C'est peu dire que la France était attendue au tournant. Car son silence sur l'alliance qui a réuni ces derniers jours une trentaine de pays dont l'Espagne, le Canada, les Etats-Unis ou encore l'Allemagne sur la fin du financement à l'étranger des énergies fossiles dès 2022, devenait embarrassant pour l'exécutif. Si bien que de nombreuses ONG faisaient monter la pression sur l'Hexagone, interpellant à la COP26 le gouvernement afin qu'il prenne enfin position.
C'est désormais chose faite : la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé ce vendredi que la France rejoignait finalement la coalition visant à mettre un terme à toute subvention publique aux projets d'extraction de charbon, de pétrole et de gaz à l'international. Et ce, à quelques heures seulement de la clôture officielle de la COP26 - même si les tractations pourraient bien se prolonger tout au long du week-end.
La lutte contre le dérèglement climatique implique de tourner la page des énergies fossiles.
— Barbara Pompili (@barbarapompili) November 12, 2021
J'annonce aujourd'hui à la #COP26 que la France rejoint l'accord mettant fin aux financements à l'étranger de projets d'exploitation d'énergies fossiles d'ici fin 2022.@AlokSharma_RDG pic.twitter.com/LBRaxp19dP
L'annonce a été immédiatement saluée par le WWF France, qui plaidait depuis plusieurs mois pour une décision en ce sens. « Cela va permettre [à la France] d'accélérer son calendrier de sortie des soutiens de projets gaziers et pétroliers à l'étranger. Nous appelons le gouvernement à concrétiser cet engagement dès le budget 2022 en cours de discussion », a réagi Pierre Cannet, directeur du plaidoyer de l'ONG.
La mention des énergies fossiles, une première
Si tout n'est pas gagné, cette déclaration s'ajoute à une succession de promesses inédites formulées ces derniers jours à la COP26. Hier, la France avait notamment rejoint une autre coalition, baptisée Boga (Beyond oil and gas alliance). Portée par le Costa Rica et le Danemark, elle rassemble une quinzaine de pays et régions qui s'engagent à sortir progressivement à l'exploitation de gaz et de pétrole sur leur sol. Et jeudi dernier, presque 200 pays s'étaient engagés à sortir progressivement du charbon à partir de 2030, en stoppant tout « soutien à la création de nouvelles centrales ».
C'est une première dans ces conférences internationales des Nations-Unies, puisque celles-ci évitaient jusqu'ici soigneusement de s'attaquer directement à la source principale du dérèglement climatique : les énergies fossiles. Charbon, gaz et autre pétrole n'étaient d'ailleurs même pas mentionnés dans le fameux accord de Paris signé en 2015, clé de voûte de la diplomatie climatique, qui traçait une trajectoire d'augmentation des températures globales en dessous des + 2°C, si possible 1,5°C, d'ici à la fin du siècle.
« Enfin, le véritable problème est pointé du doigt. Jusqu'alors, on se focalisait sur les solutions disponibles, en mettant en avant diverses innovations disponibles. Mais on camouflait les racines du réchauffement », avance Pierre Cannet.
Une déclaration finale déjà adoucie
Reste que la plupart des engagements sont pour le moins timides : l'alliance Beyond oil and gas, par exemple, n'impose pour l'heure aucune date butoir. Quant à celle sur la fin du financement à l'étranger des projets d'énergie fossile, un certain nombre d'acteurs cruciaux manquent encore à l'appel, comme la Chine, l'Australie ou le Brésil. Et pour ceux qui l'ont bien signée, dont la France donc, la question de la mise en place concrète sera primordiale. Car l'interdiction des subventions publiques pour les centrales thermiques à l'export ne s'appliquera pas à celles qui disposeraient de moyens de capture de CO2, du moins dans un premier temps. Or, plusieurs ONG environnementales jugent cette technique peu efficace.
De manière globale, le nouveau projet de déclaration finale pour cette COP26 mis en ligne vendredi par la présidence britannique, s'il fait bien référence aux énergies fossiles, a été édulcoré par rapport à une première version. Concrètement, alors que cette dernière appelait à « accélérer la sortie du charbon et des financements aux énergies fossiles », les parties sont maintenant encouragées à limiter les financements « inefficaces » aux énergies fossiles, et à accélérer la sortie de l'utilisation du charbon là encore uniquement s'ils ne présentent pas ces fameux « systèmes de capture » de CO2.
Loin d'être figé, le texte peut encore être amendé lors des négociations, qui se poursuivront jusqu'à l'adoption finale.
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