement « vert » puisque produit exclusivement à partir d'énergie hydrolienne.

Le choix de l'île ne doit rien au hasard car, comme Sercq et les Îles Scilly, Ouessant fait partie des sites pilotes intégrés au projet européen Intelligent Community Energy (ICE).

Tester la chaîne de valeur de l'hydrogène « vert » d'origine hydrolienne

Il s'agit d'une démonstration de grande ampleur, une première pour la région Bretagne, qui couvre toute la chaîne de valeur depuis la production d'hydrogène renouvelable à partir de l'énergie hydrolienne en passant par le stockage, le transport et l'usage final. Elle est réalisée en association avec les entreprises Sabella, H2X Ecosystems et H2Gremm et elle est coordonnée par l'agence Bretagne Développement Innovation (BDI).

« Cette expérimentation couvre l'ensemble de la chaîne de valeur, de la production d'énergie, au stockage, jusqu'à son utilisation, en passant par son transport. Cette expérience est la première de cette ampleur réalisée en Bretagne », assure BDI.

De très puissants courants marins jusqu'à 9 nœuds localement

La production d'électricité est ainsi assurée par l'hydrolienne D10 (17 mètres de haut, d'une puissance de 1 MW) développée par Sabella (photo) à Quimper et Brest et immergée au nord de la mer d'Iroise, dans le passage du Fromveur, situé entre l'archipel de Molène et l'île d'Ouessant, où la machine peut tirer parti de très puissants courants, qui peuvent atteindre jusqu'à 9 nœuds localement.

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Sabella, hydrolienne, D10,

Mise à l'eau pour la première fois en 2015 et de nouveau immergée au printemps 2022 après des améliorations techniques, elle est la première machine à avoir injecté de l'électricité issue de l'énergie d'origine hydrolienne sur le réseau français.

Pour autant, l'électricité produite par l'hydrolienne est intermittente et ne permet pas de couvrir en continu les besoins d'un site isolé. Quant aux containers présents sur l'île, ils ne permettent pas de stocker l'intégralité de l'électricité produite par D10.

L'hydrogène, pour stocker l'énergie intermittente de l'hydrolienne

C'est là qu'intervient le vecteur hydrogène. En répondant à la problématique de stockage, il permet d'éviter le recours à d'autres sources énergétiques, y compris fossiles.

« Associé à une source d'énergie renouvelable, un électrolyseur permet de convertir l'excédent d'électricité en hydrogène, et de stocker cette énergie sous forme compacte », précise Robin Falcone, ingénieur projets au sein de Sabella, qui prévoit d'exploiter davantage cette solution de stockage.

Un cas d'usage pour tester les bornes de recharge pour vélos

Pour la partie amont de cette expérimentation, une centrale de production et de stockage d'hydrogène d'une puissance de 3kW, développée par l'entreprise finistérienne H2Gremm à Edern, a été installée.

Car l'hydrogène est également intéressant en termes de transport d'énergie.

« Il limite drastiquement les coûts et les pertes liés aux longues distances entre le site de production d'électricité hydrolienne et les zones de consommation » précise l'ingénieur.

Avec ces vélos à hydrogène, les habitants d'Ouessant, qui se prêtent depuis cinq ans à des expérimentations de technologies de pointe (production, stockage, smart energies), testent en parallèle un nouveau cas d'usage : car ces vélos sont associés à des stations de recharge installées sur le port d'Arlan par la société rennaise H2X Ecosystems.

Alors que Ouessant s'est fixée comme objectif de produire 50% de sa consommation en énergies renouvelables en 2023 et 100% en 2030, l'île est souvent citée comme laboratoire de la transition énergétique. « Ces 10 jours d'expérimentation déboucheront peut-être sur le développement de solutions de décarbonation pérennes sur ce territoire » espère BDI.

Paimpol-Bréhat, un des rares sites d'essais hydroliens en Europe

Pour autant, la stratégie de la région Bretagne en faveur de la mise en place d'une filière liée à l'hydrolien ne se limite pas aux enjeux de l'insularité. D'autres démarches, projets et entreprises sont soutenus qui visent à la diversification du mix énergétique.

Sur le site d'essais hydrolien de Paimpol-Bréhat, un des rares lieux européens permettant de tester des machines en conditions réelles, le Conseil régional, avec son partenaire EDF, investit pour attirer les développeurs et turbiniers internationaux.

Suite à des travaux de reconfiguration de la liaison sous-marine, le site est doté d'une connectique plus performante et raccordé au réseau électrique national. Depuis septembre, les démonstrateurs hydroliens peuvent être couplés à une prise de courant triphasé alternatif. « Autre axe d'amélioration : la connexion s'effectue dorénavant à l'aide d'une prise terminale connectable hors d'eau, évitant ainsi la prise de connexion sous-marine par plongeur », se félicite BDI.

Cette opération a été réalisée dans le cadre du projet européen TIGER (pour Tidal Stream Energy Industry Energiser, ou « industrie de l'énergie marémotrice »), avec le cofinancement du programme européen INTERREG Manche, qui vise « à démontrer que l'énergie hydrolienne est une industrie en pleine maturité ».

Le site de Paimpol-Bréhat est aussi sur le point d'intégrer la Fondation Open-C, qui sera créée d'ici à la fin de l'année. Elle aura pour but de fédérer et animer les cinq sites d'essais français en énergies marines, Sem-Rev à Nantes, Bordeaux, Mistral à Port-Saint-Louis-du-Rhône, et l'autre site breton de Sainte-Anne-du-Portzic (éolien flottant et énergie houlomotrice).

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